LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Théodore X... est décédé le 6 février 1974 en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, Charlotte Y..., donataire d'un quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit des biens composant sa succession, et les trois enfants issus de leur mariage, Marie-Edith, Jean-Pierre et Bernard ; que Charlotte Y... est décédée le 28 décembre 1996 en l'état d'un testament léguant un immeuble à sa fille ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu que M. Bernard X... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 juin 2008), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 28 février 2006, n° 03-10. 639 et 03-14. 832), d'avoir décidé qu'étaient dispensés de rapport à la succession les indemnités d'occupation de Lamanon et les frais d'entretien jusqu'au décès de Charlotte Y... ;
Attendu que, selon l'article 852 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, les frais de nourriture et d'entretien ne doivent pas être rapportés à la succession, à moins que le défunt ait manifesté la volonté d'obliger le successible au rapport ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, sous la dénomination de " frais d'entretien et d'indemnités d'occupation ", M. Bernard X... demandait le rapport de frais d'entretien et de nourriture ; que M. Bernard X... n'ayant pas soutenu que les défunts avaient manifesté la volonté d'obliger leur fille à en rapporter le montant, il en résulte que ces frais n'étaient pas à être rapportés ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;
Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Bernard X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Bernard X... à payer à Mme Marie-Edith X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils pour M. Bernard X...
Premier moyen de cassation
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'étaient dispensés de rapport à la succession les indemnités d'occupation de l'immeuble de Lamanon et les frais d'entretien jusqu'au décès de Madame Y....
Aux motifs que Monsieur Bernard X... prétend que Mlle Marie-Edith X... a bénéficié d'un entretien par sa mère ou ses parents pendant 30 ans et M. Jean-Pierre X... d'un entretien de la même manière pendant 12 ans ; qu'il estime que de tels avantages doivent être rapportés. Mlle Marie-Edith X... vivait avec ses parents, son père et sa mère, puis avec sa mère seule. M. Théodore X..., le père, est né le 27 juin 1907 ; que Mme Charlotte Y..., sa mère, est née le 17 octobre 1911 ; que les deux parents sont restés à domicile jusqu'à leur mort, la fille de la famille, restée célibataire, près de ses parents, puis de sa mère seule, s'est occupée d'eux jusqu'à leur mort, sans percevoir la moindre rétribution ; si elle a bénéficié du budget nourriture de ses parents, puis de sa mère et a été hébergée, ces avantages ne compensaient même pas le prix des services qu'elle apportait ; Mlle Marie-Edith X... n'a bénéficié de ce fait d'aucune libéralité ; qu'en ce qui concerne M. Jean-Pierre X..., les allégations de M. Bernard X... sur un éventuel entretien de celui-ci par sa mère ou ses parents, ne sont pas établies ; que le jugement sera confirmé sur ce point, pour des raisons d'appréciation de pur fait » (arrêt p. 10 et11).
1°- Alors que, d'une part, l'article 843 du code civil n'opère aucune distinction selon que le défunt a donné un bien ou seulement les fruits de celui-ci ; qu'ainsi les donations de fruits ou de revenus sont rapportables si elles sont établies, à l'instar des autres donations, sauf si le donateur a manifesté sa volonté de dispenser le gratifié du rapport ; que la cour d'appel qui constate expressément que Marie-Edith X..., aujourd'hui âgée de 69 ans, a occupé gratuitement depuis l'âge de 25 ans la propriété de ses parents et a été entièrement entretenue par ces derniers, sans raison particulière, et alors que ses parents n'ont jamais manifesté d'une façon ou d'une autre leur volonté de la dispenser du rapport, devait nécessairement en déduire que les indemnités d'occupation et les frais d'entretien étaient rapportables à la succession ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
2°- Alors que, d'autre part, il résulte encore de l'article 843 du code civil que l'obligation au rapport d'un bien comme des fruits de celui-ci est indépendante de sa fonction ; qu'en retenant par un motif inopérant que les tâches qui auraient mérité rétribution et supposées effectuées par Marie-Edith X... célibataire, auprès de ses parents, justifiaient que les frais d'entretien et indemnités d'occupation pendant 30 ans ne soient pas rapportables, la cour d'appel a violé derechef l'article 843 du code civil ;
3°- Alors qu'en toute hypothèse, la cour d'appel ne pouvait affirmer que Marie-Edith X... se serait occupée de ses parents puisqu'elle vivait avec eux et que les avantages qu'elle retirait en étant hébergée et entretenue par ses parents « ne compensaient même pas les services qu'elle apportait » sans préciser qu'elles étaient les tâches méritant rétribution qu'auraient effectuées Marie-Edith X... auprès de ses parents, lesquels étaient en bonne santé, excepté les derniers mois de la vie de Madame Y..., et vivaient de façon particulièrement aisée avec de l'aide domestique dans une grande propriété ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 843 du code civil ;
Deuxième moyen de cassation
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de soumettre au rapport les avantages indirects tirés de la fusion absorption de la société Samica I par la société Samica II par les co-héritiers de Monsieur Bernard X...
