LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Rouen, 19 mars 2008), que Raoul X... est décédé le 8 octobre 1957, en laissant pour lui succéder son épouse, Marie-Louise Y..., avec laquelle il était marié sous le régime conventionnel de la communauté d'acquêts et les douze enfants issus de leur union ; que, par l'effet du contrat de mariage et des dispositions testamentaires du défunt, Marie-Louise Y... est devenue propriétaire de la moitié de la communauté, usufruitière de l'autre moitié et légataire de la quotité disponible, en pleine propriété, de la succession de son conjoint ; que l'un des enfants, Pierre X..., a disparu en Algérie en 1961 ; que Marie-Louise Y... est décédée le 4 mai 1995 ; qu'un jugement du 5 décembre 2000, rectifié le 7 novembre 2001, a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté et des successions ; que, lors des opérations, diverses contestations ont été émises par MM. Patrick, Etienne et Marc X... et Mme Françoise X..., épouse Z..., qui ont fait sommation à leurs co-héritiers de produire des pièces ;
Attendu que MM. Etienne, Patrick et Marc X... et Mme X..., épouse Z..., font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a renvoyé « les parties devant le notaire désigné afin qu'il soit établi un projet d'état liquidatif, et qu'il soit procédé aux opérations de comptes et liquidation entre les parties, tenant compte des dispositions du jugement, notamment du tableau figurant au numéro 17 des motifs, des prétentions non contraires concernant des sommes qu'elles devraient à l'indivision, ou que l'indivision leur devrait, ainsi que de leurs éventuelles créances personnelles, que l'actif et le passif soit évalué, que du tout, sous cette réserve, il soit dressé un projet de partage et d'attributions par onze parts égales, afin qu'il soit soumis à leur approbation, ou qu'à défaut, il soit dressé procès-verbal des difficultés qui les opposeraient, afin de les renvoyer devant le juge commissaire et le tribunal » et de les avoir condamnés à payer à MM. Jean-Marie, Philippe, Michel, Vincent et Denis X..., et Mmes X..., épouse A...
B... et X..., épouse F... 2 000 euros pour procédure abusive ;
Attendu, d'abord, que le jugement ayant décidé que les contestations relatives au prix de cession de l'office notarial étaient prescrites, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions, que les appelants aient prétendu que la sous-évaluation de ce prix constituait une donation déguisée ;
Attendu, ensuite, que le jugement ayant décidé que les actions éventuelles relatives au paiement de loyers étaient prescrites, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni de leurs conclusions, que les appelants aient soutenu que Marie-Louise Y... avait renoncé, dans une intention libérale, à percevoir des loyers au titre de l'étude et de la maison d'habitation de Valmont, de sorte que ces avantages indirects, constitutifs de libéralités, devaient être rapportés à la succession ;
Attendu, enfin, que, contrairement aux énonciations de la troisième branche du moyen, il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions, que les appelants aient formé une demande de rapport de " dons de loyers " aux enfants déjà installés dans leur vie professionnelle ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait en ses deux premières branches, et qui manque en fait pour le surplus, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Etienne, Patrick et Marc X... et Mme X..., épouse Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. Etienne, Patrick et Marc X... et Mme X..., épouse Z..., à payer aux défendeurs la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Etienne X..., Mme X..., épouse Z..., MM. Patrick et Marc X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a renvoyé « les parties devant le notaire désigné afin qu'il soit établi un projet d'état liquidatif, et qu'il soit procédé aux opérations de compte et liquidation entre les parties, tenant compte des dispositions du présent jugement, notamment du tableau figurant au numéro 17 des motifs, des prétentions non contraires concernant des sommes qu'elles devraient à l'indivision, ou que l'indivision leur devrait, ainsi que de leurs éventuelles créances personnelles, que l'actif et le passif soit évalué, que du tout, sous cette réserve, il soit dressé un projet de partage et d'attributions par 11 parts égales, afin qu'il soit soumis à leur approbation, ou qu'à défaut, il soit dressé procès-verbal des difficultés qui les opposeraient, afin de les renvoyer devant le juge commissaire et le Tribunal » et d'avoir condamné Patrick, Etienne, Marc X... et Françoise X...- Z... à payer à Jean-Marie, Philippe, Michel, Vincent et Denis X..., Marie-Dominique X...- A... B et Marie-José X...-F...2. 000 € pour procédure abusive ;
