LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la motivation de la décision de préemption de la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Gascogne-Haut Languedoc comportait une référence expresse à deux des objectifs énoncés par l'article L. 143-2 du code rural, ainsi que des indications précises sur des données réelles tenant à la situation du bien préempté, et à l'évolution de l'activité agricole dans le secteur considéré, de nature à permettre la vérification de la réalité des objectifs poursuivis et sa concordance avec les finalités légales et qu'elle mentionnait prioritairement l'importance de favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs, évoquant à cet égard les projets d'installation de deux candidats déclarés, mais réservant l'examen d'autres candidatures susceptibles de permettre la réalisation du ou des objectifs auxquels elle se référait, la cour d'appel a pu en déduire que la décision de préemption, dont elle a apprécié la régularité à la date à laquelle elle a été exercée, était suffisamment motivée et n'encourait pas l'annulation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres griefs qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la SAFER Gascogne-Haut Languedoc la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur François X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la décision critiquée indique que cette préemption est exercée en fonction des objectifs définis par le code rural, à savoir : 1 / L'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs. 2 / L'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L 331-2 du code rural. Elle précise que : « Le bien est situé sur les commune de LE PLA, LE PUCH et QUERIGUT dans le canton de QUERIGUT dans la petite région agricole pyrénéenne. Il se compose des parcelles en nature de bois, landes, terres et prés, pour une superficie totale de 9ha 9a et 18ca. Le canton de QUERIGUT se caractérise par une activité tournée vers l'élevage bovin et ovin avec transhumance. Ce secteur a perdu, entre 1988 et 2000, 53, 6 % du nombre de ses exploitations : il ne restait que 13 exploitants en 2000 dont 3 seulement âgés de moins de 35 ans (données issues du Recensement Général de l'Agriculture 2000). Dans ce contexte, il paraît important de favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs et de permettre le maintien d'une activité agricole. C'est ainsi que deux candidats à l'installation ont sollicité la SAFER afin qu'ils puissent réaliser leur projet orienté vers la production maraîchère et fruitière. Ces indications étant données sous réserve de l'examen des diverses candidatures qui pourront être formulées à la suite de la publicité à laquelle sont astreintes les SAFER, la maîtrise de ces biens par la SAFER GHL contribuera à la réalisation du ou des objectifs évoqués ci-dessus ». Cette motivation comporte une référence expresse à deux des objectifs énoncés par l'article L 143-2 du code rural, ainsi que des indications précises sur des données réelles tenant à la situation du bien préempté, et à l'évolution de l'activité agricole dans le secteur considéré, de nature à permettre la vérification de la réalité des objectifs poursuivis et sa concordance avec les finalités légales. Elle mentionne prioritairement l'importance de favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs, et évoque à cet égard les projets d'installation de deux candidats déclarés, mais réserve l'examen d'autres candidatures susceptibles de permettre la réalisation du ou des objectifs auxquels elle se réfère. Il résulte du contenu de l'avis donné par le comité technique départemental du 2 mars 2006 et des écritures développées par la SAFER GHL que le projet d'installation de ces deux candidats n'a finalement pas été retenu du fait de l'imbrication des terres préemptées dans le parcellaire d'exploitants déjà en place, qui ont sollicité l'attribution de ces parcelles afin d'agrandir leur exploitation et d'en améliorer la répartition parcellaire. L'énoncé dans la décision de préemption d'une ou de plusieurs candidatures présentées ne préjuge pas du choix définitif de l'attribution de la rétrocession, qui se fait, après examen de l'ensemble des candidatures formulées à la suite de la publicité, et il ne peut être fait grief à la SAFER d'avoir dans le cadre de la rétrocession privilégié le deuxième objectif visé dans la décision de préemption, à savoir l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire