LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a ouvert un compte de dépôt ainsi qu'un PEA dans les livres de la société BNP Paribas (la banque) et a passé divers ordres sur le marché, à l'origine de pertes ; que par un arrêt définitif du 31 octobre 2005, la cour d'appel a accueilli la demande de la banque en paiement des sommes restant dues au titre du solde débiteur de son compte de dépôt et du PEA ; que, par arrêt définitif du 15 mai 2007, la cour d'appel a rejeté la demande de M. X... en nullité de l'acte de conversion du procès-verbal de saisie conservatoire, prise par la banque en garantie de ses créances ; que M. X... a assigné la banque pour manquement à son obligation d'information concernant l'utilisation de ses avoirs détenus en portefeuille ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de M. X... relatives aux titres Crédit lyonnais, Wanadoo, Canal +, Vivendi environnement et Royal Canin, l'arrêt retient que, pour accueillir la demande en paiement de la BNP, l'arrêt du 31 octobre 2005 a relevé qu' "en ce qui concerne les titres des sociétés Royal Canin, Wanadoo et Crédit lyonnais, la banque verse aux débats les notices d'information des offres publiques de retrait, ainsi que les justificatifs de réalisation de ces titres au 14 septembre 2005 et l'affectation du prix obtenu sur les comptes de M. X... ; que les titres Vivendi environnement (Veolia environnement) figurent toujours au compte de M. X..." ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt du 31 octobre 2005 n'avait pas tranché dans son dispositif les demandes formées par M. X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1315 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de M. X... relatives aux titres Bouygues, Alcatel, Sopra, France Télécom et Thomson, l'arrêt retient que le défaut d'information de la banque n'était pas établi par M. X... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la banque, débitrice d'une obligation d'information à l'égard de son client, d'établir qu'elle y avait satisfait, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de VIENNE du 3 mai 2007 en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes de Monsieur X... relatives aux actions du CREDIT LYONNAIS, WANADOO, CANAL +, VIVENDI ENVIRONNEMENT ET ROYAL CANIN formées à l'encontre de la BNP PARIBAS ;
AUX MOTIFS QUE dans ses conclusions devant la Cour lors de l'appel du jugement du 21 mai 2003, Monsieur X..., qui invoquait le non-respect par la BNP des dispositions de l'article 4-1-35-1 du règlement général du Code des marchés financiers exposait également que : "la BNP PARIBAS a dû vendre les titres qu'elle a achetés pour le compte de Monsieur X.... Il convient de faire remarquer que certains titres achetés ne figurent plus sur la liste inscrits sur l'EUROLIST. Il s'agit notamment des titres suivants : ROYAL CANIN, WANADOO, CREDIT LYONNAIS, VIVENDI ENVIRONNEMENT. Dans ses conclusions en réponse, la BNP PARIBAS ne justifie pas du devenir de ces titres dont elle a la garde conformément à l'article 1948 du Code civil. Ce défaut de réponse et les manquements de la BNP PARIBAS dans son obligation de teneur de compte-conservation justifie la plainte avec constitution de partie civile pour abus de confiance…" ; que pour faire droit à la demande de la BNP, la Cour a notamment relevé dans son arrêt du 31 octobre 2005 que : "en ce qui concerne les titres des sociétés ROYAL CANIN, WANADOO ET CREDIT LYONNAIS, la banque verse aux débats les notices d'information des offres publiques de retrait, ainsi que les justificatifs de réalisation de ces titres au 14 septembre 2005 et l'affectation du prix obtenu sur les comptes de Monsieur X... ; que les titres VIVENDI ENVIRONNEMENT (VEOLIA ENVIRONNEMENT) figurent toujours au compte PEA de Monsieur X..." ; que par ailleurs, dans ses conclusions devant la Cour statuant sur l'appel du jugement du 12 juin 2006, du juge de l'exécution de Vienne, Monsieur X... exposait que : "des titres ont été vendus par la BNP PARIBAS il s'agit des titres suivants : CREDIT LYONNAIS, WANADOO, VIVENDI ENVIRONNEMENT, ROYAL CANIN. La vente de ces titres.... est pénalement répréhensible... Parmi les titres qui existaient dans le portefeuille, il y avait 600 VIVENDI UNIVERSAL, 300 CANAL +. Compte tenu de la fusion des Sociétés SIG 40 et VIVENDI UNIVERSAL, il a été procédé à l'attribution gratuite d'actions VIVENDI UNIVERSAL à raison de deux actions VIVENDI UNIVERSAL pour une action CANAL +. Il y a eu également des échanges d'actions. C'est ainsi qu'une action Vivendi donne droit à une action VIVENDI UNIVERSAL" ; que dans son arrêt du 15 mai 2007 devenu définitif suite au rejet du pourvoi de Monsieur X..., la Cour a, comme le Tribunal, considéré que cette question avait été tranchée par l'arrêt du 31 octobre 2005 ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, en cas d'identité de cause et d'objet ; que l'instance ayant abouti à l'arrêt du 31 octobre 2005 avait pour objet la demande de paiement de la BNP PARIBAS à l'encontre de Monsieur X... pour couvrir les découverts à laquelle celui-ci s'était opposé en se prévalant de manquements de cette banque à ses obligations de couverture des