LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 avril 2008), que Mme X... a été engagée comme assistante dentaire par l'association Maison des jeunes et de la santé le 1er octobre 1997 ; que l'activité de cette association a été reprise en dernier lieu par l'association Centre dentaire Nord Magenta en septembre 2005 ; que le nouvel employeur a proposé à la salariée, qui était déléguée du personnel, un changement de son lieu et de ses horaires de travail que la salariée a refusé, puis ensuite un autre poste dans les locaux initiaux qu'elle a également refusé ; que compte tenu de ces refus l'employeur a sollicité une autorisation administrative de licenciement qui lui a été accordée par décision de l'inspecteur du travail du 2 décembre 2005 et a licencié la salariée pour refus de ces modifications ; que la salariée ayant saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de son licenciement, l'employeur a soulevé l'incompétence de cette juridiction ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt statuant sur contredit, de déclarer irrecevable la demande en nullité de son licenciement après avoir confirmé le jugement en tant qu'il a déclaré la juridiction prud'homale compétente pour statuer sur cette demande alors, selon le moyen :
1° / que la portée d'un acte administratif s'apprécie au regard de la volonté exprimée par l'administration et n'est nullement limitée au contenu du dispositif formalisé dans sa décision écrite ; qu'en faisant abstraction des considérants de la décision de l'administration justifiant le licenciement de Mme X... pour des motifs économiques pour en conclure que la décision de licencier avait été accordée uniquement pour les motifs personnels contenus dans la demande d'autorisation de licencier, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil et l'article L. 425-1 du code du travail ;
2° / subsidiairement que selon les considérants de l'inspecteur du travail, « au regard d'une activité déficitaire récurrente du site repris, la nouvelle direction (du centre dentaire) a décidé … un réaménagement des horaires d'ouverture au public et une nouvelle organisation des tâches de certains personnels, ainsi la réalité du motif économique invoqué est établie » et « au regard des circonstances (réorganisation de l'entreprise pour pallier une activité structurellement déficitaire, proposition de mutation …, absence de poste vacant susceptible d'être attribué à la salariée), l'obligation de reclassement professionnel doit être considérée comme accomplie » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette décision que l'autorisation de licenciement de Mme X... n'a été accordée que pour des motifs économiques ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a dénaturé cette décision en violation de l'article 1134 du code civil ;
3° / en tout état de cause que seul le juge administratif peut connaître de l'interprétation d'un acte administratif individuel ; qu'ainsi que l'arrêt attaqué le constate, la décision de l'inspecteur a été accordée en se fondant sur des notions qui renvoient aux conditions d'un licenciement pour motifs économiques, de sorte qu'il ne ressortait pas de manière claire et précise des termes de cette décision que l'autorisation avait été accordée pour des motifs personnels ; qu'en procédant ainsi à l'interprétation de cette décision individuelle, au lieu et place de la juridiction administrative, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire et la loi des 16-24 août 1790 ;
4° / enfin qu'il appartient au juge prud'homal, en cas de doute sérieux sur la légalité d'une autorisation de licenciement qui est contestée, de surseoir à statuer jusqu'à la solution par le juge administratif de la question préjudicielle en appréciation de la légalité de cette décision ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la demande d'autorisation de licenciement litigieuse avait été demandée pour motifs personnels et que l'inspecteur du travail se fondait sur des motifs économiques pour accorder l'autorisation demandée ; que faisant ainsi apparaître un doute sérieux sur la légalité de cette décision qui était contestée, la cour d'appel ne pouvait refuser de surseoir à statuer et de procéder à un renvoi préjudiciel sur la question de l'appréciation de sa légalité, sans violer l'article 425-1 du code du travail, ensemble le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire ;
Mais attendu que la cour d'appel devant laquelle il était seulement allégué que Mme X... aurait été licenciée pour un autre motif que celui pour lequel la demande d'autorisation administrative avait été sollicitée et obtenue, a constaté que le licenciement de la salariée avait été prononcé pour le motif exposé par l'employeur dans sa requête à l'autorité administrative dont l'autorisation n'avait pas été contestée ; qu'elle a ainsi, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, statuant sur contredit, d'avoir déclaré irrecevable la demande tendant à la nullité du licenciement de Mme X..., alors déléguée du personnel, après avoir confirmé le jugement en tant qu'il a déclaré la juridiction prud'homale compétente pour statuer sur cette demande ;