existante, précision étant faite que la motivation de la rétrocession peut être différente de celle de la préemption, dès lors qu'elle correspond à l'un des objectifs définis par la loi. La candidature à la rétrocession de la majeure partie des terres préemptées de monsieur Y..., agriculteur qui les exploitait déjà pour partie, et celle de la SCEA LES HYERES, représentée par monsieur A..., pour une parcelle contiguë à son exploitation, sur la base d'éléments de fait non contestés puisque monsieur X... prétend même que ces deux agriculteurs étaient titulaires d'un bail rural sur ses terres, répond manifestement à l'un de ces objectifs. En conséquence la décision de préemption apparaît suffisamment motivée et n'encourt pas l'annulation de ce chef. L'impossibilité d'exercice du droit de préemption au stade des pourparlers de vente : En procédant à la notification du projet de vente à la SAFER le notaire agit en qualité de professionnel investi d'une mission légale, et il n'est pas tenu de joindre à la notification un avant contrat, un mandat exprès d'instrumenter et la signature du propriétaire. Au cas d'espèce la notification effectuée par la SCP notariale BOURDE-BOULET-ABADIE indique clairement la nature de l'acte : " vente ", la localisation et ! a désignation du fonds, la superficie cadastrale, le prix convenu et ses modalités de règlement, tous éléments qui manifestent l'existence d'un accord de volontés sur la chose et sur le prix. La SAFER n'avait pas à vérifier les pouvoirs conférés au notaire. Ce moyen doit être rejeté. L'impossibilité de préempter s'agissant d'une aliénation moyennant une rente viagère servie pour partie sous forme de services personnels : La notification d'aliénation adressée à la SAFER fait état d'une rente mensuelle de 212, 82 euros, mais absolument pas de prestations de services personnels. Dans un courrier complémentaire du 28 novembre 2005, rectifiant deux erreurs commises, la première sur la contenance d'une parcelle, la seconde relative à l'omission de deux groupes de parcelles, le notaire de monsieur X... confirme que ces modifications ne changent pas le prix indiqué. La preuve d'une erreur commise dans la notification d'aliénation sur les conditions et charges de la vente ne résulte pas à suffisance d'une lettre du 8 février 2006 libellée à l'adresse de la SAFER, mais dont il n'est pas démontré qu'elle ait été effectivement envoyée à cet organisme, et évoquant un engagement tacite et personnel de madame Z... d'héberger monsieur X... à sa convenance à tout moment de l'année, ainsi de le soigner durant sa vieillesse, observation étant faite que la maison d'habitation faisant partie des biens préemptés ne constituait pas la résidence principale du vendeur. Ce moyen de nullité sera également écarté. Le lien de parenté entre monsieur X... et madame Z... : L'article L143-4 du code rural stipule que ne peuvent faire l'objet d'un droit de préemption, notamment les cessions consenties à des parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus. Monsieur X... ne verse aux débats aucun document attestant de son degré de parenté avec madame Z.... Ce moyen ne peut donc être retenu. L'existence d'un bail rural : La notification de la vente X...- Z... concerne un bien libre de toute location. Les pièces produites par l'appelant sont insuffisantes à établir l'existence d'un bail à ferme au profit de monsieur Francis Y... et de monsieur Michel A.... Au demeurant monsieur Y... s'est porté candidat de la majeure partie des biens préemptés, la SCEA LES HYERES, dont le représentant légal est monsieur A..., a sollicité l'attribution d'une parcelle contiguë à un îlot d'exploitation, et ils n'ont à aucun moment prétendu avoir la qualité de fermier en place. La nullité de la préemption exercée par la SAFER n'est pas encourue à ce titre. Sur la demande subsidiaire d'annulation partielle de la décision de préemption : Monsieur X... estime que la SAFER ne peut de bonne foi exercer son droit de préemption sur les parcelles A 711, A 1980 et A 1986 sur lesquelles se situe la maison d'habitation, celle-ci ne faisant pas partie de l'exploitation agricole. Cependant force est de constater que les parcelles en question sont incluses dans la vente notifiée le 14 novembre 2005 à la SAFER, comme faisant partie de cette exploitation, que monsieur X... ne démontre pas qu'une erreur a été commise sur ce point, ni que le prix convenu est dérisoire. La demande d'annulation