opérations à terme et de conseil à raison des achats de titres effectués ; qu'en opposant la force de la chose jugée attachée à cet arrêt, compte tenu de l'argumentaire développé par Monsieur X..., à sa demande pourtant distincte dans ses cause et objet, de dommages-intérêts formée contre la BNP PARIBAS pour fautes professionnelles caractérisées par le défaut d'information quant aux mouvements des valeurs mobilières et de trésorerie opérés sur son compte bancaire et liées à une utilisation dissimulée de ses avoirs, la Cour d'appel a méconnu le principe susvisé et violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du Code civil pris ensemble ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif et qu'en cas d'identité de cause et d'objet ; que l'instance ayant abouti à l'arrêt du 15 mai 2007 avait pour objet la demande de Monsieur X... en nullité de l'acte de conversion du procès-verbal de saisie conservatoire et la nullité de toute la procédure de saisie subséquente diligentée à son encontre par la BNP PARIBAS ; qu'en opposant la force irrévocable de la chose jugée attachée à cet arrêt, compte tenu de l'argumentaire développé par Monsieur X..., à sa demande pourtant distincte dans ses cause et objet, de dommages-intérêts formée contre la BNP PARIBAS pour fautes professionnelles caractérisées par le défaut d'information quant aux mouvements des valeurs mobilières et de trésorerie opérés sur son compte bancaire et liées à une utilisation dissimulée de ses avoirs, la Cour d'appel a méconnu le principe susvisé et violé les articles 480 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil pris ensemble.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré non fondées les demandes de Monsieur X... en responsabilité professionnelle formées à l'encontre de la BNP PARIBAS, relatives aux actions BOUYGUES, ALCATEL, SOPRA, FRANCE TELECOM et THOMSON ;
AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne les actions BOUYGUES, ALCATEL, SOPRA, FRANCE TELECOM et THOMSON , la SA BNP PARIBAS verse aux débats un relevé des avoirs de Monsieur X... au 5 novembre 2007 dont il ressort que, postérieurement à l'arrêt du 15 mai 2007 confirmant le jugement du juge de l'exécution ayant validé l'acte de conversion de saisie exécutoire pratiqué le 27 décembre 2005 entre les mains de la BNP PARIBAS au préjudice de Monsieur X... et au bénéfice de ladite banque à la somme de 342.544,08 euros, la composition du portefeuille de titres de Monsieur X... était inchangée ; que le prétendu «défaut d'information» de la BNP relatif à la situation de son portefeuille, n'est donc pas établi par Monsieur X... lequel ne démontre pas plus aujourd'hui, que la BNP PARIBAS a fait des actes de dispositions sur ses titres et encaissé des plus-values ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il incombe aux organismes bancaires, dépositaires de fonds et actions déposés par leurs clients dans leurs comptes de démontrer avoir satisfait à leurs obligations d'information quant à leurs tenue et teneur ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a mis à la charge de Monsieur X... la démonstration des manquements de la BNP PARIBAS à ses obligations d'information ; qu'en mettant ainsi cette preuve à la charge de Monsieur X... tandis qu'il appartenait à la BNP PARIBAS, débitrice de l'obligation d'information, d'établir qu'elle y avait satisfait, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 1315, 1147 et 1915 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' il incombe à tout organisme bancaire, gérant les comptes de ses clients, de justifier du versement des dividendes et plus-values générés par les titres déposés, au crédit du compte ; que pour débouter Monsieur X... de son moyen tiré de l'encaissement par la BNP PARIBAS de dividendes générés par les actions et plus-values dégagées et qui auraient dû être portés au crédit de ses comptes titre et PEA, la Cour d'appel a retenu que celui-ci n'en justifiait pas ; qu'en mettant à la charge de Monsieur X... la preuve de l'absence d'encaissement des dividendes et plus-values par la BNP PARIBAS tandis qu'il appartenait à celle-ci de démontrer avoir crédité les comptes bancaires des montants de ces dividendes et plus-values, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la responsabilité contractuelle d'un organisme bancaire, gérant les comptes de ses clients, est engagée lorsqu'elle ne justifie pas du versement des dividendes générés par les titres déposés, au crédit du compte ; que, dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... avait fait valoir que la BNP PARIBAS s'était octroyée des dividendes substantiels générés par les actions et avait encaissé des plus-values sur les actions et qui auraient dû être portés au crédit de ses comptes titre et PEA ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante tirée de ce que la composition du portefeuille de titres de Monsieur X... serait demeurée inchangée, la Cour d'appel qui n'a pas procédé à la recherche qui lui avait été demandée, quant au sort des dividendes générés par ces titres demeurés inchangés, a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1147 et 1915 du Code civil.