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26/01/2010 | FRANCE | N°08-70369

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 2010, 08-70369


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 octobre 2008), que le 14 décembre 1992, la commission de contrôle des assurances a retiré son agrément à la société PME assurances ; qu'en application de l'article L. 326-2 du code des assurances, dans sa rédaction alors applicable, le président du tribunal de commerce a, le 23 décembre 1992, désigné M. X... liquidateur ; que par jugement du 4 août 2003, le tribunal a prononcé la clôture des opérations de la liquidation régie par le

code des assurances en application de son article L. 326-11, ordonné que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 octobre 2008), que le 14 décembre 1992, la commission de contrôle des assurances a retiré son agrément à la société PME assurances ; qu'en application de l'article L. 326-2 du code des assurances, dans sa rédaction alors applicable, le président du tribunal de commerce a, le 23 décembre 1992, désigné M. X... liquidateur ; que par jugement du 4 août 2003, le tribunal a prononcé la clôture des opérations de la liquidation régie par le code des assurances en application de son article L. 326-11, ordonné que la liquidation se poursuive dans les conditions de l'article L. 620-1 du code de commerce et désigné M. X... liquidateur judiciaire ; que par acte du 29 août 2004, M. X..., ès qualités, a assigné la société PME gestion pour lui voir étendre, sur le fondement de l'article L. 621-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, la liquidation judiciaire de la société PME assurances ;
Attendu que la société PME gestion fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé cette extension à son encontre, alors, selon le moyen :
1° / que l'article L. 326-11 du code des assurances, alors en vigueur, ne permet, après clôture de la procédure de liquidation spéciale d'une société d'assurances, que la poursuite des opérations de liquidation dans les conditions prévues par la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il en résulte que le juge saisi de la seule poursuite des opérations de liquidation d'une société d'assurances ne saurait étendre la procédure de liquidation judiciaire à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines ; que dès lors, la cour d'appel, en procédant à l'extension de la procédure judiciaire de la société PME assurances à la société PME gestion, a violé l'article L. 326-11 du code de commerce alors en vigueur, ensemble l'article L. 621-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause ;
2° / que selon l'article L. 326-11 du code des assurances alors en vigueur, après clôture de la liquidation spéciale d'une compagnie d'assurances, les opérations de liquidation peuvent être poursuivies dans les conditions prévues par la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel, en considérant que le point de départ de la prescription concernant l'action en extension de la liquidation judiciaire devait seulement être fixé au jour du jugement qui poursuivait les opérations de liquidation judiciaire sous le régime de droit commun, cependant qu'il s'agissait d'une seule et même procédure judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;
3° / que l'article L. 326-11 du code des assurances organise la poursuite d'une seule et même procédure judiciaire sous le régime de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel, pour décider qu'il n'avait pas été porté atteinte au délai raisonnable du procès, a considéré que l'action en extension n'avait pu être engagée qu'avec succès le 29 août 2004 à défaut d'avoir pu la faire aboutir auprès des tribunaux préalablement et ce dès 1993 ; que dès lors, la cour d'appel, qui constatait que l'action en extension de la liquidation judiciaire contre la société PME gestion avait été exercée avant 1993 et que l'extension n'avait été définitivement prononcée que le 14 octobre 2008, soit plus de quinze ans après, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant le texte susvisé, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;
4° / que le justiciable doit présenter, dès la première instance, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande et qu'il n'est dès lors plus recevable à présenter une nouvelle demande qui serait fondée sur les mêmes faits et qui aurait un autre fondement juridique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour considérer que la demande d'extension de la procédure collective n'était pas mise en échec par l'autorité de la chose jugée, a considéré que cette demande, si elle avait été effectivement formulée dans le cadre d'une instance précédente, ne l'avait été que sur le fondement du code des assurances et non sur le fondement du droit commun des procédures collectives ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;
