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11/02/2010 | FRANCE | N°09-11527

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 février 2010, 09-11527


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 décembre 2008) rendu sur renvoi après cassation (civ.1, 24 octobre 2006, pourvoi n° 05-18.215), que M. X..., garagiste, prétendant que M. Y... était débiteur à son égard de la somme de 4 917,66 euros représentant le prix des travaux de restauration d'une voiture ancienne, que celui-ci lui avait commandés, lui en a demandé paiement ; que la cour d'appel a conf

irmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné M. Y... à régler ce prix...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 décembre 2008) rendu sur renvoi après cassation (civ.1, 24 octobre 2006, pourvoi n° 05-18.215), que M. X..., garagiste, prétendant que M. Y... était débiteur à son égard de la somme de 4 917,66 euros représentant le prix des travaux de restauration d'une voiture ancienne, que celui-ci lui avait commandés, lui en a demandé paiement ; que la cour d'appel a confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné M. Y... à régler ce prix, assorti des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2003 ;

Attendu qu'ayant constaté que les travaux litigieux avaient été sollicités par M. Y..., dans le contexte d'un lien de voisinage et d'une entente cordiale née de la passion commune des parties pour les voitures anciennes, la cour d'appel en a déduit que M. X... s'était trouvé dans l'impossibilité morale de se procurer une preuve écrite de la commande de ces travaux ; que le moyen, qui ne tend, en réalité, qu'à contester cette appréciation souveraine, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ; rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par Mme Crédeville, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du onze février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à verser à M. X... la somme de 4.917,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2003 ;

AUX MOTIFS QUE par principe, en application de l'article 1341 du code civil, la preuve d'une commande aboutissant à une facture de 4.917,66 euros ne peut se faire que par écrit notarié ou sous seing privé ; mais que, par exception de l'article 1348 du même code, la preuve testimoniale peut être admise lorsqu'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de s'en procurer une preuve littérale ; qu'en l'espèce, il est constant que Gérard Y... et Philippe X... sont tous deux passionnés de voitures anciennes ; que le premier doit être considéré comme un amateur éclairé, ayant disposé de plusieurs véhicules de collection, ayant pratiqué plusieurs achats et cessions, reconnaissant sa volonté de pratiquer une modification importante sur le modèle particulièrement intéressant (Rally Salmson) car répertorié dont il était propriétaire, désireux de transformer son châssis en châssis de course ; que son ami Pierre Z... signale qu'il a déjà restauré une voiture Amilcar C6 ; que le second est garagiste de son métier, disposant de l'infrastructure et des équipements adaptés aux travaux d'entretien et de transformation des véhicules anciens, disposant notamment de l'installation technique appelée « marbre » ; que tous deux sont voisins, séparés seulement par une place, dans la petite ville charentaise de Mansle d'environ 1.500 habitants ; que Gérard Y... a déjà fait entretenir différents véhicules dans le garage de Philippe X..., six factures ont été retrouvées, justifiant d'interventions ponctuelles sur des véhicules Fiat Punto cabriolet, Nissan Patrol et Peugeot 406, factures s'échelonnant du 24 décembre 2000 au 6 juillet 2001, pour des montants relativement faibles sauf une de 23.339,51 francs ayant donné lieu à la présentation et à l'acceptation d'une devis ; que Gérard Y... et Philippe X... participent beaucoup à la vie associative de leur commune ; que Mme Y... a aménagé une partie de la propriété des époux en locaux de réception et qu'elle y reçoit diverses associations ; qu'en outre, pour mieux s'intégrer, les époux Y... ont adhéré et pris des engagements à l'Office du tourisme de Mansle, au Rotary Club et à l'association culturelle « Cap sur Mansle » dont Philippe X... a été le président ; que c'est dans ce cadre que les époux Y... ont mis leurs locaux à la disposition de cette association et que, lors de sa constitution, un repas a été organisé à leur domicile auquel Philippe X... et sa compagne ont participé avec d'autres ; que les témoins Aude A... et Michel B... attestent de la disponibilité des époux Y... à l'égard des associations et manifestations culturelles, dont il ne faut pas déduire une amitié particulière en faveur des personnes physiques membres de ces associations ; que les activités de la femme de Gérard Y... au sein de l'Office de tourisme de Mansle l'ont portée à la tête de cet organisme en qualité de présidente et qu'elle se trouve ainsi être l'employeur de la concubine de Philippe X... ; qu'elle affirme n'avoir jamais eu d'autre attitude qu'une « entente cordiale entre voisin » tout en reconnaissant les faits plus haut cités qui, selon elle, ne doivent pas être interprétés comme une marque de confiance ni un signe d'amitié ; qu'il ressort du témoignage de Pierre Z..., ami de l'appelant, qu'en septembre 2001, en sa qualité de voisin se promenant dans la rue, Philippe X... avait aperçu par la porte laissée ouverte Gérard Y... et Pierre Z..., tous deux occupés dans le garage des époux

Y...

