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03/02/2010 | FRANCE | N°08-44401

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 février 2010, 08-44401


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 5 novembre 1990 par la société NRG France, devenue la société Ricoh, en qualité de technicien après vente ; qu'il a par la suite exercé les fonctions de conseiller commercial et en dernier lieu d'ingénieur commercial ; que sa rémunération comportait une partie fixe et une part variable, déterminée chaque année dans le ca

dre d'un "pay plan" proposé à l'acceptation des salariés ; qu'en 2005 M. X... ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 5 novembre 1990 par la société NRG France, devenue la société Ricoh, en qualité de technicien après vente ; qu'il a par la suite exercé les fonctions de conseiller commercial et en dernier lieu d'ingénieur commercial ; que sa rémunération comportait une partie fixe et une part variable, déterminée chaque année dans le cadre d'un "pay plan" proposé à l'acceptation des salariés ; qu'en 2005 M. X... a refusé de signer le "pay plan 2005" et que l'employeur lui a signifié que le pay plan 2004 continuerait à s'appliquer ; que, le 26 août 2005, M. X... a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, invoquant une modification des conditions de sa rémunération, puis a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte produisait les effets d'une démission l'arrêt retient que le refus opposé à la modification proposée conduit au maintien des dispositions antérieures ce qui n'est pas critiquable ; que si M. X... allègue une baisse de sa rémunération en raison de l'impossibilité de commercialiser les produits nouveaux, plus porteurs que les anciens, il n'en établit pas la réalité ; qu'il ne peut invoquer qu'une perte à terme, ce qui signifie d'une part que cette perte est hypothétique d'autre part que la faute imputée à l'employeur n'est pas antérieure ou concomitante à la prise d'acte ;
Attendu cependant que le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut modifié sans son accord ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait constaté que le refus par M. X... de ratifier le "pay plan 2005" impliquait pour lui l'impossibilité de commercialiser les produits nouveaux ne venant pas en remplacement de ceux figurant au "pay plan" en vigueur, ce qui constituait une modification unilatérale du contrat de travail par modification de l'assiette de la rémunération, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Ricoh aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ricoh à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le prise d'acte du 26 août 2005 produisait les effets d'une démission et d'avoir en conséquence débouté Monsieur X... de ses demandes de 8.592 euros au titre de l'indemnité de préavis, de 859,20 euros au titre des congés payés y afférents, de 17.464,67 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de 68.736 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 3.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de l'avoir condamné à payer à la société NRG France la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour brusque rupture.
AUX MOTIFS QUE, pour justifier sa prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, Monsieur X... invoque une modification substantielle des conditions de sa rémunération imposée par ce dernier ; que Monsieur X... étant payé pour partie à la commission, les modalités de calcul de sa rémunération et de celle des autres salariés exerçant les mêmes fonctions, étaient fixées chaque année sur la base d'un document, dit pay plan, proposé par l'employeur à l'acceptation des salariés concernés ; que Monsieur X... n'ayant pas ratifié le pay plan 2005, l'employeur l'a informé que les dispositions du pay plan 2004 continueraient de s'appliquer, ce qui impliquait pour lui l'impossibilité de commercialiser les produits nouveaux ne venant pas en remplacement de ceux figurant au pay plan restant ainsi en vigueur ; que les conditions dans lesquelles les nouvelles dispositions ont été soumises à l'examen de Monsieur X... ont été régulières, notamment en ce que le salarié, qui ne pouvait être surpris par cette procédure répétée chaque année, a disposé d'un long délai de réflexion ; que le refus opposé par Monsieur X... à la modification proposée conduit logiquement au maintien des dispositions antérieures, ce qui n'est pas critiquable dans son principe ; que Monsieur X... soutient toutefois que ce maintien entraîne de fait une réduction importante de sa rémunération puisqu'il ne pourra pas commercialiser les produits nouveaux, plus porteurs que les anciens ; que toutefois Monsieur X... n'établit aucunement la réalité de cette baisse de rémunération ; que dans les courriers échangés avec l'employeur, il fait état d'une perte de 1.300 euros sur un trimestre, chiffre qui n'est justifié par aucun document pertinent et relève de sa seule affirmation ; que Monsieur X... ne peut d'ailleurs invoquer qu'une perte "à terme", ce qui signifie d'une part que la diminution de salaire invoquée reste hypothétique, d'autre part que la faute imputée à l'employeur n'est pas antérieure ou concomitante à la prise d'acte ; qu'à la date de celle-ci, l'employeur n'a fait que maintenir strictement les dispositions contractuelles liant les parties, ce qui ne peut en soi lui être reproché ; que la réalité ou simplement même une présomption suffisamment étayée d'une perte inéluctable de rémunération ne pouvant être objectivement constatées au moment de la prise d'acte, Monsieur X..., à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas, ayant agi de manière pour le moins prématurée, que l'employeur par un comportement fautif rendait impossible ou préjudiciable la poursuite de la relation de travail ; qu'il convient donc de constater que la prise d'acte emporte les effets d'une démission et de débouter Monsieur X... de ses demandes relatives à l'indemnité de préavis, à l'indemnité conventionnelle de licenciement et aux dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; (…) ; que Monsieur X... ayant démissionné, il devait respecter le délai de préavis figurant à son contrat de travail ; qu'il s'en est affranchi unilatéralement, ce qui a provoqué pour l'employeur un préjudice certain dans son principe et que la Cour est en mesure, au vu des éléments de la cause, de liquider à la somme de 1.000 euros, au paiement de laquelle il convient de condamner Monsieur X....