5° / que l'arrêt du 20 mai 2003 a jugé que le tribunal a justement considéré que la fictivité pouvait découler, en cours de vie sociale, de la confusion des patrimoines, et ce en application du droit commun et sans qu'il soit nécessaire de recourir à la loi de 1985, que la jurisprudence considère que cette confusion résulte de l'imbrication des contrats passées entre les sociétés commerciales, de l'enchevêtrement des éléments du patrimoine et de l'imbrication des flux financiers ; que dès lors, en considérant que l'existence d'une confusion des patrimoines entre les sociétés PME assurances et PME gestion n'était pas frappée par l'autorité de la chose jugée en ce que l'arrêt du 20 mai 2003 n'avait fait que statuer sur la fictivité de la société PME gestion à la date de sa création, sans se prononcer sur la confusion des patrimoines au cours de la vie sociale, la cour d'appel a dénaturé ledit arrêt, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après la clôture de la liquidation spéciale de la société PME assurances, s'est ouverte une procédure de liquidation judiciaire soumise aux dispositions du titre II du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; qu'en conséquence, l'arrêt a exactement retenu que le liquidateur judiciaire pouvait agir en extension sur le fondement de l'article L. 621-5 du code précité ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que la liquidation spéciale initialement ouverte à l'encontre de la société PME assurances ne permettait pas l'exercice de l'action en extension, l'arrêt en a exactement déduit que le point de départ de la prescription décennale de l'action en extension devait être fixé au jour du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire permettant son exercice, soit le 4 août 2003, de sorte que l'action introduite le 29 août 2004 n'était pas prescrite et que la procédure ayant abouti à un jugement du 8 novembre 2004 puis à l'arrêt critiqué, il n'avait pas été porté atteinte au principe du délai raisonnable ;
Attendu, enfin, qu'ayant constaté que l'arrêt du 28 juillet 1993 avait statué dans le seul cadre de la liquidation spéciale régie par le code des assurances pour déclarer irrecevable l'action en extension et que celui du 21 mai 2003 s'était borné à statuer sur la fictivité de la société PME gestion à la date de sa création, hors toute action en extension au sens de l'article L. 621-5 du code de commerce, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le second arrêt, n'a pas méconnu l'autorité de chose jugée attachée à ses précédentes décisions ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société PME gestion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société PME gestion
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé l'extension de la procédure judiciaire de la société PME ASSURANCES à l'encontre de la société PME GESTION.
Aux motifs que « Me X..., agissant es qualité, a sollicité l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société PME ASSURANCES à la société PME GESTION sur le fondement de l'ancien article L621-5 du Code de commerce. Le défendeur Me Z..., es qualité, soulève la prescription de droit commun de 10 ans en l'absence de texte spécifique et fait courir le point de départ de la prescription du jour des faits à l'origine de la confusion des patrimoines alléguée soit en 1992.
Or, la prescription de l'action en extension de la liquidation judiciaire engagée court nécessairement à compter du jugement de poursuite des opérations de liquidation judiciaire sous le régime de la loi du 25janvier1985 et non pas à compter de l'ordonnance du Président du tribunal de commerce fondée sur la procédure spéciale de l'article L326-2 du Code des assurances après retrait d'agrément par la Commission de Contrôle des Assurances.
En effet, comme l'avait précisément énoncé l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 28 juillet 1993 (et non du 26juillet comme mentionné par erreur dans les conclusions de Me Z...), la procédure engagée initialement à l'encontre de la société PME ASSURANCES est une procédure de liquidation judiciaire spéciale de plein droit qui ne prévoit pas d'extension de la procédure dans sa phase de procédure spéciale en revanche, la liquidation peut se poursuivre sous le régime de droit commun conformément à l'article L326-1 1 du Code des assurances.
Le point de départ de la prescription alléguée concernant l'action en extension est donc nécessairement le jugement du tribunal de commerce de Foix du 4 août 2003 qui a étendu les opérations sous le régime de la liquidation judiciaire de droit commun, décision confirmée par la cour d'appel de Toulouse par arrêt du 12 octobre2004.
L'assignation de Me X..., es qualité, a été délivrée le 29 août 2004, la prescription décennale de l'action engagée n'était donc pas acquise. Il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée : Me Z..., es qualité, soulève l'autorité de la chose jugée relative d'une part, à l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 28juillet1993 en ce qu'il a rejeté l'action en extension à la société PME GESTION de la procédure de liquidation judiciaire de la société PME ASSURANCES et d'autre part, à l'arrêt de la dite cour d'appel du 21 mai 2003 en ce qu'il a rejeté l'action tendant à faire déclarer fictive notamment la société PME GESTION. Il convient d'écarter la première fin de non recevoir.
