LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi formé contre la société CNP assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse d'épargne Aquitaine Nord, aux droits de laquelle vient la caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charente (la caisse), a consenti en 1999 à M. X... deux prêts, en garantie desquels ce dernier a adhéré au contrat d'assurance groupe de la Caisse nationale de prévoyance-CNP assurances (la CNP), pour les risques décès et invalidité permanente et absolue ; que la CNP ayant refusé de prendre en charge, au titre de l'incapacité temporaire totale (ITT), les mensualités de remboursement des prêts à la suite d'un arrêt de travail de M. X..., celui-ci a assigné la caisse et la CNP en responsabilité ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'après avoir retenu qu'en manquant à son obligation d'information et de conseil la caisse a privé M. X... de la possibilité de souscrire la garantie ITT et lui a causé un préjudice qui s'analyse en une perte de chance, l'arrêt décide que la caisse doit rembourser à M. X..., à titre de dommages-intérêts, le montant des mensualités échues des prêts à compter du 19 octobre 2000, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2004, et prendre en charge, à titre de dommages-intérêts, le remboursement des mensualités à échoir des prêts aussi longtemps que l'ITT se poursuivra et jusqu'à la fin du tableau d'amortissement, ou à l'échéance du prêt suivant la mise à la retraite ou à la préretraite de M. X... ou à son soixante-cinquième anniversaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est abstenue de mesurer la réparation allouée à la chance perdue laquelle ne pouvait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la caisse à rembourser à M. X..., à titre de dommages-intérêts, le montant des mensualités échues des prêts à compter du 19 octobre 2000, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2004, et à prendre en charge, à titre de dommages-intérêts, le remboursement des mensualités à échoir des prêts aussi longtemps que l'ITT se poursuivra et jusqu'à la fin du tableau d'amortissement, ou à l'échéance du prêt suivant la mise à la retraite ou à la préretraite de M. X... ou à son soixante cinquième anniversaire, l'arrêt rendu le 20 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charente
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a retenu que la Caisse d'Epargne Aquitaine Nord avait manqué à son obligation d'information et de conseil et condamné en conséquence la Caisse d'Epargne Aquitaine Nord à « rembourser à M. X..., à titre de dommages et intérêts, le montant des mensualités échues des prêts n° ... et n° ... à compter du 19 octobre 2000, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2004, prendre en charge, à titre de dommages et intérêts, le remboursement des mensualités à échoir des prêts n° ... et n° ... souscrits par M. X... aussi longtemps que l'ITT se poursuivra et jusqu'à la fin du tableau d'amortissement, ou à l'échéance du prêt suivant la mise à la retraite ou à la préretraite de M. X... ou à son 65ème anniversaire » ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 1147 du Code civil, le banquier qui propose à son client auquel il consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; qu'en l'espèce, la Caisse d'Epargne ne démontre pas avoir éclairé l'emprunteur sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle alors que M. X..., âgé de 51 ans au moment de la souscription des prêts, a été licencié deux ans après et se trouvait encore sans emploi au moment de son arrêt maladie, et alors qu'il s'agissait de prêts in fine d'une durée de dix ans ; que la Caisse d'Epargne, qui a ainsi manqué à son obligation de conseil et privé M. X... de la possibilité de souscrire la garantie ITT, lui a donc causé un préjudice qui s'analyse en une perte de chance dont la réparation ne peut consister qu'en la condamnation de cette banque à rembourser à M. X..., à titre de dommages et intérêts, le montant des mensualités à échoir aussi longtemps que l'ITT se poursuit et jusqu'à la fin du tableau d'amortissement, à l'échéance de prêt suivant sa mise à la retraite ou à la préretraite ou à son 65ème anniversaire » ;
ALORS QUE, premièrement, en cas de manquement à l'obligation d'information et de conseil, une réparation ne peut être accordée que sur le terrain d'une perte de chance ; qu'avant de déterminer si une réparation peut être allouée sur le terrain de la perte de chance, les juges du fond se doivent d'examiner les données de l'espèce, de scruter la psychologie de la victime, pour déterminer si, eu égard aux données de la cause, il y avait des chances sérieuses que la victime, informée, prenne une décision différente de celle qu'elle a adoptée ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, qui était capital, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1137 et 1147 du Code civil ;
Et ALORS QUE, deuxièmement, un manquement à une obligation d'information et de conseil ne peut conduire qu'à une réparation sur le terrain de la perte de chance ; qu'en cas de perte de chance, la réparation allouée ne peut représenter qu'une quote-part du risque qui aurait pu être évité si le créancier de l'obligation avait été conseillé et informé ; qu'en condamnant la Caisse d'Epargne Aquitaine Nord, à titre de réparation, sur le terrain de la perte de chance, à prendre en charge l'intégralité des mensualités, échues ou à échoir, quand seule une quote-part de ces échéances pouvait donner lieu à réparation sur le terrain de la perte de chance, les juges du fond ont violé les articles 1137 et 1147 du Code civil.