LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu, selon la décision attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. et Mme X... ont confié à M. Y..., avocat au barreau de Thionville, la défense des intérêts de leur fils Cyril, victime d'un grave accident de la circulation alors qu'il était mineur ; que Cyril X... étant devenu majeur, un juge des tutelles a désigné sa mère en qualité de mandataire spéciale puis en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire et que cette dernière a versé différentes sommes à M. Y... en règlement de ses honoraires ; que le juge des tutelles ayant ensuite désigné l'union départementale des associations familiales de la Moselle (l'UDAF) en qualité d'administrateur ad hoc, puis de tuteur, de Cyril X..., l'UDAF a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Thionville d'une contestation des honoraires facturés par l'avocat ;
Attendu que, le premier président confirme la décision du bâtonnier en ce qu'elle a déclaré nulle la convention d'honoraires établie entre Mme X... et M. Y..., et fixe à une certaine somme les honoraires de celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, sans exposer, même succinctement, les prétentions et moyens de M. Y... soutenus par son conseil présent à l'audience, le premier président a méconnu les exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 octobre 2008, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Nancy ;
Condamne l'union départementale des associations familiales de la Moselle, ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Y... Pascal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant des honoraires de Maître Y... à la somme de 10 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE l'UDAF fait valoir la nullité de la convention d'honoraires sur le fondement de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 prohibant le pacte de quota litis ; que le pacte de quota litis est une convention par laquelle l'avocat et son client conviennent que la rémunération du praticien sera calculée en pourcentage des sommes litigieuses qu'il parviendra à recouvrer ; que l'article 10 de la loi précitée reconnaît cependant la validité de l'honoraire de résultat complémentaire ; que la convention d'honoraires de résultat doit mentionner les frais et honoraires rémunérés pour la même instance pour être conforme à l'article précité qu'en l'espèce, aucune date ne figurant sur la convention, il est impossible de déterminer s'il s'agit d'une convention d'honoraires principaux ou d'une convention d'honoraires de résultat complémentaire; que cependant par aveu judiciaire lors d'une audience du 20 juin 2006, Madame X... a précisé que la convention verbale fixant l'honoraire de Maître Y... à un montant de 10% hors taxe de la somme effectivement perçue avait été établie à l'époque où elle agissait en qualité de mandataire spécial, soit entre le 17 avril 2003, date du jugement la désignant en qualité de mandataire spécial et le 17 juin 2003, date du jugement la désignant en qualité d'administratrice légale ; qu'à cette date le préjudice n'avait pas encore été définitivement liquidé, celui-ci l'ayant été par un jugement du Tribunal de Grande Instance de THIONVILLE rendu le 12 septembre 2005 ; que la convention constituerait dès lors un pacte de quota-litis ; qu'en outre Madame X... précise lors de cette audience que la convention a été signée après le 29 novembre 2005, soit après la liquidation définitive du préjudice ayant eu lieu par un jugement du 12 septembre 2005 ; que la convention conclue entre Madame X... et Maître Y... établirait dès lors un honoraire de résultat complémentaire prohibé par la loi ; qu'en toute hypothèse, la convention doit être déclarée nulle, soit parce qu'établie avant tout service rendu, elle constitue un pacte de quota-litis prohibé par la loi, soit parce qu'établie en tant que convention d'honoraires de résultat complémentaire, elle ne fait pas référence à l'honoraire principal préalable ; qu'en outre l'honoraire de résultat est soumis à l'accord exprès du client ; qu'en l'espèce la signataire de la convention est Madame X... ; qu'aucune date ne figurant que la convention, il est impossible de déterminer quel était le contexte procédural ; qu'il y a lieu dès lors de considérer que la convention signée par Madame X... constitue un acte de disposition dans la mesure où les frais engagés pour le compte de Cyril X... modifie la composition du patrimoine de ce dernier; qu'en toute hypothèse et sur le fondement de l'accord exprès du client, la convention doit être déclarée nulle, soit parce que signée alors que Cyril X... était placé en sauvegarde judiciaire, Madame X... n'avait aucun pouvoir pour signer l'acte en lieu et place de son fils qui conservait la totalité de ses droits en application de l'article 491-2 du Code Civil, soit parce que signée alors que Madame X... agissait en qualité de mandataire spécial, cette dernière aurait dû solliciter l'autorisation du Juge des tutelles en application de l'article 491-5 du Code Civil, soit parce que signée alors que Madame X... agissait en qualité d'administratrice légale, cette dernière aurait également dû solliciter l'autorisation du Juge des tutelles en application de l'article 389-6 du Code Civil; que l'UDAF sollicite une réduction de l'honoraire facturé par Maître Y... et par conséquent une restitution de sa part du trop-perçu ; qu'en application de l'article 176 du Décret du 27 novembre 1991, les décisions de Monsieur le Bâtonnier sont susceptibles de recours auprès de Monsieur le Premier Président ; qu'en date du 28 février 2007 Monsieur le Bâtonnier donne acte à Maître Y... de ce qu'il entend expressément maintenir les honoraires, au motif que la fixation n'a pas été expressément demandée et qu'il ne peut dès lors statuer ultra petita ; qu'en conséquence il y a lieu de déterminer le montant des honoraires; qu'à cet effet, l'article 10 de la Loi du 31 décembre 1971 précise les critères pris en compte pour définir l'honoraire à défaut de convention ; qu'il convient de prendre en compte la situation de fortune du client, la difficulté de l'affaire, les frais exposés et les diligences entreprises par l'avocat, ainsi que sa notoriété ; qu'en l'espèce le capital perçu par Cyril X... ne représente pas une fortune personnelle, mais constitue des ressources qui lui seront nécessaires pour subvenir aux besoins de sa vie, et ce compte tenu du préjudice qu'il a subi ; qu'en outre, le dossier confié à Maître Y... dans le cadre du litige en indemnisation du préjudice corporel de Cyril X... fait partie d'un contentieux classique ne nécessitant pas de diligences particulières ; qu'il convient par suite de fixer le montant des honoraires dus à Maître Y... à la somme de 10000 euros ;
