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26/01/2010 | FRANCE | N°08-44119

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 janvier 2010, 08-44119


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 19 juillet 1978 par la société Pierrel où elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable du service comptabilité, statut cadre ; que son contrat de travail a été transféré à la société Socopa Est, repreneur, dans le cadre d'un plan de cession homologué le 2 mai 2000 ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 2 mai 2002 ;
Attendu que pour débout

er la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 19 juillet 1978 par la société Pierrel où elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable du service comptabilité, statut cadre ; que son contrat de travail a été transféré à la société Socopa Est, repreneur, dans le cadre d'un plan de cession homologué le 2 mai 2000 ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 2 mai 2002 ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les difficultés économiques rencontrées par la société Pierrel sont établies par l'ouverture de la procédure collective rendue nécessaire par son endettement, de sorte que la société Socopa Est a été conduite, après la cession, à mettre en oeuvre, en vue de sauvegarder sa compétitivité, des mesures de réorganisation consistant notamment en un regroupement des services administratifs sur un site unique, qui ont eu pour conséquence la suppression de l'emploi de Mme X... ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui étaient inopérants dès lors que les difficultés économiques antérieures à l'ouverture de la procédure collective concernant une entreprise reprise dans le cadre d'un plan de cession n'impliquent pas en elles-mêmes une menace sur la compétitivité du cessionnaire, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, au moment du licenciement, la sauvegarde de la compétitivité de la société Socopa était menacée, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 10 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Socopa Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Socopa Est à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Christiane X... de sa demande de condamnation de la société SOCOPA EST au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
AUX MOTIFS QUE la société Socopa Est, par lettre de licenciement du 2 mai 2002, a justifié la mesure de licenciement ainsi qu'il suit : "…l'acquisition de la société Pierrel par Socopa Est a entraîné des modifications dans l'organisation puisque le site d'Eloyes est devenu un établissement de la société Socopa Est. En conséquence certaines fonctions ont été centralisées au niveau du siège à Mirecourt : établissement de la paie, comptabilité générale, suivi des comptes clients ... Au niveau comptable et dans le cadre de votre mission, vous aviez donc en charge la sortie des résultats hebdomadaires (marge, tonnage, frais variables, valorisation des stocks). Courant 2000, nous avons envisagé un recrutement sur le site d'Eloyes afin de renforcer l'équipe dans les domaines suivants : contrôle de gestion et gestion de production, ce qui n'était pas dans vos attributions. Compte tenu de la crise de la filière sur la fin de l'année 2000, le recrutement a été différé jusqu'au 31 juillet 2001, date à laquelle Monsieur Daniel Y... a été embauché en qualité de cadre administratif. En relation avec le responsable de site d'Eloyes et le responsable administratif et financier de Socopa Est, Monsieur Y... est chargé du contrôle de gestion, de la gestion de production et de la gestion des comptes clients (relances et litiges) et est votre responsable hiérarchique. A partir du mois d'octobre 2001, la comptabilité a été progressivement transférée sur le site de Socopa Villefranche. Au 1er janvier 2002, la direction a décidé de confirmer cette organisation. Fin 2001, il vous a été proposé le poste de gestionnaire des achats et réceptions extérieures, offre que vous avez refusée estimant que ce poste manquait d'intérêt. C'est pourquoi, dans le cadre de l'évolution administrative d'Eloyes, nous vous avons proposé un poste de responsable comptabilité matière dans les mêmes conditions en termes de qualification et de rémunération. Cette fonction vous a été définie dans une définition de fonction. Dans votre courrier du 26 mars 2002, vous avez refusé la proposition de reclassement au poste de responsable comptabilité matière sur le site d'Eloyes. Nous vous avons alors proposé deux postes de reclassement au-sein du groupe par courrier du 2 avril 2002, à savoir responsable comptabilité générale sur le site Socopa Le Neubourg 27110 Le Neubourg et comptable gestion matière sur le site Socopa Villefranche 03430 Villefranche d'Allier. Par courrier en date du 3 avril 2002, vous avez refusé ces deux propositions. Nous sommes donc bien en présence d'un licenciement prononcé pour un motif non inhérent à votre personne, résultant d'une suppression de votre poste sur le site d'Eloyes, consécutive à une réorganisation de l'entreprise décidée dans le but de sauvegarder sa compétitivité, étant précisé par ailleurs que vous avez systématiquement refusé les différentes propositions de reclassement qui vous ont été faites.» ; que Madame X... conteste le caractère économique de son licenciement en raison du non-respect des dispositions de l'article L 321-1-2 du code du travail qui fixe à un mois le délai de réflexion du salarié, délai pendant lequel l'employeur ne peut pas enclencher la procédure de licenciement ; qu'en l'espèce, la société Socopa Est a proposé le 20 mars 2002 à Madame X... un poste de responsable comptabilité matière et lui a laissé un délai d'un mois pour faire connaître sa réponse ; que celle-ci a refusé ce poste par lettre du 26 mars 2002 ; que par courrier en date du 2 avril 2002, la société Socopa Est a proposé deux autres postes et a laissé un délai de quinze jours à Madame X... pour donner sa réponse ; que celle-ci a refusé par lettre du 3 avril 2002 ; qu'il est reproché à la société Socopa Est d'avoir convoqué le 9 avri1 2002 Madame X... à l'entretien préalable en vue de son licenciement prévu le 16 avril 2002, sans respecter le délai d'un mois fixé par l'article L 321-1-2 du code du travail ; que cependant, cet article s'applique lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail ; qu'en l'espèce la modification du contrat de travail de Madame X... est envisagée dans le cadre de l'obligation