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27/01/2010 | FRANCE | N°09-40023

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2010, 09-40023


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 26 juin et 4 décembre 2008), que Mme X... a été engagée, par contrat du 16 juin 2000, en qualité de directeur général de l'activité hôtelière au Vietnam et au Cambodge, par la société Electricité et eaux de Madagascar (EEM) Victoria Hong Kong, ayant son siège social à Hong Kong, filiale de la société française EEM ; que ce contrat, prévoyant qu'il était soumis à la loi de Hong Kong, a donné lieu à deux avenants du 20 février 2005, conclus le premier ave

c la société Victoria hôtels et Resorts, filiale vietnamienne de la société EEM,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 26 juin et 4 décembre 2008), que Mme X... a été engagée, par contrat du 16 juin 2000, en qualité de directeur général de l'activité hôtelière au Vietnam et au Cambodge, par la société Electricité et eaux de Madagascar (EEM) Victoria Hong Kong, ayant son siège social à Hong Kong, filiale de la société française EEM ; que ce contrat, prévoyant qu'il était soumis à la loi de Hong Kong, a donné lieu à deux avenants du 20 février 2005, conclus le premier avec la société Victoria hôtels et Resorts, filiale vietnamienne de la société EEM, le second, avec la société Victoria Hong Kong ; que Mme X... a été licenciée pour faute grave le 21 avril 2006 par chacune de ces deux sociétés ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes à l'encontre de la société EEM, aux fins de paiement d'un rappel de salaires et d'indemnités, notamment à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour la partie hongkongaise de son contrat ; que le conseil de prud'hommes a, par jugement du 17 octobre 2007, décliné sa compétence ; que saisie sur contredit de Mme X..., la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 26 juin 2008, déclaré compétente la juridiction prud'homale et décidé d'évoquer ; que par arrêt du 4 décembre 2008, la cour d'appel, faisant application de la loi de Hong Kong, a condamné la société EEM à payer à Mme X... un rappel de salaire et des indemnités ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société EEM fait grief à l'arrêt du 4 décembre 2008 de la condamner à payer à Mme X... des rappels de salaires et des indemnités, alors, selon le moyen :

1° / que le juge appelé à trancher un litige selon une loi étrangère invoquée par les parties ne peut se prononcer sans avoir été informé de manière complète et contradictoire sur le droit applicable ; qu'en l'espèce où l'application de la loi hongkongaise n'était pas contestée et où les parties devaient établir la teneur de cette loi, la société EEM a fait valoir que la consultation qu'elle avait demandée à un cabinet d'avocats de Hong Kong n'était parvenue que tardivement et était muette sur les dispositions légales hongkongaises, qu'elle restait donc dans l'attente d'une réponse précise sur celles-ci pour trancher le litige relatif à la rupture du contrat de travail de Mme X... ; qu'en se fondant sur le seul certificat de coutume produit par la salariée, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire issu de l'article 16 du code de procédure civile ;

2° / qu'aux termes du certificat de coutume produit par Mme X... sur les règles applicables à Hong Kong, le salarié n'est en droit de prétendre au paiement d'indemnités de rupture que " s'il est déterminé que les motifs évoqués par l'employeur pour rompre le contrat sont inexacts ", que la charge de la preuve de l'inexactitude des motifs invoqués par l'employeur ne peut peser que sur le salarié ; qu'en reprochant à la société EEM de n'avoir versé aucun document probant au soutien des griefs invoqués à l'encontre de Mme X..., de ne pas avoir rapporté ainsi la preuve des griefs invoqués quant c'est la preuve de leur inexactitude qui est exigée, la cour d'appel qui a fait peser sur l'employeur la charge de la preuve de faits qui ne lui incombait pas, a dénaturé la loi hongkongaise et violé l'article 3 du code civil ;

3° / qu'en statuant de la sorte et en faisant peser sur la société EEM la charge de la preuve des griefs invoqués à l'appui de la rupture du contrat de Mme X..., la cour d'appel a appliqué la loi française et non la loi hongkongaise comme elle aurait dû le faire ; qu'elle a encore violé l'article 3 du code civil ;

4° / qu'en retenant l'absence de preuve par la société EEM des griefs invoqués à l'appui de la rupture du contrat de travail bien que Mme X... n'ait jamais contesté le bien-fondé de ces griefs mais s'était bornée à invoquer une prétendue absence de motivation de la lettre de rupture pour dire que la rupture était injustifiée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la société EEM ayant disposé d'un délai raisonnable pour fournir tous éléments sur la teneur de la loi de Hong Kong, la cour d'appel n'était pas tenue d'ordonner un renvoi ;

