LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1382 et 1384, alinéa 3, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL X... (la société), entreprise familiale créée en 1946, victime d'une escroquerie commise par la société Karl's Daso avec la complicité de M. Y..., préposé du Crédit lyonnais, a déclaré sa cessation de paiements le 24 janvier 1997, puis a été mise en liquidation judiciaire le 3 février suivant par le tribunal de grande instance ; que les associés de la société, MM. Pierre, Rémy et Mme Arlette X... (les consorts X...) ont assigné M. Y... et Le Crédit lyonnais devant le tribunal de grande instance de Lyon, en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts, affirmant que l'escroquerie commise avait entraîné la liquidation judiciaire de la société, la poursuite des membres de la famille X... en qualité de cautions solidaires de ses engagements et la perte de salaires et de biens personnels ;
Attendu que pour débouter les consorts X... des demandes qu'ils avaient formées en réparation de leur préjudice personnel, l'arrêt retient que les préjudices invoqués par les consorts X..., au titre des pertes de comptes courants, de pertes de salaires, de mise en oeuvre d'engagements de caution souscrits au profit de la société, de réalisation des biens de SCI familiales, de difficultés de santé et de préjudices moraux ne sont pas la suite immédiate de " l'escroquerie Daso " en ce qu'ils ne résultent que de l'atteinte portée au patrimoine de la société, de l'existence de contrats de travail et de la mise en oeuvre par les banques ou le fournisseur Z... de garanties personnelles et réelles antérieurement souscrites à leur profit par les consorts X... en vue de voir consentir des concours à la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'escroquerie dont la société avait été victime, commise par la société Karl's Daso avec la complicité du préposé du Crédit lyonnais était la cause directe et certaine de sa liquidation judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déboutant les consorts X... des demandes qu'ils avaient formées en réparation de leur préjudice personnel, l'arrêt rendu le 22 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Le Crédit lyonnais et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Crédit lyonnais et M. Y... à payer aux consorts X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux conseils pour les consorts X...,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les consorts X..., associés d'une société à responsabilité limitée liquidée, des demandes qu'ils avaient formées à l'encontre du Crédit Lyonnais et de son préposé, M. Y..., en vue d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait de l'escroquerie commise par ce dernier ;
AUX MOTIFS QUE Pierre, Rémy et Arlette X... ne justifient pas d'un préjudice personnel direct, distinct de celui de la société dont ils étaient les associés, salariés et cautions ; qu'en effet l'associé ne peut, sous couvert d'action individuelle, réclamer la réparation du préjudice social ; que la dépréciation des parts sociales étant considérée comme l'amoindrissement du patrimoine social, elle ne peut constituer un préjudice personnel de l'associé, susceptible de réparation ; que le préjudice subi par des associés qui, en raison de leurs droits et devoirs sociaux, ont dû supporter des dettes sociales n'est que le corollaire de celui subi par la société elle-même et n'a pas de caractère personnel ; que les autres préjudices invoqués par les consorts X..., au titre de pertes de comptes courants, de pertes de salaires, de mise en oeuvre d'engagements de caution souscrits au profit de la société X..., de réalisation de biens dépendant de sociétés civiles immobilières familiales, de difficultés de santé et de préjudices moraux, ne sont pas la suite immédiate de l'escroquerie en ce qu'ils ne résultent que de l'atteinte portée au patrimoine de la société X..., de l'existence de contrats de travail, de la mise en oeuvre par les banques ou le fournisseur Z... de garanties personnelles et réelles antérieurement souscrites à leur profit par les consorts X... en vue de voir consentir des concours à a société X... ;
ALORS QU'en considérant, après avoir constaté que l'escroquerie commise par le préposé du Crédit Lyonnais avait été la cause directe et immédiate de la liquidation de la société X..., que les préjudices personnels subis par les consorts X... consécutivement à la déconfiture de l'entreprise découlant notamment de la perte de leur emploi et de la mise en jeu des garanties personnelles et réelles qu'ils avaient souscrites en vue de voir consentir des concours à la société X..., n'étaient pas la suite immédiate de l'escroquerie mais la conséquence de leurs engagements antérieurs, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 1382 et 1384, alinéa 3, du code civil.