LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 13 février 2007), que Mme X..., qui avait été engagée le 1er janvier 1996 en qualité de technicienne rédactrice par la société ACA, a été licenciée le 31 octobre 2003 ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un fait relevant de la vie personnelle du salarié ne peut constituer une faute justifiant un licenciement ; d'où il résulte qu'en retenant comme faute son refus d'une invitation à déjeuner de son employeur, alors que le refus, fût-il sec, d'une invitation à déjeuner n'était pas intervenu dans le cadre de l'exécution du contrat de travail mais ressortait de sa vie personnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail ;
2°/ qu'en l'absence d'énonciation d'un motif précis, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; de sorte qu'en jugeant le licenciement justifié par le premier reproche, tiré d'un état d'esprit incompatible avec un travail d'équipe, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
3°/ que l'employeur ne peut prendre en considération, pour engager la procédure de licenciement pour faute, des faits remontant à plus de six mois ; qu'ainsi, dès lors que l'incident du 6 octobre 2003 n'était pas susceptible de justifier la mesure de licenciement, il ne saurait faire revivre le premier grief tiré d'un état d'esprit incompatible avec un travail d'équipe, correspondant à des faits commis plus de deux mois avant la convocation à l'entretien préalable ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement était justifié par ce reproche, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-4 et L. 1332-5 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a relevé que la salariée qui ne s'était pas bornée à refuser l'invitation de l'employeur à déjeuner avec d'autres membres du cabinet et lui-même, les avait quittés en claquant violemment la porte, a pu décider que ce comportement était fautif ;
Attendu, ensuite, d'une part, que la salariée qui a contesté devant la cour d'appel la réalité et le sérieux du motif de la lettre de licenciement lui reprochant un état d'esprit incompatible avec un travail en équipe à l'origine de difficultés relationnelles avec ses collègues de travail sans prétendre qu'un tel motif, en raison de son imprécision, équivalait à une absence de motif et ne pouvait fonder le licenciement, ne peut soutenir une thèse contraire devant la Cour de cassation ; d'autre part, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt qu'elle a soutenu devant la cour d'appel que les faits correspondant à ce motif avaient été commis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement et qu'ils ne pouvaient plus être pris en considération à défaut de leur poursuite ou de leur renouvellement dans ce délai ;
D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la salariée de sa demande tendant à voir condamner son employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE «sur l'état d'esprit»
«Il résulte des témoignages de collègues de travail que Madame Marie-France X... avait un comportement très lunatique et des réactions excessives la conduisant à un refus de collaboration, attitude qui pesait sur le quotidien de l'équipe ;
Monsieur Y... souligne le mauvais relationnel qu'elle entretenait avec ses clients, lesquels ne voulaient plus passer par elle et insiste sur l'absence de reconnaissance qu'elle avait à son égard lorsqu'il intervenait pour la défendre ou lorsqu'il effectuait une partie de son travail lors de ses arrêts de travail ;
La salariée prétend qu'elle faisait l'objet d'un rejet de la part de ses collègues et que, de plus, elle était surchargée de travail ;
Cependant, ces allégations ne sont corroborées que par ses propres courriers, en réponse aux lettres de l'employeur, et les attestations qu'elle produit à son dossier sont toutes relatives aux bons contacts qu'elle entretenait avec d'anciens collègues ou des interlocuteurs qui louent ses qualités professionnelles et relationnelles ;
Mais, il convient d'observer que les salariés témoignant en faveur de l'intéressée avaient quitté l'entreprise depuis plusieurs années au moment où les premiers reproches ont été formulés par l'employeur en 2001 ;
Il en est de même pour les employés d'autres compagnies d'assurance qui, soit situent leur collaboration en 1999-2000, soit ne donnent pas de période précise ;
De plus, ces pièces sont contredites par les témoins Hiegel, Alessandria et Vallier qui ont, en tant que clients, été amené à contacter la salariée pour le traitement de leur dossier, et qui décrivent la dégradation de leurs relations avec Madame Marie-France X... qui répondait de façon désagréable, parfois incorrecte, voire mettant fin à la conversation en raccrochant le téléphone ;
En conséquence, il convient de retenir que l'employeur justifie de ce premier reproche ;
«Sur l'incident du 6 octobre 2003»
Il est étayé par l'attestation de M. Z..., formateur ainsi que par une autre salariée qui a assisté à l'incident au cours duquel Madame Marie-France X..., invitée à se joindre à eux pour partager un déjeuner a répondu sèchement et a violemment claqué la porte au nez de ses interlocuteurs ;
Les formes adoptées pour ce refus constituent une réaction démesurée et en total irrespect de l'autorité hiérarchique, justifiant le grief même si, évidemment, l'intéressée avait le libre choix de déjeuner avec qui elle désirait, ainsi que le relèvent les premiers juges ;
Pour l'ensemble de ces motifs, il sera dit que les griefs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement sont parfaitement établis et servent de fondement à la mesure entreprise» ;
ALORS QUE un fait relevant de la vie personnelle du salarié ne peut constituer une faute justifiant son licenciement ;
D'où il résulte qu'en retenant comme faute le refus de la salariée d'une invitation à déjeuner de son employeur, lorsque le refus, fut-il sec, d'une invitation à déjeuner n'était pas intervenu dans le cadre de l'exécution du contrat de travail mais ressortait de la vie personnelle de la salariée, la Cour d'appel a violé les articles 9 du Code civil, L 122-14-3 du Code du travail, devenu l'article L 1235-1 du même Code, et l'article L 122-40 du Code du travail devenu l'article L 1331-1 du même Code ;
ALORS QU'EN OUTRE en l'absence d'énonciation d'un motif précis, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
De sorte qu'en jugeant le licenciement justifié par le premier reproche, tiré de l'état d'esprit de la salariée incompatible avec un travail d'équipe, la Cour d'appel a violé l'article L 122-14-2 du Code du travail, devenu l'article L 1232-6 du même Code ;
ALORS QU'ENFIN l'employeur ne peut prendre en considération, pour engager la procédure de licenciement pour faute, des faits remontant à plus de deux mois ;
Qu'ainsi, dès lors que l'incident du 6 octobre 2003 n'était pas susceptible de justifier la mesure de licenciement, il ne saurait faire revivre le premier grief, tiré de l'état d'esprit de la salariée incompatible avec un travail d'équipe, correspondant à des faits commis plus de deux mois avant la convocation à l'entretien préalable ; qu'en jugeant néanmoins que le licenciement était justifié par le premier reproche, la Cour d'appel a violé l'article L 122-44 du Code du travail, devenus les articles 1332-4 et 1332-5 du même code.