Aux motifs qu'il existait une société anonyme dénommée SA X... et Y... dite SAMICA ou « SAMICA I », ayant pour activité l'achat et la vente de véhicules automobiles ; qu'une deuxième société anonyme a été formée, dénommée SA X... pour le commerce automobile ; que M. Jean-Pierre X... et Mlle Marie-Edith X... étaient associés dans cette société
X...
pour le commerce automobile qui avait pour activité le service après-vente de véhicules automobiles, exercée dans les mêmes locaux que la SA X... et Y... dite SAMICA ou « SAMICA I » ; que cette deuxième société a absorbé la première en 1977 et a été appelée « SAMICA II » ; que l'actif net apporté par la première société était de 1. 397. 733 francs ou 213. 083, 02 € ; que cette société SAMICA II a, par la suite fait l'objet d'une procédure collective, règlement judiciaire le 29 décembre 1984 puis liquidation des biens le 20 mars 1987 ; que Monsieur Bernard X... affirme qu'au travers de la fusion-absorption entre la SA X... et Y... et la SA X... pour le commerce automobile, les associés de cette dernière société ont bénéficié indirectement d'avantages ; que sur ce point des avantages indirects allégués résultant de la fusion-absorption, l'arrêt n° 736 du 8 octobre 2002 n'a pas été cassé ; que la cour de cassation a précisé qu'elle cassait et annulait cet arrêt seulement en ce qu'il a débouté M. Bernard X... de sa demande tendant à voir ordonner le rapport de la succession des frais d'entretien,... et indemnités d'occupation... ainsi que des avantages indirects liés à la prise en charge des passifs dus par M. Jean-Pierre X... ou la société SAMICA II pour un montant non actualisé de 555. 617 francs, soit 84. 703, 27 €, au titre de CEGEREC CGI, et actualisé pour 4. 513. 677 francs, soit 688. 105, 62 €, et 1. 268. 608 francs, soit 193. 398, 04 € ; que l'arrêt n'est pas cassé sur le débouté de la demande de rapport à succession de la somme de 1. 397. 733 francs, soit 213. 083, 02 €, valeur 1977, actualisée à 4. 513. 677 francs, soit 688. 106, 62 €, en relation avec l'apport du capital SAMICA à SAMICA II lors de la fusion-absorption SAMICA-SAMICA II ; que le seul point sur lequel l'arrêt n° 736 de la cour d'appel a été cassé concerne la prise en charge des passifs dus par M. Jean-Pierre X... ou la société SAMICA II au titre de CEGEREC CGI, pour un montant non actualisé de 555. 617 francs, soit 84. 703, 27 €, et actualisé pour 4. 513. 677 francs, soit 688. 105, 62 €, et 1. 268. 608 francs, soit 193. 398, 04 € ; que la somme de 1. 268. 608 francs correspond à la somme de trois créances :- une créance UCB sur SAMICA 2 de 600. 000 francs, montant que M. Bernard X... s'est cru autorisé à « actualiser » à 810. 000 francs en 2001, en prenant un coefficient d'érosion monétaire de 1, 35 ; une créance société Lyonnaise sur SAMICA 2 de 147. 465 francs, que M. Bernard X... a « actualisée » en 2001, avec un coefficient d'érosion monétaire de 1, 38 à un montant de 203. 501 francs : une créance ELF France avec décision de justice du 12 février 1992 condamnant l'hoirie X... dont Mme Y..., à payer 221. 832, 18 francs, somme que M. Bernard X... a actualisée lui-même en 2001 à 255. 107 francs, en prenant un coefficient d'érosion monétaire de 1, 15 ; que Monsieur Bernard X... ne produit aucun élément de nature à prouver que ces factures auraient été réglées par Mme Charlotte Y..., veuve X... ; que la somme de 555. 617 francs, soit 84. 703, 27 €, et actualisée selon les calculs personnels de M. Bernard X... à 4. 513. 677 francs, soit 688. 105, 62 € correspond à des éléments du passif de la première société SAMICA ; qu'or, par arrêt définitif du 23 avril 1991, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a débouté M. Bernard X... des demandes relatives aux actions de la SAMICA ; que Monsieur Bernard X... ne peut, une nouvelle fois, présenter sa demande ; » (arrêt p. 11 et 12).
