LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 février 2008), que Mme X... a été engagée le 26 mai 2000 par la société Gestion finance immobilier (GFI) aux droits de laquelle vient la société Foncia Groc, en qualité de comptable ; que les parties ont conclu un contrat de travail le 1er octobre 2005 contenant une clause dite de clientèle ; que la salariée qui a été licenciée par lettre du 7 avril 2006 a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que la société Foncia Groc fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié la clause de clientèle qu'elle avait conclue avec Mme X... par un nouveau contrat du 1er octobre 2005 en clause de non-concurrence, illicite pour défaut de contrepartie financière, d'en avoir prononcé la nullité et de l'avoir condamnée au paiement de 15 000 euros de dommages-intérêts sur le fondement de cette prétendue illicéité, alors, selon le moyen, que n'est pas une clause de non-concurrence la clause dite "de clientèle" qui se borne à interdire à un salarié, suite à la rupture de son contrat de travail, de démarcher ou de détourner la clientèle de son employeur, quand bien même elle l'aurait sollicité spontanément ; qu'une telle clause qui n'interdit pas au salarié de rechercher un emploi dans une société concurrente ou de créer lui-même une telle société, mais seulement de détourner les clients de son précédent employeur, ne fait que contractualiser le contenu du devoir de loyauté qui, en droit commun, pèse sur l'ancien salarié ; qu'en requalifiant néanmoins, pour l'annuler, en clause de non-concurrence la clause de clientèle qui la liait à Mme X..., la cour d'appel a violé les articles 1134 § 1 et 3 du code civil et L. 120-2 devenu L. 1121-1 du code du travail, ensemble le principe de l'exécution de bonne foi des conventions ;
Mais attendu qu'après avoir analysé la clause dite de clientèle et avoir constaté, sans en dénaturer le sens, que cette clause ne se bornait pas à interdire à la salariée de démarcher les clients du site de Cahors au sein duquel elle travaillait mais consistait en une interdiction générale, illimitée dans le temps comme dans l'espace, d'entrer en contact directement ou indirectement avec tous les clients de la société Foncia Groc, dont le siège est situé à Montauban, ou d'exploiter d'une quelconque façon la clientèle de cette société; qu'elle avait donc en réalité pour effet de restreindre considérablement la possibilité pour la salariée d'exercer une activité concurrente, et ce, sans aucune contrepartie financière, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'une telle clause contrevenait au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail et devait par conséquent être déclarée nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Foncia Groc aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Foncia Groc.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié la clause de clientèle, qui avait été conclue entre Mme X... et la société FONCIA GROC par un nouveau contrat du 1er octobre 2005, en clause de non concurrence, illicite pour défaut de contrepartie financière, d'en avoir prononcé la nullité et d'avoir condamné la société FONCIA GROC au paiement de 15.000,00 € de dommages-intérêts sur le fondement de cette prétendue illicéité, outre 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile ;
Aux motifs que : « le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ainsi que les dispositions de l'article L. 120-2 du Code du Travail selon lesquelles nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, ne permettent à un employeur d'imposer à un salarié une clause de non concurrence que si cette clause est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de lui verser une contrepartie financière.
En l'espèce, le contrat de travail du 1er octobre 2005 fait interdiction à Martine X..., en cas de cessation de son contrat de travail et quelle qu'en soit la cause, « d'entrer en contact directement ou indirectement, sous quelque mode que ce soit, avec des clients de la Société FONCIA GROC et, de manière corollaire, de démarcher lesdits clients et ce même si la salariée fait l'objet de leur part de sollicitations spontanées » et « d'exploiter directement ou indirectement la clientèle concernée, à titre personnel ou par l'intermédiaire de toute société, association ou entité juridique quelconque dont la salariée serait l'associée, le membre, la salariée ou le collaborateur ou pour laquelle elle interviendrait ou serait rémunérée, directement ou indirectement, de quelque manière, à quelque titre, et sous quelque statut que ce soit. »
Une telle clause ne se borne pas à interdire à la salariée de démarcher les clients du site de CAHORS au sein duquel elle travaillait mais consiste en une interdiction générale, illimitée dans le temps comme dans l'espace, d'entrer en contact directement ou indirectement avec tous les clients de la SAS FONCIA GROC, dont le siège est situé à MONTAUBAN, ou d'exploiter d'une quelconque façon la clientèle de cette société.
Cette clause dite de « clientèle » a donc en réalité pour effet de restreindre considérablement la possibilité pour la salariée d'exercer une activité concurrente, et ce, sans aucune contrepartie financière.
Elle constitue dès lors une atteinte illicite au principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 120-2 du Code du Travail précitées » ;
Alors que : n'est pas une clause de non-concurrence la clause, dite « de clientèle », qui se borne à interdire à un salarié, suite à la rupture de son contrat de travail, de démarcher ou de détourner la clientèle de son employeur, quand bien même elle l'aurait sollicité spontanément ; qu'une telle clause qui n'interdit pas au salarié de rechercher un emploi dans une société concurrente ou de créer lui-même une telle société, mais seulement de détourner les clients de son précédent employeur, ne fait que contractualiser le contenu du devoir de loyauté qui, en droit commun, pèse sur l'ancien salarié ; qu'en requalifiant néanmoins, pour l'annuler, en clause de non-concurrence la clause de clientèle qui liait la société FONCIA et son employé, la Cour d'appel a violé les articles 1134 §1 et 3 du Code civil, L. 120-2 du Code du Travail, recodifié à l'article L. 1121-1 du même Code, ensemble le principe de l'exécution de bonne foi des conventions.