1°) ALORS QUE s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge doit viser les conclusions déposées avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, la SELARL Y... avait déposé des conclusions comportant des exceptions de procédure et portant le cachet de la Cour d'appel de Metz du 10 janvier 2008 et des conclusions au fond portant le cachet de la Cour d'appel du 22 janvier 2008 ; qu'en s'abstenant de rappeler même succinctement les moyens et prétentions de la SELARL Y... et de viser ses conclusions, le Premier Président de la Cour d'appel de Metz a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions du 10 janvier 2008, la SELARL Y... invoquait plusieurs exceptions de nullité sur le fondement des articles 58, 73 et suivants et 117 du Code de procédure civile ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces exceptions de procédure, le Premier Président a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE en cas d'accord du client sur un honoraire de résultat après service rendu, le juge saisi de la contestation d'honoraire n'a pas le pouvoir d'en fixer le montant ; que dans ses conclusions du 22 janvier 2008 la SELARL Y... faisait valoir plusieurs moyens de défense et notamment celui tiré de l'acceptation par Madame X..., après service rendu, du montant des honoraires litigieux et de sa satisfaction, qu'elle avait réitérée pendant la procédure de fixation des honoraires, des diligences accomplies par Maître Y... ; qu'en se bornant à énoncer que la convention d'honoraire initiale serait nulle sans répondre à ce moyen, le Premier Président a encore violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE l'UDAF de MOSELLE n'a pas soutenu dans ses conclusions que la détermination de la date exacte de la convention d'honoraire devait être établie par référence à un aveu judiciaire de Madame X... ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que par un aveu judiciaire lors d'une audience du 20 juin 2006 Madame X... aurait précisé que la convention verbale fixant l'honoraire de Maître Y... à 10 % hors taxes de la somme effectivement perçue aurait été établie entre le 17 avril 2003 et le 17 juin 2003, sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, le Premier Président a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le paiement des honoraires d'un avocat constitue un acte d'administration qui nécessite l'autorisation de l'administrateur légal de la personne concernée placée sous le régime de la tutelle ; qu'il en est a fortiori de même de la convention d'honoraires conclue avec un avocat et qui a pour objet la rémunération des diligences accomplies en faveur de son client ; qu'en affirmant que la convention signée par Madame X... qui avait la qualité de mandataire spécial puis d'administratrice légale de son fils Cyril constituait un acte de disposition et qu'il était soumis comme tel à l'autorisation du Juge des tutelles, pour en déduire qu'en l'absence d'autorisation du juge des tutelles en l'espèce la convention d'honoraires signée par Madame X... était nulle, le Premier Président a violé l'article 389-6 du Code civil ;
6°) ALORS QUE en l'absence de convention d'honoraire ou en cas de convention nulle ou expirée, le montant de l'honoraire est fixé selon les usages en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'il appartient au Premier Président d'analyser concrètement les diligences accomplies par l'avocat au regard de leur importance, de leur difficulté et des résultats obtenus ; qu'en l'espèce, le Premier Président s'est borné à affirmer que le dossier confié à Maître Y... « dans le cadre du litige en indemnisation du préjudice corporel de Cyril X..., fait partie d'un contentieux classique ne nécessitant pas de diligences particulières » ; qu'en faisant ainsi référence de manière abstraite à la catégorie de contentieux dans laquelle il classait l'affaire confiée à Maître Y..., sans procéder à aucune analyse des spécificités de sa mission, sans se référer aux diligences accomplies, pourtant énumérées par la SELARL Y... dans ses conclusions, et aux difficultés particulières rencontrées et sans tenir compte du résultat obtenu et de sa notoriété en la matière, le Premier Président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;
7°) ALORS QUE la SELARL Y... avait soutenu dans ses conclusions qu'il avait assisté à de nombreuses audiences devant le Tribunal, qu'il avait déposé plusieurs jeux de conclusions et notamment des conclusions de 40 pages très précises et circonstanciées, qu'il avait analysé les différents rapports d'expertise, assisté à un certain nombre d'expertises et reçu à de nombreuses reprises ses clients qu'il avait assisté et soutenu tout au long d'une procédure longue et difficile et pendant une période de 40 mois, qu'il avait obtenu un résultat supérieur de plus de 200 000 euros à la somme proposée par les compagnies d'assurance ; qu'il avait aussi fait valoir son ancienneté de 30 ans et sa spécialisation et notoriété reconnue dans le domaine du contentieux de l'indemnisation du préjudice corporel ; qu'en omettant de viser ces moyens et d'exposer en quoi ils seraient sans pertinence, le Premier Président a entaché sa décision d'une violation de l'article 455 du Code de procédure civile.