En effet, la cour d'appel a mentionné dans le dispositif de son arrêt du 28 juillet 1993 : « dit que, pour les causes sus énoncées, l'extension de la procédure de liquidation spéciale judiciaire de la société PME ASSURANCES à la société PME GESTION ne peut être, en l'état prononcée ». Elle a statué dans le cadre des dispositions de la liquidation judiciaire spéciale régie par le Code des assurances pour déclarer l'action en extension de la procédure de liquidation irrecevable et donc, en outre, sans se prononcer sur les critères de fond. L'action soumise à l'examen de la cour relève du régime de la loi du 25 janvier 1985. La cour ne peut que constater qu'il n'y a donc pas identité de cause.
Concernant la seconde fin de non recevoir liée à la portée de l'arrêt du 21 mai 2003 qui statuait sur une action en dénonciation de fictivité relative à la société PME GESTION, les premiers juges, ont, à tort, relevé que la question de la flctivité de cette société avait été définitivement tranchée et écartée.
En effet, la cour en 2003 n'a statué que sur la fictivité de la société PME GESTION à la date de sa création sans analyser sa situation réelle jusqu'en 1992.
Elle s'est placée en 2003 dans le cadre de la liquidation spéciale de la société PME ASSURANCES régie par le Code des assurances et, par conséquent, en dehors de toute action en extension de la procédure de liquidation judiciaire au sens de l'ancien article L621-5 du Code de commerce, Il appartient désormais à la cour saisie d'une telle action d'analyser les critères de la fictivité de la société PME GESTION au sens de l'article sus mentionné sans restreindre son analyse à la date de création de la société. Le jugement attaqué doit être infirmé de ce chef et la seconde fin de non-recevoir doit être également rejetée.
Sur l'exception tirée du non-respect du délai raisonnable fondée sur l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et du citoyen :
La poursuite de la procédure de liquidation judiciaire de la société PME ASSURANCES sous le régime de la loi du 25 janvier 1985 a été prononcée le 4 août 2003. L'action en extension de la procédure de liquidation judiciaire à la société PME GESTION a été engagée le 29 août 2004 à défaut d'avoir pu la faire aboutir auprès des tribunaux préalablement et ce dès 1993. Le tribunal de commerce s'est, en définitive, prononcé le 8 novembre 2004. Avant de pouvoir examiner le fond des demandes, la cour a dû trancher des questions de procédure et notamment de recevabilité de l'appel en octobre 2006.
Il n'a donc pas été porté atteinte au principe du délai raisonnable, la durée de la procédure relevant de l'exercice normal par les parties de leurs droits.
Sur le fond
Sur le fondement de l'ancien article L621-5 du Code de commerce, l'action en extension de la procédure de liquidation judiciaire d'une personne morale peut être appliquée à une autre personne morale en cas de confusion de leurs patrimoines ou de fictivité de l'une d'entre elles. Il convient d'analyser les faits antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et il appartient à celui qui la sollicite de rapporter la preuve de la fictivité d'une société ou de la confusion des patrimoines.
En l'espèce, la cour doit examiner les questions de fictivité de la société PME GESTION et de confusion des patrimoines entre cette dernière et la société liquidée, la société PME ASSURANCES, avant le 23 décembre 1992 date de l'ordonnance du Président du tribunal de commerce en application de l'article L 326-2 du Code des assurances.
La fictivité d'une société est admise lorsque la société créée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales ne forme qu'une seule et même personne avec les dites personnes.
La confusion des patrimoines est caractérisée lorsque les éléments qui composent les patrimoines sont mêlés de telle façon qu'il n'est plus possible de distinguer ce qui est propre à chacun deux critères doivent être retenus la confusion des comptes et l'existence de flux financiers anormaux.
La confusion des patrimoines ne résulte pas de la simple identité des dirigeants, ni de l'enrichissement de l'un des groupements au détriment de l'autre ni de la communauté du siège social ou de la centralisation des moyens, cependant, ils n'en constituent pas moins des éléments propres à conforter ceux caractérisant les deux critères fondamentaux précités.
En l'espèce, Me X..., es qualité, évoque à l'appui de la demande d'extension de la procédure collective d'une part, J'existence de flux financiers anormaux entre les deux sociétés contrôlées par les époux A..., et d'autre part, la constitution d'une entité économique unique caractérisée par l'imbrication des contrats liant les deux sociétés et la gestion effective par la société PME ASSURANCES des contrats de franchise, activité principale de la société PME GESTION.