AUX MOTIFS QUE s'il est compétent pour annuler le licenciement d'un salarié protégé intervenu sans autorisation administrative préalable, le juge judiciaire ne peut plus apprécier, en revanche, la cause réelle et sérieuse d'un licenciement, lorsque celle-ci a été validée par l'autorité administrative, à l'occasion de l'autorisation de licencier que l'inspecteur du travail donne à un employeur, désireux de rompre le contrat de travail d'un salarié protégé ; qu'en ce cas, ainsi que l'ont relevé, d'ailleurs, les premiers juges, la décision prise par l'inspecteur du travail s'impose au juge judiciaire et rend donc irrecevable toute contestation du licenciement devant le conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, pour justifier la recevabilité de la contestation de son licenciement, Mme X... fait valoir qu'elle a été licenciée le 5 décembre 2005 pour un motif personnel, alors que l'inspecteur du travail a autorisé un licenciement pour motif économique et que dans ces conditions elle a été irrégulièrement licenciée, sans autorisation, pour un motif personnel ; que, ce faisant, Mme X... fait abstraction de la décision rendue par l'inspecteur du travail le 2 décembre 2005 qui, visant sa requête-tendant incontestablement à obtenir l'autorisation de licencier Mme X... pour motif personnel-a accordé au CDNM l'autorisation de licencier la salariée protégée, peu important que, dans les motifs de sa décision, l'inspecteur du travail ait évoqué des notions (difficultés économiques, reclassement) qui renvoyaient aux conditions habituelles d'un licenciement pour motif économique-étant d'ailleurs précisé, comme le rappelle le CDNM, qu'il eût été déclaré irrecevable à contester les motifs d'une décision faisant droit à sa demande ; que son licenciement ayant ainsi été prononcé pour le motif exposé par le CDNM dans sa requête à l'autorité administrative, Mme X... ne peut plaider que ce licenciement est intervenu en l'absence d'autorisation administrative, alors même que l'inspecteur du travail a accueilli la requête du CDNM, aux termes de sa décision du 2 décembre 2005 autorisant le licenciement de la salariée protégée ; qu'en définitive, le licenciement ayant bien été prononcé après obtention de cette autorisation, Mme X... qui ne démontre, ni n'allègue avoir été licenciée pour un autre motif que celui porté à la connaissance de l'inspecteur du travail dans la requête du CDNM du 14 novembre 2005, est irrecevable à contester son licenciement, pour défaut d'autorisation administrative ; qu'il convient, donc, infirmant partiellement le jugement entrepris, de dire que le CDNM est bien fondé à opposer aux demandes de Mme X... la décision de l'inspecteur du travail rendue le 2 décembre 2005 qui, contrairement à ce qu'elle soutient, a autorisé le licenciement prononcé par son ancien employeur et ne permet plus de remettre en cause ce licenciement devant le juge judiciaire pour défaut d'autorisation ;
1°) ALORS QUE la portée d'un acte administratif s'apprécie au regard de la volonté exprimée par l'administration et n'est nullement limitée au contenu du dispositif formalisé dans sa décision écrite ; qu'en faisant abstraction des considérants de la décision de l'administration justifiant le licenciement de Mme X... pour des motifs économiques pour en conclure que la décision de licencier avait été accordée uniquement pour les motifs personnels contenus dans la demande d'autorisation de licencier, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil et l'article L. 425-1 du Code du travail ;
2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE selon les considérants de l'inspecteur du travail, « au regard d'une activité déficitaire récurrente du site repris, la nouvelle direction (du centre dentaire) a décidé … un réaménagement des horaires d'ouverture au public et une nouvelle organisation des tâches de certains personnels, ainsi la réalité du motif économique invoqué est établie » et « au regard des circonstances (réorganisation de l'entreprise pour pallier une activité structurellement déficitaire, proposition de mutation …, absence de poste vacant susceptible d'être attribué à la salariée), l'obligation de reclassement professionnel doit être considérée comme accomplie » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette décision que l'autorisation de licenciement de Mme X... n'a été accordée que pour des motifs économiques ; qu'en affirmant l'inverse, la Cour d'appel a dénaturé cette décision en violation de l'article 1134 du Code civil ;
3°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE seul le juge administratif peut connaître de l'interprétation d'un acte administratif individuel ; qu'ainsi que l'arrêt attaqué le constate, la décision de l'inspecteur a été accordée en se fondant sur des notions qui renvoient aux conditions d'un licenciement pour motifs économiques, de sorte qu'il ne ressortait pas de manière claire et précise des termes de cette décision que l'autorisation avait été accordée pour des motifs personnels ; qu'en procédant ainsi à l'interprétation de cette décision individuelle, au lieu et place de la juridiction administrative, la Cour d'appel a méconnu le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire et la loi des 16-24 août 1790 ;
4°) ALORS ENFIN QU'il appartient au juge prud'homal, en cas de doute sérieux sur la légalité d'une autorisation de licenciement qui est contestée, de surseoir à statuer jusqu'à la solution par le juge administratif de la question préjudicielle en appréciation de la légalité de cette décision ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la demande d'autorisation de licenciement litigieuse avait été demandée pour motifs personnels et que l'inspecteur du travail se fondait sur des motifs économiques pour accorder l'autorisation demandée ; que faisant ainsi apparaître un doute sérieux sur la légalité de cette décision qui était contestée, la Cour d'appel ne pouvait refuser de surseoir à statuer et de procéder à un renvoi préjudiciel sur la question de l'appréciation de sa légalité, sans violer l'article 425-1 du Code du travail, ensemble le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire.