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10/02/2010 | FRANCE | N°08-70084

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2010, 08-70084


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 21 mai 2008), que M. X..., personne de statut civil coutumier kanak, engagé le 1er avril 2003 en qualité d'agent de sécurité du site Goro en Nouvelle-Calédonie par le groupement de droit particulier local (GDPL) Nue Mwadre, a été licencié pour faute au cours du mois de mars 2006 ; que par acte du 19 octobre 2006, il a saisi le tribunal du travail de Nouméa de demandes en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes ;
Sur les premier et quatrièm

e moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 21 mai 2008), que M. X..., personne de statut civil coutumier kanak, engagé le 1er avril 2003 en qualité d'agent de sécurité du site Goro en Nouvelle-Calédonie par le groupement de droit particulier local (GDPL) Nue Mwadre, a été licencié pour faute au cours du mois de mars 2006 ; que par acte du 19 octobre 2006, il a saisi le tribunal du travail de Nouméa de demandes en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes ;
Sur les premier et quatrième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que le GDPL Nue Mwadre fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence qu'il avait soulevée au profit de la juridiction coutumière et de le condamner à payer diverses sommes à M. X..., alors, selon le moyen :
1°) que suivant l'article 7 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 les personnes dont le statut personnel est le statut civil coutumier kanak sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes ; qu'en énonçant, pour rejeter l'exception d'incompétence, que le statut civil coutumier ne bénéficie qu'aux personnes physiques de sorte que le groupement, même de nature coutumière, ne saurait s'en prévaloir, la cour d'appel a ajouté une condition non exigée par la loi et, partant, a violé l'article 7 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
2°) que le contrat individuel de travail relève du droit commun des contrats ; qu'en énonçant, pour rejeter l'exception d'incompétence, que les dispositions de l'article 7 de la loi organique du 19 mars 1999 prévoyant que les personnes de statut civil coutumier kanak sont régies en matière de droit civil par les coutumes ne concernaient pas le droit du travail, droit autonome, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1134 du code civil et l'article 7 de la loi organique ;
3°) qu'en tout état de cause, aux termes de l'article 18 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, sont régis par la coutume les groupements de droit particulier local, attributaires de terres coutumières ; qu'en énonçant, pour rejeter l'exception d'incompétence, que les personnes de statut civil coutumier kanak sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 18 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
4°) que la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui énonce le principe de la prééminence de la coutume dans les rapports entre personnes de statut civil coutumier est, en vertu de la hiérarchie des normes, supérieure à l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail en Nouvelle Calédonie ; qu'en énonçant, pour écarter les règles coutumières au profit de la législation sociale, que les règles édictées par l'ordonnance du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail en Nouvelle Calédonie sont d'ordre public, la cour d'appel a violé la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie ;
Mais attendu qu'indépendamment des éventuels statuts personnels des salariés et des employeurs, ne sont pas soumis au droit coutumier attaché à la personne les rapports professionnels résultant d'un travail accompli dans un lien de subordination, régis par des règles dérogatoires au droit commun des contrats ainsi que par des règles organisant les rapports collectifs au sein des entreprises et des branches auxquelles elles appartiennent ; qu'il en résulte que seul le tribunal du travail est compétent en matière de relations de travail ;
Que la cour d'appel ayant constaté que M. X... était employé dans le cadre d'un contrat de travail, elle s'est, par ce seul motif, déclarée à bon droit compétente et a fait application des textes prévus par la législation du travail ;
Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le groupement Nue Mwadre aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils, pour le groupement Nue Mwadre