Aux motifs repris des premiers juges que la demande tendant à faire enjoindre aux 7 cohéritiers demandeurs la communication des renseignements et la production des pièces visées par la sommation du 06 février 1999 sera rejetée selon les distinctions du tableau suivant (v. ci-dessus p. 8 du présent mémoire), (jugement, p. 21 et 22) ;
Et aux motifs propres que « les appelants reprochent au Tribunal d'avoir jugé ultra petita en statuant sur la prescription de plusieurs de leurs demandes de rapport à succession, alors qu'il n'était pas saisi de cette exception et qu'il a ainsi tranché des question de fond sans rapport avec celle limitée à la production des pièces nécessaires au déblocage ; que les intimés, sans vouloir se retrancher derrière un tel moyen de pur droit qui masquerait leur souci de transparence qu'ils invoquent, font cependant valoir à bon droit qu'en application de l'article 138 du Code de procédure civile, il appartient au juge invité à se prononcer sur la délivrance d'une pièce de vérifier d'une part son existence entre les mains de celui qui est suspecté de rétention, d'autre part sa pertinence ou son utilité ; qu'or, dans la notion de pertinence entre nécessairement celle de prescription : la décision déférée n'est pas critiquable sur ce point, concernant certaines pièces réclamées par les appelants, étant souligné que l'imprescriptibilité incontestable de toute action en partage d'une indivision ne rejaillit pas sur les demandes spécifiques qu'elle englobe et ne fait pas obstacle aux règles légales de prescription ; que c'est ainsi à bon droit que le juge de la mise en état, dans son ordonnance du 17 décembre 1999, a pu juger que la réponse aux exceptions d'irrecevabilité opposées par les uns, de la compétence du tribunal statuant au fond, est un préalable à la pertinence de la demande de communication de pièces formée par les autres ; que s'agissant de la reddition des comptes des mineurs par leur tutrice, l'article 475 du Code civil enferme cette action dans un délai de cinq ans à compter de leur majorité : la plus jeune des enfants X... mineurs, Marie-José, est devenue majeure en février 1972 ; les actions en reddition étaient très largement prescrites 26 ans plus tard, lors de l'assignation délivrée en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage ; (…) ; que, s'agissant du traité de cession de l'office notarial à Michel X... en 1962, les appelants renouvellent leur demande de communication des pièces suivantes :- l'arrêté comptable définitif établi par la Chambre des Notaires et par le procureur de la République au jour du décès de Raoul X... ;- l'intégralité des comptes établis par l'administrateur jusqu'à la cession de l'office à Michel en novembre 1962 ;- la justification du paiement échelonné du prix de cession ; le sort du compte clients de l'étude à compter du décès de Raoul X... ; que suspectant en premier lieu une sous évaluation du prix de la cession et une dispense partielle de paiement consentie à Michel, ils s'étonnent qu'au prétexte qu'est expiré le délai de conservation de pièces vieilles de plus de 40 ans, ce dernier, successeur de leur père, puisse invoquer l'absence de preuve de leur actuelle possession, alors que la Chancellerie contrôle les offices publics et ministériels et qu'à ce titre elle conserve nécessairement trace de tous les actes de cession ; qu'or, c'est par un juste motif que le tribunal, faisant application de l'article 2262 du Code civil qui dispose que toutes les actions réelles ou personnelles sont prescrites par trente ans, sauf dispositions particulières qui n'existent pas en l'espèce, a dit que les contestations relatives au prix et aux comptes de cession sont prescrites, la demande principale de pièces et celle subsidiaire d'une expertise judiciaire irrecevables (…) ; qu'en revanche, reste la différence-14. 000 francs – entre le prix de l'office et les sommes versées par l'acquéreur, différence que celui-ci ne conteste pas avoir retenue et qui trouve son explication dans la faible part de l'indivision successorale dont Marie-Louise Y... n'était pas seule titulaire (soit 14 / 280èmes) : n'est pas atteinte par la prescription commençant à courir à compter de l'ouverture des opérations de liquidation, et est donc recevable et fondée la prétention des appelants relative au paiement du prix de cession et qui tend à voir rapporter à la masse partageable cette somme de 14. 