de reclassement qui pèse sur la société Socopa Est ; que dès lors les dispositions de l'article L 321-1-2 du code du travail ne sont pas applicables ; que la société Socopa Est a acquis l'entreprise Pierrel dans le cadre d'un plan de cession homologué par le Tribunal de Commerce d'Epinal ; que cette reprise par la société Socopa Est a entraîné des modifications dans l'organisation de l'entreprise, notamment une évolution des services administratifs ; que la société Socopa Est, qui a acquis l'entreprise Pierrel dans le cadre d'une procédure collective, a été amenée à envisager une réorganisation de celle-ci en vue d'assurer son redressement économique et son intégration dans le nouvel ensemble Socopa ; que cette réorganisation a conduit la société Socopa Est à regrouper et centraliser certaines fonctions, telles l'établissement de la paie, la comptabilité générale et le suivi des comptes clients ; que cette évolution a donc entraîné la suppression sur le site d'Eloyes du poste occupé par Madame X..., ses fonctions étant regroupées sur le site de Mirecourt, puis de Villefranche d'Allier ; que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que les difficultés économiques rencontrées par la société Pierrel ne sont pas contestables, puisque son endettement de 53 millions de francs l'a conduite au dépôt de bilan et à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire; que l'existence des difficultés économiques de cette entreprise a nécessité des mesures de redressement qui ont été mises en oeuvre par la société Socopa Est, bénéficiaire d'un plan de cession ; que, dans le cadre des mesures prises en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, la société Socopa Est a décidé de centraliser certaines fonctions exercées par Madame X... sur d'autres sites que celui d'Eloyes ; que celle-ci ne conteste pas cette situation, puisqu'elle prétend, dans sa lettre du 13 mars 2002, que son poste s'est trouvé progressivement vidé de sa substance ; qu'en conséquence, il convient de dire que les difficultés économiques résultant de la cession de la société Pierrel à la société Socopa Est ont justifié des mesures, qui ont entraîné la suppression du poste occupé par Madame X... ; que cependant Madame X... prétend que la société Socopa n'a mis en oeuvre que tardivement les mesures de réorganisation, ce qui démontre, selon elle, que cette restructuration n'était pas motivée par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; que la société Socopa Est déclare que Madame X... a continué à travailler sur la comptabilité de la société Pierrel en lien avec le mandataire judiciaire jusqu'à la clôture définitive des comptes et qu'elle a gardé la comptabilité des résultats hebdomadaires ; que dans sa lettre du 13 mars 2002, Madame X... explique que dès le début, l'autorité sur le service « administrations des ventes » lui a été retirée, puis, courant 2001, ce fut la mise à l'écart du projet du nouveau système informatique qu'elle suivait depuis juin 2000 ... et que, depuis quelques semaines, depuis la centralisation de la comptabilité sur le site de Villefranche d'Allier, elle constate à nouveau un retrait progressif de ses autres tâches ; que le fait que les mesures de réorganisation de l'entreprise aient été mises en oeuvre progressivement par la société Socopa Est, notamment le transfert à compter d'octobre 2001 du service de comptabilité sur le site de Villefranche d'Allier, ne remet pas en cause le caractère économique du licenciement de Madame X... (arrêt p. 3 à 6) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la réorganisation de l'entreprise ne peut constituer un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder sa compétitivité ; qu'en retenant, pour justifier le licenciement de Madame X..., qu'à la suite de la reprise de la société Pierrel, la société Socopa Est avait pris des mesures en vue de sauvegarder sa compétitivité, notamment en centralisant certaines fonctions exercées par Madame X... sur d'autres sites que celui d'ELOYES et que son poste avait été supprimé, sans préciser en quoi la compétitivité de la société Socopa Est était menacée, et en quoi les mesures prises étaient de nature à la sauvegarder, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1233-3 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en considérant, pour justifier le licenciement de Madame X..., que les difficultés économiques résultant de la cession de la société Pierrel à la société Socopa Est ont justifié des mesures qui ont entraîné la suppression de son poste, et ce alors qu'il était seulement fait état dans la lettre de licenciement de ce que la suppression du poste résultait d'une réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder sa compétitivité, et non pas de difficultés économiques de l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-16 du Code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE l'employeur ne peut engager une procédure de licenciement d'un salarié moins d'un mois après avoir proposé à ce dernier une modification d'un élément essentiel du contrat ; qu'en l'espèce, la société SOCOPA EST a engagé la procédure de licenciement de l'exposante moins d'un mois après lui avoir proposé des modifications de son contrat, par lettres du 20 mars 2002 puis du 2 avril suivant ; que pour admettre le bien-fondé du licenciement, la cour a retenu que ce délai ne devait pas être respecté lorsque la modification du contrat est envisagée dans le cadre de l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur ; que cependant, aucun des courriers précités de l'employeur n'évoquait un reclassement en vue d'éviter le licenciement de l'exposante résultant de la suppression de son poste ; que la cour d'appel a donc violé l'article L. 1222-6 du code du travail ;
ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, le délai d'un mois entre la proposition de modification du contrat et la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit être respecté même si la modification est 2 0 envisagée dans le cadre de l'obligation de reclassement incombant à l'employeur ; qu'en retenant la solution contraire, la cour a méconnu l'article L. 1222-6 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44119
Date de la décision : 26/01/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 10 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 jan. 2010, pourvoi n°08-44119


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44119
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