LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Siderm ayant été mise en redressement judiciaire le 4 avril 2003, la Banque populaire de Champagne (la banque) a déclaré sa créance, sans joindre les documents justificatifs ; que le 1er octobre 2003, M. X..., représentant des créanciers et depuis liquidateur, lui a fait connaître, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, visant les dispositions de l'article L. 621-47 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que, faute d'avoir reçu les documents justificatifs réclamés par une précédente lettre du 7 mai 2003, il envisageait de proposer le rejet de la créance, tout en lui rappelant que le défaut de réponse dans le délai de trente jours lui interdirait toute contestation ultérieure d'une décision conforme à cette proposition ; que la banque a répondu le 16 octobre 2003 en faisant part de son désaccord et en indiquant qu'elle adresserait ses pièces, dès que son conseil lui en aurait fait retour ; qu'elle a fait parvenir les documents justificatifs à M. X... le 16 décembre 2003 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 621-105, alinéa 2, ensemble l'article L. 621-47 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 25 janvier 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article 72 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que la sanction prévue par ces textes en cas de défaut de réponse dans le délai de trente jours n'est applicable que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 621-47 du même code ; qu'elle ne peut être étendue au cas où le représentant des créanciers se borne à solliciter des pièces justificatives ;
Attendu que pour rejeter la créance l'arrêt retient que la lettre du 16 octobre 2003, par laquelle la banque a répondu à M. X..., ès qualités, que les pièces se trouvaient entre les mains de son conseil et qu'elle ne manquerait pas de les lui adresser dès que celui-ci lui en aurait fait retour, ne saurait s'analyser en une demande même sommaire de nature à rendre recevable la production tardive des documents complémentaires mais en une absence de réponse de sorte qu'en retenant que la banque n'avait pas adressé à M. X..., ès qualités, dans le délai de trente jours les observations sollicitées par le courrier recommandé du 1er octobre 2003, le juge-commissaire a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 621-47 du code de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du 1er octobre 2003 par laquelle M. X..., ès qualités, demandait les documents justificatifs de la créance et qui ne précisait pas l'objet de la contestation, ne relevait pas de la sanction édictée pour défaut de réponse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 621-44 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article 67 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la production des documents revêt un caractère tardif et que l'obligation de procéder à une analyse des pièces produites par la banque ne pouvait incomber au juge-commissaire qu'à la condition que celle-ci eut répondu dans le délai de trente jours au courrier du 1er octobre 2003 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les pièces justificatives avaient été adressées à M. X... le 16 décembre 2003, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Banque populaire Lorraine Champagne
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que la créance de la Banque Populaire Lorraine Champagne était rejetée en totalité ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU' il appartenait à la Banque Populaire Lorraine d'apporter tous les éléments permettant au mandataire d'établir la créance au moment de la vérification du passif ; que ces éléments devaient être effectivement produits dans le délai de 30 jours de la contestation du représentant des créanciers ; que la Banque Populaire Lorraine est un établissement financier disposant d'une structure suffisante permettant de soutenir son dossier et de transmettre les pièces réclamées dans les délais ; que le moyen exposé, à savoir que cet établissement financier ne disposait pas du double des justificatifs ne sera donc pas retenu ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE s'il ne saurait être contesté que la production des justificatifs revêt un caractère tardif, il ne saurait être davantage discuté que le juge-commissaire se trouvait en possession de ces éléments au moment où il a statué ; qu'il est constant que l'obligation de procéder à une analyse des pièces produites par la Banque Populaire Lorraine Champagne ne pouvait incomber au juge-commissaire qu'à la condition que celle-ci eut répondu dans le délai de 30 jours au courrier du 1er octobre 2003 ; que le seul document adressé à Me Hervé X... ès qualités dans ledit délai est le courrier en date du 16 octobre 2003, par lequel la Banque Populaire Lorraine Champagne a répondu à Me Hervé X... ès qualités : « Maître, nous faisons suite à votre lettre de contestation de créances relatives à l'absence de justificatifs joints à notre déclaration de créances. Afin de ménager nos droits, nous vous faisons part de notre désaccord. Toutefois, ces pièces se trouvent entre les mains de notre conseil, nous en demandons retour. Dès réception, nous ne manquerons pas de vous les adresser» ; qu'un tel courrier, émanant d'un établissement financier structuré qui était doté de moyens de nature à lui permettre de fournir des explications suffisamment explicites pour constituer un commencement de preuve du bien-fondé de sa créance, ne saurait s'analyser en une réponse même sommaire, laquelle aurait alors rendu recevable la production tardive de documents complémentaires mais en une absence de réponse ; qu'en retenant que la banque n'avait pas adressé à Me Hervé X... ès qualités dans le délai de 30 jours les observations sollicitées par ce dernier dans son courrier recommandé du 1er octobre 2003, le juge-commissaire a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 621-47 du code de commerce alors applicable ;
1/ ALORS QUE, pour rejeter la créance, la cour d'appel a jugé que la lettre de l'exposante en date du 16 octobre 2003, intervenue dans le délai de 30 jours, aux termes de laquelle la banque avait indiqué que « afin de ménager nos droits, nous vous faisons part de notre désaccord. Toutefois, ces pièces se trouvent entre les mains de notre conseil, nous en demandons retour. Dès réception, nous ne manquerons pas de vous les adresser » s'analysait en une absence de réponse et ne satisfaisait en conséquence pas aux dispositions de l'article L. 621-47 du code de commerce ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 621-47 et L. 621-105 du code de commerce, ensemble l'article 72 du décret du 27 décembre 1985 dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
2/ ALORS QUE pour rejeter la créance, la cour d'appel, après avoir constaté que le juge-commissaire se trouvait en possession des éléments justificatifs de la créance au moment où il a statué, a jugé que la production des justificatifs était tardive et que le juge-commissaire n'avait d'obligation de procéder à l'analyse des pièces qu'à la condition que ces pièces aient été produites dans le délai de 30 jours ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 621-44 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 et l'article 67 du décret du 27 décembre 1985.