000 francs retenue par Michel X... pour le compte de l'indivision et actualisée selon les règles régissant la matière ; que n'est pas de nature à remettre en cause cette obligation de rapport à succession justement revendiquée par les appelants, le respect formel des conditions légales du traité de cession (…) ; qu'en revanche, la contestation de l'arrêté comptable de l'étude au jour du décès de Raoul X... vérifié par la Chambre des Notaires et par la Chancellerie et la revendication des comptes établis par l'administrateur provisoire de 1957 à 1963 sont prescrites (…) ; que reste en second lieu l'interrogation des appelants relative aux fruits retirés par leur mère du compte clients qui, dans la déclaration de succession établie après le décès de Raoul X..., n'apparaît pas en capital ; que la comptabilité de Maître Michel X..., estiment-ils, devrait retracer la totalité des mouvements de ce compte qui est resté un compte d'indivision sous l'usufruit de leur mère : or, l'étude n'a versé aucun loyer entre 1961 et 1963 et Michel X... ne justifie pas davantage avoir versé de loyer pour la maison et l'étude jusqu'en 1975 ; qu'en outre, les comptes partiels de Marie-Louise Y... en l'étude de Maîtres Michel et Vincent X... ne permettent pas d'affirmer que toutes les créances clients ont été effectivement perçues par la mère ; que sans qu'il soit utile de rechercher si, comme l'affirment les intimés, Michel, au service militaire lors du décès de son père, n'a pris possession du secteur habitat de la maison de VALMONT qu'en fin 1963 après y avoir entamé d'importants travaux compensant un temps les loyers réclamés pour la période précédente, puis s'est régulièrement acquitté de loyers auprès de sa mère, les réclamations de certains co-indivisaires portant sur le rapport de loyers de l'étude et de l'habitation de VALMONT et d'intérêts du compte clients de l'office sont irrecevables comme prescrites en cinq ans par application de l'article 2277 du Code civil ; les demandes de pièces y afférentes sont donc dénuées de pertinence (…) ; qu'il apparaît par ailleurs que certains co-indivisaires qui le reconnaissent, Denis, Marie-José et Philippe, une fois installés dans la vie professionnelle, ont bénéficié un temps de la gratuité de logements offerts par leur mère, avant d'assumer la charge d'un loyer ; sans qu'il soit nécessaire comme l'a fait le tribunal de procéder à la chronologie de ces occupations par chacun, il est acquis que Marie-Louise Y... a revendu le dernier des immeubles en 1991 et que la demande de production des baux, quand ils ont existé, n'a d'intérêt que pour prétendre à des rapports à succession qui, en matière de loyers et d'indemnités d'occupation, sont prescrits par cinq ans en application de l'article 2277 du Code civil (…) » (cf. arrêt p. 7 à 13) ;
Alors, d'une part, que conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai de prescription de la dette de rapport de libéralités ou de rapport de dettes, qui n'est exigible qu'au jour du partage, ne commence à courir qu'au jour du partage ; que dès lors en l'espèce en décidant que les exposants ne pouvaient plus prétendre que Michel X... aurait bénéficié d'une donation déguisée rapportables due à une sous-évaluation du prix de cession de l'office de Raoul X... à Michel X... en 1962, au motif que l'action en contestation du prix de cession se prescrit par 30 ans, la Cour d'appel a violé le principe susvisé, et l'article 843 du Code civil dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2007 ;
Alors, d'autre part, que conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai de prescription de la dette de rapport de libéralités ou de rapport de dettes, qui n'est exigible qu'au jour du partage, ne commence à courir qu'au jour du partage ; que dès lors en l'espèce, en déniant aux exposants le droit de prétendre au rapport du don de loyers dus mais non recouvrés pour la maison et l'étude, au motif que la prescription est acquise pour la créance clients de l'étude ou la comptabilité de gestion de l'office notarial, la Cour d'appel a violé la règle susvisée et les articles 829 et 843 du Code civil, dans leur rédaction applicable avant le 1er janvier 2007 ;
Alors, de troisième part, que conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date de l'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai de prescription de la dette de rapport de libéralités, ou de rapport de dettes, qui n'est exigible qu'au jour du partage, ne commence à courir qu'au jour du partage ; que dès lors en l'espèce, en refusant d'examiner la demande de rapport du don de loyers aux enfants déjà installés dans leur vie professionnelle, au motif que ces loyers se prescrivent par 5 ans en vertu de l'article 2277 du Code civil, la Cour d'appel a violé le principe susvisé et les articles 829 et 843 du Code civil, dans leur rédaction applicable avant le 1er janvier 2007.