En appel, il fonde, essentiellement, son action sur la notion de confusion des patrimoines par l'existence de flux financiers anormaux : il dénonce l'existence des comptes courants mentionnés par le rapport de la commission de contrôle des assurances entre les deux sociétés et met en exergue notamment les mouvements financiers suivants :- l'émission d'un chèque d'un montant de 1. 600. 000F (soit environ 240. 000 euros) par la société PME ASSURANCES à la société PME GESTION le jour de la liquidation soit le 23 décembre 1992- et, quelques jours auparavant l'émission d'une facture parla société PME GESTION d'un montant de 5. 996. 175F (soit environ 999. 276 8 euros) adressée à la société PME ASSURANCES pour refacturation des prestations de personnel pour les exercices 1991 et 1992 en dehors de toute convention.

A l'appui de sa démonstration, Me X... produit le rapport de la commission de contrôle des assurances du 12 octobre2002 sur les comptes de la Cie Européenne d'investissement et les rapports particuliers d'octobre et novembre 1992 sur les sociétés PME ASSURANCES et PME GESTION et l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Toulouse du 22 octobre 1998. Il ressort de l'examen du rapport de la commission de contrôle des assurances concernant la société anonyme PME GESTION que cette dernière avait pour activité essentielle la gestion pour le compte des entreprises de transport public de voyageurs assurées auprès de l'entreprise d'assurances de ! a part des sinistres sous franchise, c'est-à-dire de la part du risque non couvert par la société PME ASSURANCES. Elle percevait des entreprises assurées un dépôt 92i au montant de la franchise annuelle et des honoraires de gestion supportant la TVA. Le rapport précise : « la division des tâches entre PME GESTION et PME ASSURANCES (gestion des sinistres sous franchise pour l'une, gestion des sinistres excédant la franchise pour l'autre) ne correspond pas à une réalité économique véritable il y a, pour ces deux entreprises communauté do locaux et de personne !, qu'il s'agisse du personnel de direction, du personnel comptable ou du personnel affecté à la gestion des sinistres. Toutefois, la répartition entre les deux entreprises du versement effectué par (‘ assuré a des incidences fiscales (régimes de taxes différents) et surtout juridiques (la part-hors honoraires de gestion-versée à PME GESTION étant contractuellement définie comme un découvert d'assurance, en cas de faillite du groupe ces sommes ne peuvent être réglées parle Fonds de Garantie pour le compte des assurés, qui dispose dès lors après paiement d'un recours subrogatoire à leur encontre) ». Le rapport souligne, par ailleurs, qu'en décembre 1990, la société PME GESTION a bénéficié de l'apport de l'activité de marchand de biens par la société PME INVESTISSEMENT, apport dont le rapport préconise de faire vérifier la valeur réelle. Chargée d'évaluer la situation de PME GESTION et sa capacité à recapitaliser la société PME ASSURANCES, la commission de contrôle souligne que : « les ressources de PME GES TON sont essentiellement constituées des dépôts versés par les entreprises assurées, en garantie du bon règlement par PME GESTION des sinistres. Il apparaît que les sommes confiées, au lieu d'être placées en valeurs sûres qui eussent effectivement garanti le bon règlement des sinistres, et donc l'exécution loyale et de bonne foi des contrats passés entre PME GESTION et les entreprises assurées, ont été au contraire, en violation des stipulations contractuelles passées entre PME GESTION et les entreprises assurées, employées à financer une opération spéculative en Espagne, via des emprunts en compte courant consentis aux sociétés actionnaires opération spéculative dont l'issue s'est finalement révélée désastreuse ». Le rapport mentionne l'existence au bilan de la société PME GESTION de comptes courants débiteurs au 31 décembre 1991 de 1O O7MF au profit des sociétés actionnaires (Cie Européenne d'investissements, Laffite Expansion et PME Investissement) et 2, 14MF au profit de la société PME ASSURANCES et au 31 décembre 1992, de 12, 07 ME au profit des sociétés actionnaires et de 7, 27MF au profit de PME ASSURANCES. Le rapport souligne également que les comptes du 31 décembre 1991 n'ont pas été certifiés par le commissaire aux comptes ni approuvés par l'assemblée générale annuelle qui a été reportée d'une année. Enfin, il indique que le fonds de commerce de la société PME GESTION provient essentiellement de son activité de gestionnaire des sinistres assurés par la société PME ASSURANCES. Cette activité ne constitue donc pas une activité autonome et il conteste sa prise en compte à l'actif du bilan sans amortissement intégral. En définitive, le rapport rectifiait la situation nette réelle du bilan au 31 décembre 1991 de 14, 7MF à 3, 6MF et ce sous réserve de la valeur réelle des actifs immobiliers.