Premier moyen de cassation
Le GDPL de Nue Mawdre fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence et de l'avoir condamné à verser à monsieur X... les sommes de 253 128 francs CFP à titre de préavis, de 113 907 francs CFP à titre de congés payés y afférents, de 32 454 francs CFP à titre d'indemnité de licenciement et celle de 759 384 francs CFP à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions combinées des articles L. 562-19 et L. 562-20 du code de l'organisation judiciaire qui, dérogatoires au droit commun, sont d'application stricte, le tribunal est complété par des assesseurs coutumiers lorsqu'il est saisi des litiges entre citoyens de statut civil particulier sur des matières régies par ce statut ; qu'un groupement de droit particulier local n'étant pas un "citoyen", quand bien même il bénéfice de la personnalité morale, il en résulte que cette composition spéciale ne saurait recevoir application au litige l'opposant à un citoyen de statut civil particulier ; qu'en conséquence, l'exception d'incompétence sera rejetée ;
ALORS QUE dans ses conclusions, le GDPL Nue Mawdre faisait valoir qu'il relevait, en sa qualité de personne morale, du statut civil particulier en raison de sa nature coutumière ; qu'en se fondant, pour rejeter l'exception d'incompétence, sur le moyen tiré de ce qu'un groupement de droit particulier local n'était pas un "citoyen", sans inviter au préalable les parties à présenter leurs éventuelles observations à ce titre, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l' article 16 du code de procédure civile.
Deuxième moyen de cassation
LE GDPL de Nue Mawdre fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence et de l'avoir condamné à verser à monsieur X... les sommes de 253 128 francs CFP à titre de préavis, de 113 907 francs CFP à titre de congés payés y afférents, de 32 454 francs CFP à titre d'indemnité de licenciement et celle de 759 384 francs CFP à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions combinées des articles L. 562-19 et L. 562-20 du code de l'organisation judiciaire qui, dérogatoires au droit commun, sont d'application stricte, le tribunal est complété par des assesseurs coutumiers lorsqu'il est saisi des litiges entre citoyens de statut civil particulier sur des matières régies par ce statut ; qu'un groupement de droit particulier local n'étant pas un "citoyen", quand bien même il bénéfice de la personnalité morale, il en résulte que cette composition spéciale ne saurait recevoir application au litige l'opposant à un citoyen de statut civil particulier ; qu'en conséquence, l'exception d'incompétence sera rejetée ; qu'il sera observé au surplus qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 75 de la Constitution de la République et des articles 7 et suivants de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle Calédonie que le statut civil coutumier ne bénéficie qu'aux personnes physiques et qu'un groupement, même de nature coutumière, ne saurait s'en prévaloir ; que les personnes de statut civil coutumier kanak sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes (article 7) et que le droit du travail, droit autonome, ne saurait être assimilé au droit civil ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'au terme des dispositions de l'article 7 de la loi organique du 19 mars 1999 les personnes dont le statut personnel est le statut civil coutumier kanak décrit par la présente loi sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes ; que si le droit des obligations, dont la responsabilité civile des auteurs d'infractions fait partie, le droit de propriété ou le droit de la famille, incluant les règles d'assistance éducative, relèvent à l'évidence du droit civil visé, force est de constater que le droit du travail n'est pas concerné par cette disposition ;
ALORS QUE suivant l'article 7 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 les personnes dont le statut personnel est le statut civil coutumier kanak sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes ; qu'en énonçant, pour rejeter l'exception d'incompétence, que le statut civil coutumier ne bénéficie qu'aux personnes physiques de sorte que le groupement, même de nature coutumière, ne saurait s'en prévaloir, la cour d'appel a ajouté une condition non exigée par la loi et, partant, a violé l'article 7 de la loi organique n° 99-209du 19 mars 1999.
ALORS QUE le contrat individuel de travail relève du droit commun des contrats ; qu'en énonçant, pour rejeter l'exception d'incompétence, que les dispositions de l'article 7 de loi organique du 19 mars 1999 prévoyant que les personnes de statut civil coutumiers kanak sont régies en matière de droit civil par les coutumes ne concernaient pas le droit du travail, droit autonome, la cour d'appel a violé ensemble l'article 1134 du code civil et l'article 7 de loi organique.
ALORS QU'en tout état de cause, aux termes de l'article 18 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, sont régies par la coutume les groupements de droit particulier local, attributaires de terres coutumières ; qu'en énonçant, pour rejeter l'exception d'incompétence, que les personnes de statut civil coutumier kanak sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 18 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999.