Attendu, ensuite, que s'il incombe au juge français qui applique une loi étrangère de rechercher et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger, l'application qu'il fait de ce droit étranger, quelle qu'en soit la source, légale ou jurisprudentielle, échappe, sauf dénaturation, au contrôle de la Cour de cassation ; que, faisant une interprétation exempte de toute dénaturation de la loi de Hong Kong, la cour d'appel a souverainement retenu que dans le cadre d'un litige en matière de licenciement pour faute, l'employeur devait rapporter la preuve des faits reprochés au salarié ;

D'où il suit que la cour d'appel, qui n'a pas modifié les termes du litige, n'encourt pas les griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société EEM aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société EEM à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société EEM

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au premier arrêt attaqué du 26 juin 2008 D'AVOIR jugé que Madame X... et la société EEM étaient liées par un contrat de travail, d'avoir fait droit au contredit formé par Madame X..., d'avoir dit que le Conseil de prud'hommes de Paris était compétent et d'avoir évoqué le litige ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... a été engagée à compter du 1er septembre 2000, par la société EEM Victoria Hong Kong – une filiale de la société française EEM, ayant son siège social à Hong Kong-en qualité de directeur général de l'activité hôtelière au Vietnam et au Cambodge, selon contrat à durée indéterminée du 16 juin 2000 ; que ce contrat initial a donné lieu à deux avenants du 20 février 2005 signés en sa qualité de PDG des sociétés, par Monsieur Y..., qui était aussi PDG de la société mère française, la société EEM ; … ; que le second avenant avec la société EEM Victoria Hong Kong reconduisait les conditions de rémunération initialement prévues avec cette société et comportait une clause attributive de compétence en faveur des juridictions du siège de l'employeur ; que Madame X... a vainement réclamé son augmentation de salaire à la société EEM Victoria Hong Kong et s'est adressée à plusieurs reprises par courrier électronique à Monsieur Y... ; … ; que par lettre du 21 avril 2005, chacune des sociétés concernées a licencié Madame X... pour faute grave ; … ; que Madame X... a saisi le Conseil de prud'hommes afin d'obtenir de la société EEM le paiement d'un rappel de salaires ainsi que diverses indemnités pour la partie « hongkongaise » de son contrat, reprise par la société Victoria Hong Kong ; … ; que les pièces produites aux débats démontrent que, dans le cadre de l'exécution de l'avenant conclu avec la société Victoria Hong Kong, Madame X... prenait ses ordres et adressait ses rapports à Monsieur Y..., en sa qualité de PDG du groupe de la société française EEM, ou auprès de Monsieur Z..., conseiller de celui-ci au niveau du groupe ; que l'ensemble des documents adressés par les intéressés à Madame X... étaient d'ailleurs établis sur papier à entête de la société mère EEM ; qu'en se déclarant incompétent, le Conseil de prud'hommes n'a dès lors pas tiré toutes les conséquences de ses justes constatations-au seul motif inopérant que Madame X... avait attrait devant une juridiction étrangère, la société avec laquelle elle était liée par un autre avenant que celui présentement en cause-alors que la preuve est ainsi apportée par Madame X... qu'elle était unie à la société EEM, par un lien de subordination, caractéristique de l'existence d'un contrat de travail entre cette société et elle-même ; que la société EEM ayant son siège social à Paris, le Conseil de prud'hommes de Paris saisi par Madame X... était bien compétent ;

1°- ALORS QUE dans un groupe international constitué d'une société mère et de filiales où les liens capitalistiques et économiques impliquent nécessairement que les sociétés filiales mettent en oeuvre les directives de la société mère et rendent compte de leur activité, ne suffit pas à caractériser un contrat de travail entre la société mère et le salarié qui occupe une fonction de direction au sein d'une filiale, le seul fait que ce dernier ait à prendre des ordres et à adresser des rapports à la société mère ; qu'en jugeant le contraire et en décidant que Madame X..., directrice générale de l'activité hôtelière au Vietnam et au Cambodge, engagée, rémunérée et licenciée par la filiale de droit hongkongais, la société EEM Victoria Hong Kong, était liée par un contrat de travail à la société mère française EEM de la seule circonstance qu'elle aurait pris ses ordres et adressé ses rapports à Monsieur Y..., en sa qualité de PDG du groupe de la société française EEM ou à Monsieur Z..., conseiller au niveau du groupe, sans rechercher si les consignes données par la société mère à sa filiale et les nécessaires comptes rendus qui s'imposent n'étaient pas inhérents au seul contrôle capitalistique et économique de la société EEM sur sa filiale et étaient donc insuffisants à caractériser un contrat de travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 et suivants du Code du travail ;

