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10/03/2010 | FRANCE | N°08-44636

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 2010, 08-44636


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 septembre 2008), que Mme X... a été engagée le 22 avril 1996 par l'association Les Bisounours (l'association) en qualité de directrice de crèche ; que l'association a été placée en liquidation judiciaire le 24 octobre 2005, M. Y... ayant été désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que ce dernier a notifié à Mme X... son licenciement économique, par lettre du 22 novembre 2005 ; que soutenant que son contrat de travail avait Ã

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 septembre 2008), que Mme X... a été engagée le 22 avril 1996 par l'association Les Bisounours (l'association) en qualité de directrice de crèche ; que l'association a été placée en liquidation judiciaire le 24 octobre 2005, M. Y... ayant été désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que ce dernier a notifié à Mme X... son licenciement économique, par lettre du 22 novembre 2005 ; que soutenant que son contrat de travail avait été transféré de plein droit à la commune de Quiberon qui avait repris, en régie directe, l'activité de l'association, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la commune de Quiberon reproche à l'arrêt de juger que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont applicables et de la condamner à indemniser la salariée, alors, selon le moyen :

1°/ que les contrats de travail en cours ne peuvent être maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise qu'en cas de transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la condition de poursuite ou de reprise de l'activité impliquant nécessairement que l'activité "change de mains", il convient de s'assurer que la première entité a bien cessé d'exercer cette activité et qu'elle est désormais exercée par la seconde entité; qu'en se contentant, dès lors, de relever, pour conclure à la réalisation de cette condition, que l'association Les Bisounours et le Pôle multi-accueil mis en place par la commune de Quiberon auraient eu une activité identique et qu'ils auraient répondu tous deux au même besoin d'intérêt général, sans même indiquer ce qui lui permettait de conclure que le Pôle, qui avait commencé son activité le 6 octobre 2005, aurait effectivement repris ou poursuivi l'activité de l'association, toujours active à cette date, la cour d'appel a d'ores et déjà privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ qu'en se contentant de relever que l'association Les Bisounours et le Pôle multi-accueil auraient eu une activité identique et qu'ils auraient répondu tous deux au même besoin d'intérêt général pour conclure à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans même répondre au moyen des conclusions de la commune de Quiberon tiré de ce que ni les textes régissant le fonctionnement du Pôle multi-accueil et ceux régissant l'association parentale, ni les objectifs poursuivis par les deux structures, ni les moyens mis en oeuvre respectivement n'étaient comparables, de sorte qu'il ne pouvait être conclu à une identité d'activité justifiant l'application de ces dispositions, la cour d'appel a également méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'activité économique transférée doit s'accompagner de la reprise des éléments corporels ou incorporels nécessaires à l'exploitation de l'entité tels que le matériel spécialisé, les locaux, la marque ou la clientèle ; qu'en concluant à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, sans même préciser ce qui lui permettait de retenir que la condition tirée du transfert des moyens d'exploitation nécessaires à l'activité prétendument transférée aurait été remplie en l'occurrence, alors que ni les locaux, ni les équipements, ni le matériel de la crèche Les Bisounours n'avaient été transférés au Pôle multi-accueil, la cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;

Mais attendu que l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant ;

Et attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la commune de Quiberon ait soutenu que l'association Les Bisounours exerçait toujours une activité le 6 octobre 2005 ; que le moyen, pris en sa première branche, est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que l'activité de l'association avait été poursuivie par la commune avec la plus grande partie du personnel auparavant employé par l'association et avec la même clientèle familiale, qui bénéficiait d'un droit de priorité et qui constituait un élément incorporel significatif, la cour d'appel a pu en déduire le transfert à la commune d'une entité économique autonome, conservant son identité et poursuivant la même activité ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de Quiberon aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Quiberon à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour la commune de Quiberon

II est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la Commune de QUIBERON n'avait pas respecté les dispositions de l'article L.122-12 alinéa 2 du Code du travail et que le licenciement économique prononcé par le liquidateur était dépourvu de tout effet et d'avoir, en conséquence, condamné la Commune à verser à Mme Z... les sommes de 26.000 € à titre de dommages intérêts toutes causes de préjudice confondues et de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à garantir la condamnation de la salariée à rembourser au liquidateur ou à l'AGS les sommes qu'elle avait perçues à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, de congés payes sur préavis et de salaire à compter du 1er septembre 2005 ;

AUX MOTIFS QU'il est désormais admis que lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique gérant un service public, il appartient à cette dernière de maintenir le contrat de travail de droit privé des intéressés ou de leur proposer un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur ancien contrat dans la mesure où les dispositions législatives ou réglementaires n'y font pas obstacle ; qu'il résulte des pièces versées aux débats : - qu'en mars 2000, les locaux où se situait la crèche Les BISOUNOURS ont été déclarés non conformes par les services vétérinaires, - qu'une réunion a alors été organisée le 22 mars 2000 à la Mairie de QUIBERON à laquelle participaient des représentants de la CAF du MORBIHAN, de la PMI, les Maires de QUIBERON et de SAINT PIERRE QUIBERON, la trésorière et la directrice de la crèche Les BISOUNOURS, au cours de laquelle plusieurs solutions ont été envisagées et la décision de procéder à la construction de nouveaux locaux a été prise, - que par la suite, les démarches visant à permettre la réalisation de ce projet ont été entreprises conjointement par la Commune et l'association, la Directrice, Madame Z... étant régulièrement sollicitée pour avis et conseils et tenant informée la Commune de la situation, - que le 11 février 2005, la Commune de QUIBERON a adressé un courrier au Président de l'association pour l'informer que, souhaitant développer son activité en direction de la petite enfance, ce qui s'était traduit par la construction d'un nouveau centre multi-accueil, elle avait décidé d'assurer elle-même la gestion du nouveau bâtiment et pour lui faire savoir qu'il ne devait pas procéder à de nouveaux recrutements, - qu'au cours du printemps 2005, le Maire de QUIBERON, lors de réunions, a indiqué que chaque agent avait été informé des modalités de reprise de leur contrat de travail, que tout le personnel qui le souhaitait serait repris, que seul le cas de la directrice posait problème car son salaire était trop élevé et ne correspondait pas aux grilles de la Fonction publique et que les enfants accueillis à la crèche Les BISOUNOURS seraient pris en priorité ;