Troisième moyen de cassation
Le GDPL de Nue Mawdre fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que monsieur X... avait fait l'objet d'un licenciement abusif et de l'avoir condamné à verser à ce dernier les sommes de 253 128 francs CFP à titre de préavis, de 113 907 francs CFP à titre de congés payés y afférents, de 32 454 francs CFP à titre d'indemnité de licenciement et celle de 759 384 francs CFP à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il est indiscutable que monsieur X... s'est engagé à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l'autorité du GPL Nue Mawdre, personne morale privée, et qu'il répond dès lors à la définition du salarié telle que posée par l'article 1er de l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail en Nouvelle-Calédonie ; qu'aux termes de ce même article, la législation sociale «s'applique à tous les salariés de la Nouvelle Calédonie» et «à toute personne physique ou morale qui emploie lesdits salariés» ; qu'aux termes de son article 2 «pour l'offre d'emploi, l'embauche et la relation de travail ne peuvent être pris en considération l'origine, l'appartenance ou la non appartenance à un ethnie. Toute disposition ou acte contraire est nul de plein droit» ; qu'il découle de ces règles d'ordre public que le GDPL Nue Mawdre est mal fondé à vouloir écarter la législation sociale au profit de règles coutumières ;
ALORS QUE la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie qui énonce le principe de la prééminence de la coutume dans les rapports entre personnes de statut civil coutumier est, en vertu de la hiérarchie des normes, supérieure à l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail en Nouvelle-Calédonie ; qu'en énonçant, pour écarter les règles coutumières au profit de la législation sociale, que les règles édictées par l'ordonnance du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail en Nouvelle-Calédonie sont d'ordre public, la cour d'appel a violé la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie.

Quatrième moyen de cassation
Le GDPL de Nue Mawdre fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que monsieur X... avait fait l'objet d'un licenciement abusif et de l'avoir condamné à verser à ce dernier les sommes de 253 128 francs CFP à titre de préavis, de 113 907 francs CFP à titre de congés payés y afférents, de 32 454 francs CFP à titre d'indemnité de licenciement et celle de 759 384 francs CFP à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal du travail, par une motivation que la cour adopte, a jugé à bon droit que la rupture du contrat de travail devait être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le GDPL, en appel, n'expose aucun moyen, ne produit aucune pièce de nature à justifier une analyse différente tant sur le principe du licenciement que sur l'indemnité du salarié ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE le GDPL n'a pas respecté la procédure de licenciement prévue par cette ordonnance en rompant le contrat de travail de monsieur X... (ce qui résulte à l'évidence de l'établissement du certificat de travail versé aux débats) sans le convoquer à un entretien préalable à licenciement et sans lui adresser une lettre énonçant les griefs justifiant cette rupture ; que dans ces conditions, il sera retenu que monsieur X... a fait l'objet d'un licenciement abusif.
ALORS QU'aux termes de l'article 10 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail, le juge est tenu, en cas de litige, d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; qu'en se bornant, pour déclarer le licenciement de monsieur X..., en sa qualité d'agent de sécurité, sans cause réelle et sérieuse, que le GDPL n'avait pas respecté la procédure de licenciement, sans vérifier, comme il le lui était demandé, si le fait pour un agent de sécurité de participer à une manifestation sur le site dont il était pourtant chargé d'assurer la sécurité ne constituait pas une faute grave rendant impossible, compte tenu de la nature de ses fonctions, la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 relative aux principes directeurs du droit du travail ;
ALORS QUE pour les mêmes raisons, en énonçant, pour dire que le licenciement de monsieur X... était sans cause réelle et sérieuse, que le GDPL n'exposait aucun moyen en appel, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du GDPL Nue Mawdre par lesquelles ce dernier faisait valoir que le fait pour un agent de sécurité de participer à une manifestation sur le site dont il doit assurer la surveillance constituait une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, et, partant, a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-70084
Date de la décision : 10/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Statut civil coutumier - Domaine d'application - Etendue - Exclusion - Rapports professionnels résultant d'un travail accompli dans un lien de subordination

OUTRE-MER - Nouvelle-Calédonie - Organisation judiciaire - Tribunal du travail - Compétence matérielle - Etendue - Détermination

Indépendamment des éventuels statuts personnels des salariés et des employeurs prévus par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, ne sont pas soumis au droit coutumier attaché à la personne les rapports professionnels résultant d'un travail accompli dans un lien de subordination, régis par des règles dérogatoires au droit commun des contrats ainsi que par des règles organisant les rapports collectifs au sein des entreprises et des branches auxquelles elles appartiennent. Doit dès lors être rejeté le pourvoi qui reproche à une cour d'appel de juger que ne relève pas de la juridiction coutumière mais de la seule compétence du tribunal du travail le litige survenu en matière de relations de travail entre des personnes parties à un contrat de travail et de le régler par application des textes prévus par la législation du travail


Références :

loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 21 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 fév. 2010, pourvoi n°08-70084, Bull. civ. 2010, V, n° 37
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 37

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : Mme Zientara
Rapporteur ?: M. Béraud
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de la Varde

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.70084
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