ALORS QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient ;
1°) QUE, sur la modification du contrat de travail, l'employeur ne peut modifier unilatéralement le contrat de travail, a fortiori si cette modification a des conséquences sur le mode de rémunération ; qu'en l'espèce, la rémunération de Monsieur X... était composée d'une partie fixe et d'une partie variable dont le contrat de travail précisait qu'elle était « calculée en application du plan de rémunération en vigueur et des objectifs » ; que la Cour d'appel a relevé que le refus opposé par le salarié de ratifier le pay plan pour 2005 entraînait l'application des dispositions du pay plan 2004, ce qui impliquait pour lui l'impossibilité de commercialiser les nouveaux produits de l'entreprise ne venant pas en remplacement de ceux figurant au plan de rémunération de l'année précédente ; qu'il en résulte que si le refus opposé par Monsieur X... à la modification du plan de rémunération a entrainé le maintien du mode de rémunération antérieur, l'employeur a modifié l'assiette de ladite rémunération en le privant de la possibilité de commercialiser les produits nouveaux ; qu'en affirmant que l'employeur avait strictement maintenu les dispositions contractuelles liant les parties, tout en constatant la privation de la possibilité de commercialiser partie des produits de la société, la Cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, et violé l'article 455 du Code de procédure civile.
QU'à tout le moins, en ne recherchant pas si ladite privation ne constituait pas une modification contractuelle, comme elle y était pourtant invitée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.121-1 (devenu L.1221-1), L.122-14-3 (devenu L.1233-2 et L.1235-1) du Code du travail, ensemble des articles 1134 et 1184 du Code civil.
2°) Encore QUE le mode de rémunération constituant un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, une clause du contrat de travail ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération contractuelle du salarié ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le refus opposé par le salarié d'accepter le nouveau plan de commissionnement pour la période 2005-2006 qui entraînait une réduction des fonctions de Monsieur X..., privé de commercialiser l'ensemble des produits relevant de sa compétence, et donc de l'assiette de sa rémunération entraînait nécessairement une baisse de rémunération liée à l'impossibilité de percevoir des commissions générées par la vente de ces nouveaux produits ; qu'une telle modification constituait, une modification de son contrat justifiant la prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les articles L.121-1 (devenu L.1221-1), L.122-14-3 (devenu L.1233-2 et L.1235-1) du Code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du Code civil.
QU'à cet égard, la mesure entraînant une baisse de rémunération certaine dans son principe constitue une modification du contrat de travail, peu important que ses effets soient différés dans le temps ; qu'il s'ensuit que le salarié qui soutient que l'employeur lui a imposé une baisse de rémunération, est uniquement tenu de justifier que la mesure patronale, antérieure ou concomitante à la prise d'acte, entraînera une baisse certaine du montant de sa rémunération, fût-elle future ; qu'en jugeant, pour dire que la prise d'acte n'était pas justifiée, que Monsieur X... ne pouvait invoquer qu'une perte « à terme » de la rémunération, ce qui signifiait que la diminution de salaire restait hypothétique et que la faute imputée à l'employeur n'était pas antérieure ou concomitante à la prise d'acte et en exigeant que le salarié justifie d'une perte inéluctable de rémunération au moment de la prise d'acte, la Cour d'appel a statué par des motifs erronés, en violation des articles L.121-1 (devenu L.1221-1), L.122-14-3 (devenu L.1233-2 et L.1235-1) du Code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184 du Code civil.
3°) QUE, par voie de conséquence, sur la procédure de modification du contrat de travail, la procédure prescrite par l'article L.321-1-2 (devenu L.1222-6) du Code du travail est une procédure d'ordre public applicable à toute modification du contrat de travail pour motif économique, de sorte que le non respect de cette procédure qui constitue une condition de fond, justifie le prise d'acte du salarié consécutive au refus par le salarié de la modification de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que Monsieur X... s'était vu proposer par lettre simple en date du 14 mars 2005 un nouveau plan de rémunération emportant modification de son contrat de travail pour un motif non inhérent à sa personne, qu'il avait de concert avec ses collègues sollicité des éclaircissements par lettre en date du 18 avril 2005, que l'employeur lui avait confirmé par courriel du lendemain que le plan devait être accepté en l'état et que, dans une lettre en date du 11 mai 2005, l'employeur avait considéré qu'il avait refusé la modification proposée ; qu'il en résultait que la procédure prescrite par l'article L.321-1-2 (devenu L.1222-6) n'avait pas été respectée ; qu'en considérant pourtant que les conditions dans lesquelles les nouvelles dispositions du plan de commissionnement avait été soumises à l'examen de Monsieur X... avaient été régulières, notamment en ce que le salarié, qui ne pouvait être surpris par cette procédure répétée chaque année, avait disposé d'un long délai de réflexion, la Cour d'appel a violé les articles L.121-1 (devenu L.1221-1), L.122-14-3 (devenu L.1233-2 et L.1235-1) et L.321-1 (devenu L.1233-3) et L.321-1-2 (devenu L.1222-6) du Code du travail, ensemble l'article 1184 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44401
Date de la décision : 03/02/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 fév. 2010, pourvoi n°08-44401


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44401
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