partielle de la décision de préemption n'est pas justifiée. Il s'ensuit que monsieur X... doit être débouté de l'ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QUE la décision de préemption doit comporter des indications concrètes et précises sur la nature du bien et l'opération envisagée, afin qu'il soit permis de vérifier la réalité de l'objectif allégué et sa concordance avec les finalités légales affichées ; qu'en retenant en l'espèce, pour dire la décision de préemption de la SAFER conforme aux objectifs légaux affichés et, partant, régulière, que cette décision comportait « des indications précises sur des données réelles tenant à la situation du bien préempté, et à l'évolution de l'activité agricole dans le secteur considéré », quand il ne s'évinçait de ladite décision que quelques indications descriptives générales sur le bien, issues de la notification succincte faite par le notaire, et quelques autres considérations générales obsolètes relatives à un monde agricole en déclin, la cour d'appel a violé les articles L. 143-2, L. 143-3 et R. 143-6 du code rural ;
2°) ALORS QUE la régularité d'un acte de préemption doit être appréciée à la date à laquelle celle-ci est exercée et en fonction des seuls objectifs que s'assigne alors la SAFER, à l'exclusion de tout élément postérieur, relatif notamment à la rétrocession ; qu'en décidant en l'espèce, pour dire régulière la décision de préemption de la SAFER du 27 janvier 2006, de prendre en compte des éléments postérieurs à ladite décision, dont un avis donné par le comité technique départemental du 2 mars 2006 ainsi que diverses considérations propres à la seule phase de la rétrocession, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 143-2 et L. 143-3 du code rural ;
3°) ALORS QUE s'il appartient au notaire de faire connaître au bénéficiaire du droit de préemption tous les projets de vente immobilière susceptibles d'y être soumis, antérieurement même à l'existence d'un accord attestant de la volonté ferme, définitive, précise et concordante des parties de vendre et d'acheter, nul ne saurait en revanche faire exercice d'un tel droit de préemption, en l'absence de volonté du propriétaire d'aliéner son bien ou en méconnaissance des conditions fixées par ce dernier pour l'aliéner ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir que le notaire, investi d'une mission légale, avait procédé à la notification régulière d'un projet de vente justifiant l'exercice de son droit de péremption par la SAFER qui n'avait pas à vérifier les pouvoirs conférés à l'officier ministériel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'exercice du droit de préemption, intervenu le 26 janvier 2006, n'était pas rendu impossible par l'absence de volonté claire et précise de Monsieur X... d'aliéner ses parcelles et sa maison d'enfance, dans laquelle il comptait pouvoir résider jusqu'à son décès, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 143-1, L. 412-8 et R. 143-4 du code rural ;
4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... faisait valoir que le montant très bas du bouquet et de la rente viagère ne pouvait s'expliquer que par la contrepartie tirée de l'engagement de Madame Z..., petite cousine du vendeur, de l'accueillir en le soignant jusqu'à la fin de ses jours dans une maison, qui était au demeurant sa maison d'enfance ; qu'en omettant en l'espèce de répondre à ce moyen déterminant de nature à établir l'existence d'importants services personnels exclusifs de tout exercice du droit de préemption par la SAFER, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le droit de préemption ne peut être exercé sur des bâtiments d'habitation ne faisant pas partie d'une exploitation agricole et n'ayant aucune une utilisation agricole ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir, pour débouter l'exposant de sa demande visant à ce que sa maison d'habitation soit exclue du champ de la préemption, que cette maison était incluse dans le projet de vente notifié par le notaire à la SAFER le 14 novembre 2005, sans rechercher concrètement, comme elle y était invitée, si cette maison d'habitation, sans aucune utilisation agricole et située en plein centre du village du Pla sur un terrain distant des autres parcelles à vocation agricole, n'était pas par nature exclu du droit de préemption exercé par la SAFER Gascogne Haut Languedoc, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1, L. 143-4 et R. 143-2, 2° du code rural.