1°) Alors que, d'une part, aux termes de l'article 1351 du code civil l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même ; que Monsieur Bernard X... demandait le rapport à la succession de l'avantage indirect lié à la prise en charge du passif de la première société Samica ; qu'en décidant qu'il ne pouvait présenter une nouvelle fois cette demande dès lors que l'arrêt définitif du 23 avril 1991 l'avait débouté de ses demandes relatives aux actions de la Samica alors que cet arrêt n'avait jamais statué sur la prise en compte du passif au titre des libéralités accordées par Madame X..., la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil et dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
2) Alors qu'en tout état de cause, l'article 851 du code civil énonce que le rapport est dû de ce qui a été employé pour l'établissement d'un des cohéritiers ou pour le payement de ses dettes ; que la cour d'appel qui constate que la somme de 555. 617, francs, soit 84 703, 27 €, actualisés à 688. 105, 62 €, correspond à des éléments du passif de la première société Samica, laquelle appartenait aux époux X... et se transformera en une société Samica II alors seulement détenue par 2 des trois enfants des époux X..., devait nécessairement en déduire que cette reprise du passif, qui s'évinçait du traité de fusion était rapportable à la succession ; qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
3) Alors que d'autre part, Monsieur Bernard X... avait demandé dans ses conclusions d'appel devant la cour de renvoi que soit rapporté à la succession l'avantage tiré du bénéfice du compte courant figurant au bilan de la Samica pour un montant de 439 911 Francs, soit 67 064 € ainsi que l'apport inscrit dans le traité de fusion entre Samica I et Samica II ; que la Cour d'appel ne pouvait omettre de répondre à ce moyen alors que l'arrêt du 8 octobre 2002 n'avait pas statué sur ces points mais sur la valeur des actions de la société Samica II ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ensemble les articles 851 et 1351 du code civil ;
Troisième moyen de cassation
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la réduction de ce legs seulement dans les proportions retenues dans le procès-verbal établi par le notaire, Me B....
Aux motifs que « Monsieur Bernard X... a prétendu que ce legs serait atteint de caducité. A la date du décès de la testatrice, ce bien existait toujours dans le patrimoine de celle-ci. Ce legs doit s'appliquer ». (arrêt p. 10) ; c) ; qu'enfin, sur la réduction de ce legs, la cour a considéré que Monsieur Bernard X... estime que ce legs excède la quotité disponible ; que dans son procès-verbal de dires et de difficultés du 18 avril 2005, Me Frédéric B..., notaire, note que « tous les héritiers » de Mme Y... veuve X..., par conséquent M. Bernard X... et Mlle Marie-Edith X... aussi, ont donné leur accord pour la valeur à prendre en considération pour le partage des éléments d'actif successoral ; qu'à ce titre, figure le bien immobilier du ... à Salons-de-Provence, objet du legs particulier, évalué à 320. 143 € : qu'en toutes hypothèses, en admettant même que cette valeur puisse être revue, elle n'a pas, au vu des indices applicables, pu augmenter depuis cette date ; que cette valeur doit être retenue pour apprécier de la réduction, après avoir auparavant déterminé l'ensemble de l'actif successoral de la succession Charlotte Y...- X..., au vu des décisions à prendre plus bas sur les autres points contestés ; que compte tenu des décisions prises ci-dessous, il y aura lieu à réduction dans les proportions retenues dans le procès-verbal de dires et de difficultés établi par Me Frédéric B... le 18 avril 2005, alors que les calculs de Me B... ne sont pas remis en cause par ces décisions » (arrêt p. 10).
Alors qu'il résulte de l'article 920 (ancien) du code civil que les dispositions entre vifs ou à cause de mort qui excèderont la quotité disponible seront réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession ; que la cour d'appel qui, pour calculer la réduction à la quotité disponible énonce que selon Me B..., notaire, dans le procès-verbal de difficultés du 18 avril 2005 « tous les héritiers de Madame Y..., veuve X..., par conséquent Monsieur Bernard X... et Melle Marie Edith X... aussi, ont donné leur accord pour la valeur à prendre en considération pour le partage des éléments d'actif successoral » lors même qu'il ressort seulement dans ce procès-verbal que le notaire retient la valeur des biens fixée dans la déclaration de succession établie après le décès de Madame veuve X..., signée par tous les héritiers qui ont donné leur accord pour cette valeur à ladite date, ce qui ne saurait signifier que les héritiers ont donné leur accord pour la valeur à prendre en considération pour le partage des éléments d'actif successoral, l'exposant ayant au contraire toujours émis des réserves sur le partage de ces éléments d'actif successoral ; qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de dire et difficultés de Me B... et violé l'article 1134 du code civil ;