à démonter le châssis de la voiture Rally ; que la conversation s'était engagée sur les travaux à faire pour la modification envisagée par le propriétaire, consistant à transformer en châssis sportif le châssis prévu initialement pour la route ; qu'en juin 2002, Pierre Z... apprenait de son ami Gérard C... que Philippe X... libérait son marbre et que la voiture allait y être installée pour étudier la faisabilité du projet ; qu'il lui envoyait les plans de transformation qui étaient remis au garagiste ; mais que Pierre Z... ne peut affirmer si un devis avait été demandé avant l'engagement des travaux « je ne peux pas affirmer que Philippe X... devait établir un devis car je n'étais pas là en août 2002 lorsque visiblement il y a eu de gros problèmes » ; que la cour considère que l'ensemble des relations de voisinage, d'entente cordiale entre voisins, d'actions philantropiques communes du garagiste et de son client, augmenté du lien de subordination professionnelle de leurs conjoints, le tout placé dans le contexte de deux passionnés d'automobile ancienne connaissant parfaitement le travail mécanique et la restauration, mettait le garagiste dans une position d'impossibilité morale de se procurer la preuve littérale de la commande de son client ; qu'en ce qui concerne l'importance de la commande, plusieurs témoignages se recoupent et démentent la version de Gérard Y..., affirmant n'avoir rien commandé qu'une étude de faisabilité ; qu'en effet le témoin Jacky D..., voisin des protagonistes, atteste que dans le courant de l'été 2002 il avait aperçu « bon nombre de fois » M. Y... se rendant à l'atelier de Philippe X... ; que les « nombreuses allées et venues » l'avaient conforté dans l'idée qu'ils travaillaient sur un projet commun, l'un comme client, l'autre comme prestataire de service ; que les bribes de conversations entendues par lui avaient confirmé cette impression d'une parfaite entente ; que le témoin Francis E... raconte comment, rendant visite à Philippe X... qui lui montrait son travail sur la transformation en cours du châssis, il avait vu arriver le propriétaire Gérard Y..., qui lui expliquait « qu'il réalisait un rêve, un projet formidable » et qui ne tarissait pas d'éloges sur l'artisan effectuant le travail « Philippe est l'homme de la situation » ; que le témoin Alain F... a également rencontré dans le garage de Philippe X..., dans le courant de l'été 2002, Gérard Y... ; que ce dernier lui avait parlé de son projet, lui avait montré les plans, les cotes et lui avait indiqué son plaisir de le voir réaliser par l'artisan ; que le témoin avait même eu l'occasion de prêter main forte aux deux qui travaillaient ensemble, pour mesurer des cotes, disposer des serrejoints par exemple ; qu'il atteste que Gérard Y... est venu au garage maintes fois accompagné d'un ami ou de son fils ; que la compagne de Philippe X..., Christelle G..., indique avoir assisté au repas au cours duquel Gérard Y... avait détaillé au garagiste ses souhaits sur la transformation du châssis en question ; que le garagiste avait averti le client de la nécessité de mettre à disposition pour une longue période un « marbre » ; qu'elle affirme que plusieurs entretiens préalables avaient eu lieu pour définir le travail à réaliser, avant que Gérard Y... apporte le châssis lorsque Philippe X... lui a dit que le « marbre » était disponible et affecté à ce travail ; qu'elle confirme les autres témoignages selon lesquels Gérard Y... était venu « régulièrement au garage le soir ou le samedi » pour suivre le chantier, proposer telle ou telle modification, félicitant l'artisan pour son oeuvre « Philippe du me donnes du baume au coeur, enfin mon rêve se réalise » ; qu'elle atteste également qu'il lui est arrivé de venir avec son fils et avec sa femme ; qu'elle affirme enfin que Gérard Y... avait emprunté des nuanciers de coloris de peinture, imaginant comment peindre la voiture une fois le chantier totalement fini ; que, pour s'opposer à ces témoignages, Gérard Y... s'est constitué partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction près le tribunal de grande instance d'Angoulême du chef d'établissement d'attestations faisant état de faits matériellement inexacts, mais cette plainte a abouti à une ordonnance de non-lieu ; que dans ses écritures l'appelant critique violemment les attestations ci-dessus rappelées mais la cour constate qu'elles sont détaillées, précises, et relatent des faits dont la preuve inverse peut être rapportée si elle existe ; que ces témoignages se complètent sans se contredire, chaque témoin ayant assisté à un ou plusieurs événements qui s'enchaînent de façon cohérente ; que les différents témoignages relatent la façon dont Gérard Y... a lui-même conduit le châssis sur le « marbre » et l'y a laissé pendant tout l'été 2002, assorti des plans nécessaires à la transformation souhaitée et dont il avait discuté à plusieurs reprises avec l'artisan ; qu'ils expliquent comment il est ensuite venu à plusieurs reprises au garage, tantôt seul et tantôt accompagné de proches, pour suivre le déroulement du chantier de modification et le montrer ; qu'ils indiquent sa satisfaction devant la transformation qui apparaissait logiquement progresser ; qu'il n'est pas contesté que l'affectation au châssis pendant une longue période de l'outillage de précision appelé « marbre » ; que la cour y trouve la preuve testimoniale de ce que la commande portait sur la transformation de ce châssis, ainsi que le soutient le garagiste, et non pas sur la simple étude de faisabilité de cette transformation, ainsi que le soutient le client ;