Il ressort de ce rapport que les activités des sociétés PME ASSURANCES et PME GESTION étaient liées et interdépendantes avec mise en commun de leurs moyens de gestion, que La valorisation des actifs de la société PME GESTION était incertaine et que es fonds remis par les assurés ont été, en violation du contrat souscrit par chaque assuré, utilisés à des opérations spéculatives en faveur de la seule PME ASSURANCES qui se sont avérées désastreuses en Espagne concernant le rachat d'une compagnie d'assurance espagnole « Reunion grupo de Seguraos y reaseguros SA ». Si l'examen dudit rapport ne permet donc pas d'établir la fictivité de la société PME GESTION, il démontre l'existence de flux financiers anormaux entre les sociétés PME ASSURANCES et PME GESTION par la mise en place de comptes courants débiteurs qui sont en euxmêmes anormaux et qui atteignent une proportion non négligeable puisqu'au 31 décembre 1992, le compte courant débiteur de PME ASSURANCES avait fortement augmenté et représentait 7, 27 MF sur un montant total d'actifs de 47, 49 ME soit environ 1 / 7ème des actifs. L'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Toulouse du 22 octobre 1998 définitivement rendu établit que les époux A... étaient largement majoritaires dans toutes les sociétés du groupe et occupaient les fonctions de direction, Jean-Jacques A... comme président du conseil d'administration et Nicole B... son épouse comme administrateur et directeur général. L'arrêt ajoute : « ils détiennent le contrôle absolu du groupe de sociétés ; les participations de tiers sont négligeables. De fait, ils disposent d'un pouvoir absolu. En fait l'activité économique est concentrée sur les deux : sociétés PME ASSURANCES et PME GESTION, qui constituent sans conteste une entité économique » en donnant les caractéristiques suivantes : produit unique, personnel commun, locaux communs, moyens techniques et clients communs. Si l'arrêt précise également que : « la distinction entre les deux sociétés n'est devenue effective qu'à partir du retrait d'agrément à la société PME ASSURANCES et de sa mise en liquidation judiciaire, tandis que PME GESTION demeurait « in boni » », il n'en établit pas pour autant la fictivité de la société PME GESTION mais démontre l'imbrication des activités et des moyens des deux sociétés.
Se fondant notamment sur l'analyse de l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Toulouse du précité, les premiers juges ont, par des motifs précis et pertinents que la cour adopte, démontré, en particulier, l'imbrication des contrats souscrits par les assurés auprès des sociétés PME ASSURANCES et PME GESTION et précisé qu'à compter du 1er janvier 1991, sur demande expresse de la commission des contrôle des assurances, la société PME ASSURANCES devait régler les sinistres dès le premier franc aux assurés à charge pour elle de se retourner vers la société PME GESTION pour recouvrer le montant de la franchise et, en contrepartie du règlement des sinistres, la société PME GESTION devait reverser la totalité des dépôts des clients à la société PME ASSURANCES. Or, comme l'a relevé l'arrêt précité de la cour d'appel de Toulouse du 22 octobre 1996, l'expertise judiciaire a révélé que la société PME GESTION n'avait pas reversé la totalité des fonds et qu'au 31 décembre 1992, l'insuffisance de reversements atteignait le montant très significatif de 10. 552. 000F. C'est donc, à bon droit, que les premiers juges ont qualifié cette rétention de fonds par la société PME GESTION dus à la société PME ASSURANCES de flux financier anormal, démontrant qu'au-delà de leurs formes juridiques distinctes, elles ne constituaient en réalité qu'une seule entité économique comme l'ont relevé les juges répressifs ; Au-delà de la caractérisation d'un tel flux financier, d'autres mouvements financiers anormaux peuvent également être mis en évidence. L'importance significative de l'ensemble de ces flux démontre en définitive l'imbrication des comptabilités des sociétés PME ASSURANCES et F'ME GESTION voire leur confusion. En effet, il ressort du même arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Toulouse du 22octobre 1998 que le chèque de 1. 600. 000F, d'un montant important et non causé, a été antidaté au 31 octobre 1992 alors qu'il a été émis par la société PME ASSURANCES au profit de la société PME GESTION le jour de la liquidation de la société PME ASSURANCES sur instruction de Jean-Jacques A..., pour favoriser la société PME GESTION « in boni » lors que la société PME ASSURANCES venait d'être placée en liquidation, ces faits constituant des abus de biens sociaux à l'encontre du dirigeant de la société liquidée.