QU'au regard de ces éléments, force est de constater : - que l'activité des deux structures était identique, à savoir une activité avant tout de crèche et de halte garderie même si le centre multi-accueil géré par la Mairie avait une capacité d'accueil plus importante et était susceptible d'offrir des prestations complémentaires, - que dans les deux cas, cette activité répondait au même besoin d'intérêt général, - qu'une partie du personnel de l'association a été conservée et que le Maire avait reconnu que les contrats devaient être repris, le cas de Madame Z... étant seul à poser un problème compte tenu du niveau de salaire de celle-ci, ce qui n'est pas un argument, - que la « clientèle » a également été reprise puisque ce sont les mêmes enfants confiés à la crèche LES BISOUNOURS qui devaient être pris en priorité au centre multi-accueil, - que la Commune finançait à hauteur de 26 % l'association ; qu'il s'ensuit qu'il y a bien eu transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité s'est poursuivie et a été reprise, étant précisé : - que le fait que cette activité se soit alors exercée dans de nouveaux locaux ne peut valablement être opposée par la Mairie dans la mesure ou à l'origine ces locaux étaient destinés à accueillir la crèche LES BISOUNOURS comme le démontrent les réunions, les décisions prises, les démarches effectuées par les uns et les autres et les échanges de courriers, - qu'indépendamment du fait que dans une commune de la taille de QUIBERON la présence de deux crèches ne revêtait guère de nécessité, la Commune de QUIBERON ne peut davantage invoquer le fait que rien n'empêchait l'association de poursuivre son activité alors qu'elle savait depuis 5 ans que les locaux de la crèche n'étaient pas conformes, ne permettaient plus l'accueil de jeunes enfants et allaient être fermés et que c'était justement pour cette raison que la construction d'un nouveau bâtiment était intervenue et que par voie de conséquence, aucune disposition visant à mettre aux normes les anciens locaux n'avait été prise ; qu'en s'abstenant de reprendre le contrat de travail de Madame Z..., la Commune de QUIBERON a méconnu les dispositions de l'article L122-12 du Code du travail ; que le licenciement de la salariée se trouve privé de tout effet et que cette dernière est fondée à obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi et qui sera réparé par l'octroi de dommages-intérêts dont le montant sera fixé à la somme de 26.000 € ; que par ailleurs, dans la mesure où le licenciement prononcé par le liquidateur est privé d'effet et où « l'imputabilité de la rupture est attribuée à la Commune de QUIBERON, il convient de mettre à la charge de cette dernière les indemnités de préavis et de licenciement et les salaires avancés par l'A.G.S. et d'ordonner le remboursement de ces sommes par la salariée au liquidateur ; que le jugement sera intégralement infirmé ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les contrats de travail en cours ne peuvent être maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise qu'en cas de transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la condition de poursuite ou de reprise de l'activité impliquant nécessairement que l'activité « change de mains », il convient de s'assurer que la première entité a bien cessé d'exercer cette activité et qu'elle est désormais exercée par la seconde entité ; qu'en se contentant, dès lors, de relever, pour conclure à la réalisation de cette condition, que l'Association LES BISOUNOURS et le Pôle multi-accueil mis en place par la Commune de QUIBERON auraient eu une activité identique et qu'ils auraient répondu tous deux au même besoin d'intérêt général, sans même indiquer ce qui lui permettait de conclure que le Pôle, qui avait commencé son activité le 6 octobre 2005, aurait effectivement repris ou poursuivi l'activité de l'association, toujours active à cette date, la Cour d'appel a d'ores et déjà privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 ancien article L.122-12, alinéa 2 du Code du travail ;

ALORS. D'AUTRE PART, QU'en se contentant de relever que l'Association LES BISOUNOURS et le Pôle multi-accueil auraient eu une activité identique et qu'ils auraient répondu tous deux au même besoin d'intérêt général pour conclure à l'application de l'article L.1224-1 du Code du travail, sans même répondre au moyen des conclusions de la Commune de QUIBERON tiré de ce que ni les textes régissant le fonctionnement du Pôle multi-accueil et ceux régissant l'association parentale, ni les objectifs poursuivis par les deux structures, ni les moyens mis en oeuvre respectivement n'étaient comparables, de sorte qu'il ne pouvait être conclu à une identité d'activité justifiant l'application de ces dispositions, la Cour d'appel a également méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ET ALORS, ENFIN, QUE l'activité économique transférée doit s'accompagner de la reprise des éléments corporels ou incorporels nécessaires à l'exploitation de l'entité tels que le matériel spécialisé, les locaux, la marque ou la clientèle ; qu'en concluant à l'application de l'article L.1224-1 ancien article L.122-12 du Code du travail, sans même préciser ce qui lui permettait de retenir que la condition tirée du transfert des moyens d'exploitation nécessaires à l'activité prétendument transférée aurait été remplie en l'occurrence, alors que ni les locaux, ni les équipements, ni le matériel de la Crèche LES BISOUNOURS n'avaient été transférés au Pôle multi-accueil, la Cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44636
Date de la décision : 10/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 04 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 2010, pourvoi n°08-44636


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44636
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