1) ALORS QUE la preuve d'un acte juridique doit être établie par écrit lorsque cet acte porte sur une chose excédant un certain montant prévu par décret ; que si par exception, la preuve d'un tel acte peut être rapportée par tout moyen, c'est à la condition que celui qui s'en prévaut démontre qu'il a été placé dans l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de cet acte ; qu'une telle impossibilité n'est pas caractérisée lorsque, antérieurement à l'acte litigieux, les parties ont déjà eu l'occasion d'établir par écrit un contrat portant sur une prestation similaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. Y... avait fait entretenir différents véhicules par M. X..., ainsi que l'attestaient plusieurs factures, dont une facture de 23.339,51 francs (3.558,09 euros) qui avait donné lieu à l'établissement d'un devis le 18 octobre 2000, ce dont il résultait que M. X... n'était pas dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit ; qu'en décidant néanmoins que M. X... aurait été dans l'impossibilité morale d'établir un écrit, s'agissant de travaux pour lesquels il a d'ailleurs émis une facture écrite d'un montant de 4.917,66 euros, c'est-à-dire un montant supérieur au devis de 3.558,09 euros établi le 18 octobre 2000, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 1341 et 1348 du code civil ;

2) ALORS QUE seule l'impossibilité morale ou matérielle de se procurer un écrit permet de déroger à l'exigence littérale posée par l'article 1341 du code civil ; qu'il appartient au juge du fond de caractériser une telle impossibilité qui ne saurait seulement résulter des relations de proximité unissant les parties ; qu'en l'espèce, pour considérer que M. X... aurait été dans l'impossibilité d'établir un écrit pour la commande que lui aurait passé M. Y..., la cour d'appel a tout d'abord relevé que M. Y... avait confié à M. X..., jusqu'en 2001, l'entretien de véhicules récents, mais sans retenir qu'il lui aurait confié la moindre intervention sur les véhicules anciens dont il faisait collection ; que la cour d'appel a encore relevé que M. Y... et M. X... avaient participé ensemble à la vie associative de leur commune, tout en observant qu'il ne fallait pas en déduire une amitié particulière ; que la cour d'appel a également relevé que la concubine de M. X... était la subordonnée de Mme Y..., tout en retenant qu'il n'en résultait, selon cette dernière, aucune marque de confiance ou signe d'amitié ; que la cour d'appel s'est en outre appuyée sur le témoignage de M. Z..., selon lequel seule la faisabilité du projet de M. Y... avait été envisagée avec M. X..., tout en relevant que ce témoin n'était pas en mesure d'affirmer si un devis avait été demandé ; qu'en se prononçant par ces motifs, d'où il ne résultait que l'existence de relations de bon voisinage entre M. Y... et M. X..., sans caractériser en quoi M. X... aurait été placé dans l'impossibilité morale d'adresser un devis à M. Y..., et tandis qu'elle a relevé, au contraire, que M. X... avait déjà eu l'occasion de fournir un devis d'intervention à M. Y... pour l'un de ses véhicules, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-11527
Date de la décision : 11/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 fév. 2010, pourvoi n°09-11527


Composition du Tribunal
Président : Mme Crédeville (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Odent, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.11527
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