Par ailleurs, l'arrêt établit également que la facture d'un montant de 5. 996. 175F émise par la société PME GESTION le 19décembre 1992 pour refacturation de prestations de personnel relative à l'exercice 1991-1992 à la société PME ASSURANCES constitue un abus de confiance et la convention du 2 janvier 1991 qui devait lui servir de fondement juridique constitue un faux. Après lecture des expertises judiciaires, la cour a pu ainsi démontrer qu'il était inconcevable de refacturer les frais de personnel sans un partage de la rémunération de PME GESTION (cf. page 20 de l'arrêt) " il ne peut être utilement soutenu que PME GESTION, qui bénéficie de la clientèle de PME ASSURANCES, laquelle effectue pour son compte Je règlement partir de janvier 1992 de ses dossiers et litiges, d'une part facture de celle-ci (facture du 19 décembre 1992) 100 % des frais de personnel (excepté le personnel comptable), d'autre part perçoive la totalité des rémunérations. PME GESTION avait d'autres activités, marchand de biens, et l'on s'interroge sur les moyens qu'elle employait pour les exercer En toute hypothèse, une des propositions est exclusive de l'autre. Si PME ASSURANCES exécute le travail normalement dévolu à PME GESTION, ce ne peut être qu'avec le personnel mis à sa disposition par celle-ci ; si elle doit payer ce personnel, ce ne peut être qu'en percevant la rémunération au moins partielle que percevait PME GESTION lorsqu'elle s'acquittait de l'exécution de ses fonctions ".
II est ainsi établi l'existence de flux financiers anormaux d'un montant très significatif entre les sociétés PME ASSURANCES et PME GESTION (existence de comptes courant débiteurs, rétention anormale de fonds dus par la société PME GESTION ou encore refacturation indue de frais de personnel par la société PME GESTION) et ce, notamment dans l'année qui a précédé la liquidation judiciaire de la première société. Ces mouvements doivent, en outre, être analysés dans un contexte particulier d'activité d'assurances dans laquelle les fonds remis par les assurés de la société PME ASSURANCES avaient été en partie détournés par la société PME GESTION, sous l'égide des dirigeants communs aux deux sociétés, et à l'occasion d'une opération spéculative en violation des contrats d'assurance souscrits.
Le critère de la confusion des patrimoines des deux sociétés, condition nécessaire et suffisante de l'extension de la procédure collective au sens de l'ancien L. 621-5 du Code de commerce, est donc établi, Il convient de confirmer le jugement attaqué de ce chef ».
Alors que l'article L. 326-11 du Code des assurances, alors en vigueur, ne permet, après clôture de la procédure de liquidation spéciale d'une société d'assurances, que la poursuite des opérations de liquidation dans les conditions prévues par la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il en résulte que le juge saisi de la seule poursuite des opérations de liquidation d'une société d'assurances ne saurait étendre la procédure de liquidation judiciaire à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines ; que dès lors, la Cour d'appel, en procédant à l'extension de la procédure judiciaire de la société PME ASSURANCES à la société PME GESTION, a violé l'article L. 326-11 du Code de commerce alors en vigueur, ensemble l'article L. 621-5 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause.
Alors subsidiairement de deuxième part que selon l'article L. 326-11 du Code des assurances alors en vigueur, après clôture de la liquidation spéciale d'une compagnie d'assurances, les opérations de liquidation peuvent être poursuivies dans les conditions prévues par la loi du 25 janvier 1985 ; que la Cour d'appel, en considérant que le point de départ de la prescription concernant l'action en extension de la liquidation judiciaire devait seulement être fixé au jour du jugement qui poursuivait les opérations de liquidation judiciaire sous le régime de droit commun, cependant qu'il s'agissait d'une seule et même procédure judiciaire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 2270-1 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.