2°- ALORS QUE l'identité de la personne physique dirigeante de la société mère et de la société filiale ne permet pas d'en déduire un lien de subordination des salariés de la société filiale à l'égard de la société mère ; qu'il appartient au juge de vérifier en quelle qualité intervient ce dirigeant ; que la société EEM a fait valoir que Monsieur Y... occupait à la fois la fonction de dirigeant des sociétés EEM, EEM Victoria Hong Kong et Victoria Vietnam Group, sociétés juridiquement distinctes ; qu'il n'est pas contesté que Madame X... a été engagée par contrat de travail écrit, a été rémunérée et licenciée par la société EEM Victoria Hong Kong représentée par Monsieur Y... ; qu'en se bornant à relever que Madame X... avait pris ses ordres et adressé des comptes rendus à Monsieur Y... en sa qualité de président de la société EEM, sans vérifier si Monsieur Y... n'avait pas exercé les prérogatives d'employeur, en engageant, rémunérant et licenciant Madame X..., en qualité de Président de la société EEM Victoria Hong Kong, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 et suivants du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au second arrêt attaqué du 4 décembre 2008, d'AVOIR condamné la société EEM à payer à Madame X... diverses sommes à titre de rappels de salaires du 1er novembre 2004 au 28 décembre 2005 et du 1er mars 2005 au 21 avril 2006, d'indemnité compensatrice de préavis, et d'indemnité contractuelle de licenciement, celle-ci ayant été fixée à 320 400 € ;

AUX MOTIFS QUE la loi applicable est la loi de Hong Kong, ce qui au demeurant résulte du certificat de coutume, établi le 14 janvier 2008, par le cabinet d'avocats de Hong Kong consulté par Madame X... ; selon le certificat de coutume chacune des parties à un contrat de travail et peut le rompre à n'importe quel moment en indiquant à l'autre partie, verbalement ou par écrit, son intention de le faire (…) ; que la société EEM n'a versé aucun document probant au soutien des griefs allégués à l'encontre de Madame X..., mauvaise gestion, allégations à l'encontre de tiers ou de Monsieur Y..., erreurs de management, obstruction à la mise en place d'un système internet de réservation ; que la rupture du contrat de travail est par conséquent intervenue sans que la preuve d'une faute de Madame X... soit rapportée ; que la rupture doit donc être qualifiée d'illégale au sens de la loi de Hong-Kong qui prévoit dans une telle hypothèse, selon le certificat de coutume produit, le paiement des sommes suivantes :
- salaire dû, le cas échéant, la retraite,
- les congés payés et bonus accumulés au jour de la retraite
-deux mois de salaire aux lieu et place du préavis,
- le paiement de ses frais de déplacement,
- deux ans de salaire net, tel que le prévoit le contrat de travail,
- ses frais de déménagement ;

ALORS QUE le juge appelé à trancher un litige selon une loi étrangère invoquée par les parties ne peut se prononcer sans avoir été informé de manière complète et contradictoire sur le droit applicable ; qu'en l'espèce où l'application de la loi hongkongaise n'était pas contestée et où les parties devaient établir la teneur de cette loi, la société EEM a fait valoir que la consultation qu'elle avait demandée à un cabinet d'avocats de Hong Kong n'était parvenue que tardivement et était muette sur les dispositions légales hongkongaises, qu'elle restait donc dans l'attente d'une réponse précise sur celles-ci pour trancher le litige relatif à la rupture du contrat de travail de Madame X... ; qu'en se fondant sur le seul certificat de coutume produit par la salariée, la Cour d'appel a violé le principe du contradictoire issu de l'article 16 du Code de procédure civile ;

ALORS QU'aux termes du certificat de coutume produit par Madame X... sur les règles applicables à Hong Kong, le salarié n'est en droit de prétendre au paiement d'indemnités de rupture que « s'il est déterminé que les motifs évoqués par l'employeur pour rompre le contrat sont inexacts », que la charge de la preuve de l'inexactitude des motifs invoqués par l'employeur ne peut peser que sur le salarié ; qu'en reprochant à la société EEM de n'avoir versé aucun document probant au soutien des griefs invoqués à l'encontre de Madame X..., de ne pas avoir rapporté ainsi la preuve des griefs invoqués quant c'est la preuve de leur inexactitude qui est exigée, la Cour d'appel qui a fait peser sur l'employeur la charge de la preuve de faits qui ne lui incombait pas, a dénaturé la loi hongkongaise et violé l'article 3 du Code civil ;

ALORS en outre qu'en statuant de la sorte et en faisant peser sur la société EEM la charge de la preuve des griefs invoqués à l'appui de la rupture du contrat de Madame X..., la Cour d'appel a appliqué la loi française et non la loi hongkongaise comme elle aurait dû le faire ; qu'elle a encore violé l'article 3 du Code civil ;

ALORS en tout état de cause qu'en retenant l'absence de preuve par la société EEM des griefs invoqués à l'appui de la rupture du contrat de travail bien que Madame X... n'ait jamais contesté le bien fondé de ces griefs mais s'était bornée à invoquer une prétendue absence de motivation de la lettre de rupture pour dire que la rupture était injustifiée, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40023
Date de la décision : 27/01/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2010, pourvoi n°09-40023


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40023
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