Alors subsidiairement de troisième part que l'article L. 326-11 du Code des assurances organise la poursuite d'une seule et même procédure judiciaire sous le régime de la loi du 25 janvier 1985 ; que la Cour d'appel, pour décider qu'il n'avait pas été porté atteinte au délai raisonnable du procès, a considéré que l'action en extension n'avait pu être engagée qu'avec succès le 29 août 2004 à défaut d'avoir pu la faire aboutir auprès des tribunaux préalablement et ce dès 1993 ; que dès lors, la Cour d'appel, qui constatait que l'action en extension de la liquidation judiciaire contre la société PME GESTION avait été exercée avant 1993 et que l'extension n'avait été définitivement prononcée que le 14 octobre 2008, soit plus de quinze ans après, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant le texte susvisé, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales.
Alors subsidiairement de quatrième part que le justiciable doit présenter, dès la première instance, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande et qu'il n'est dès lors plus recevable à présenter une nouvelle demande qui serait fondée sur les mêmes faits et qui aurait un autre fondement juridique ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, pour considérer que la demande d'extension de la procédure collective n'était pas mise en échec par l'autorité de la chose jugée, a considéré que cette demande, si elle avait été effectivement formulée dans le cadre d'une instance précédente, ne l'avait été que sur le fondement du Code des assurances et non sur le fondement du droit commun des procédures collectives ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil.
Alors subsidiairement de cinquième part que l'arrêt du 20 mai 2003 a jugé que le tribunal a justement considéré que la fictivité pouvait découler, en cours de vie sociale, de la confusion des patrimoines, et ce en application du droit commun et sans qu'il soit nécessaire de recourir à la loi de 1985. La jurisprudence considère que cette confusion résulte de l'imbrication des contrats passées entre les sociétés commerciales, de l'enchevêtrement des éléments du patrimoine et de l'imbrication des flux financiers (Arrêt du 21 mai 2003, p. 6, dernier §) ; que dès lors, en considérant que l'existence d'une confusion des patrimoines entre les sociétés PME ASSURANCES et PME GESTION n'était pas frappée par l'autorité de la chose jugée en que l'arrêt du 20 mai 2003 n'avait fait que statuer sur la fictivité de la société PME GESTION à la date de sa création, sans se prononcer sur la confusion des patrimoines au cours de la vie sociale, la Cour d'appel a dénaturé ledit arrêt, violant ainsi l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-70369
Date de la décision : 26/01/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Société d'assurance - Retrait total d'agrément - Liquidation spéciale - Clôture - Poursuite de la liquidation sous le régime de droit commun - Effets - Détermination

ASSURANCE (règles générales) - Société d'assurance - Retrait total d'agrément - Liquidation spéciale - Clôture - Poursuite de la liquidation sous le régime de droit commun - Extension à une société tierce - Possibilité

Une procédure de liquidation spéciale ayant été ouverte en 1992, en application de l'article L. 326-2 du code des assurances dans sa rédaction alors applicable, à l'égard d'une société d'assurance après le retrait de son agrément administratif, et un jugement ayant, par application de l'article L. 326-11 du même code, prononcé la clôture de cette procédure et ordonné la poursuite de la liquidation dans les conditions de l'article L. 620-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, il en résulte l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire soumise aux dispositions du titre II du code de commerce dans la rédaction précitée, permettant au liquidateur judiciaire d'agir en extension de la liquidation judiciaire à une société tierce sur le fondement de l'article L. 621-5 du code précité. En conséquence, après avoir énoncé que la liquidation spéciale initialement ouverte à l'encontre de la société d'assurances ne permettait pas l'exercice de l'action en extension, une cour d'appel en déduit exactement que le point de départ de la prescription décennale de cette action doit être fixé au jour du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire permettant son exercice


Références :

articles L. 326-2 et L. 326-11 du code des assurances

articles L. 620-1 et L. 621-5 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 14 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jan. 2010, pourvoi n°08-70369, Bull. civ. 2010, IV, n° 16
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 16

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Bonhomme
Rapporteur ?: Mme Vaissette
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.70369
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