Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 2 juin 2009 qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 486, 510, 512, 591, 592 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué indique : composition de la cour, lors des débats et du délibéré, Président de chambre : M. Martin, conseillers : MM. Giordani, Planchette, greffier : Mme Toussaint-Antoine, adjoint administratif principal ayant prêté le serment de greffier, lors des débats, ministère public : M. Laumosne, substitut général, aux débats " ;
" alors que ni le représentant du ministère public ni le greffier ne peuvent être présents lors du délibéré ; que dès lors, l'arrêt attaqué qui énonce que, lors du délibéré, la cour était notamment composée du représentant du ministère public et du greffier, sans indiquer par ailleurs que seuls le président et les conseillers ont délibéré sur l'affaire, ni préciser que la cour a délibéré conformément à la loi, l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que lors des débats et du délibéré, la cour était composée de Gérard Martin, président, ainsi que de François Giordani et d'Eric Planchette, conseillers, et qu'étaient présents à l'audience des débats, d'une part, Philippe-Cédric Laumosne, substitut général, et, d'autre part, Chantal Toussaint-Antoine, adjoint administratif principal ayant prêté serment de greffier ;
D'où il suit que le moyen, qui soutient vainement que le représentant du ministère public et le greffier auraient assisté au délibéré, manque en fait ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-33-2 et 222-44 du code pénal, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable de harcèlement moral ;
" aux motifs qu'il résulte du grand nombre de témoignages recueillis, à l'exception de celui de M. Z..., qui s'est déclaré satisfait de son apprentissage, mais qui n'est pas significatif compte tenu de la multitude de témoignages contraires, et parce que le harcèlement s'exerce parfois plus électivement envers certains salariés, souvent les plus vulnérables, que Pierre X... a bien commis des agissements répétés ayant pour effet d'altérer la santé physique ou morale de nombre de ses salariés, ou de compromettre leur avenir professionnel ; qu'ainsi, notamment, il est établi que Pierre X..., de manière habituelle, s'adressait à ses employés en criant, se permettait des actes de violence physique, à type de claques, notamment derrière la tête, de cou serré, tiraillement d'oreille, nuque serrée, s'adressait à ses employés en des termes méprisants, injurieux, irrespectueux, avait envers certains des gestes ou des exigences humiliantes, s'immisçait dans la vie privée de certains employés, ou faisait des réflexions déplacées sur cette vie privée, se trouvait constamment et excessivement à regarder et contrôler le travail des employés, ce qui ne pouvait qu'être d'autant plus mal ressenti que Pierre X... criait et insultait, menaçait de compromettre l'avenir professionnel de ceux envers lesquels il était spécialement en colère, attitude particulièrement perturbante pour des jeunes insécurisés par la difficulté d'intégrer le marché du travail, faisait faire aux employés des heures de travail excédant largement leur contrat, au mépris de leur santé, et souvent sans même un repos minimum entre midi et deux heures, faisait faire à certains apprentis, parfois dans des proportions importantes, des tâches sans aucun rapport avec leur formation professionnelle, et plutôt au profit domestique de M. et Mme A... ; qu'il résulte des auditions que ces comportements se sont accentués en nombre et en intensité à compter de janvier 2006, car c'est la date à laquelle Virginie B..., trop perturbée, a commencé à en parler à son petit ami, et qu'Amandine C... situe en février l'aggravation de la situation préexistante, et qu'ils ont pris une ampleur encore nouvelle quelques semaines avant la plainte, à partir du moment où Pierre X..., compte tenu de l'amitié naissant entre Amandine C... et Virginie B..., a senti monter face à lui une opposition ; que c'est cette amplification soudaine qui les a révélés ; que, cependant, ces comportements remontent au moins à mai 2003, comme l'indique la citation, puisque les apprentis successivement entendus, qui ont été employés pour le premier en août 2002, et même 2001 pour Amandine C..., et qui se sont succédés depuis lors et jusqu'à la plainte en couvrant toute la période visée par la citation, ont confirmé que depuis l'origine les comportements critiqués existaient, même si c'était avec moins d'ampleur ; qu'il est intéressant de constater que les faits ainsi relatés ont été perçus par certains apprentis eux-mêmes, et par les tiers, comme du harcèlement moral, ainsi que l'atteste la teneur de l'arrêt de travail d'Amandine C..., de la déclaration de la mère de Virginie B..., de l'audition de Marie-Béatrice D..., de celle de Julien E... ; que de même, tous les salariés indiquent qu'ils ne supportaient plus de déjeuner comme c'était l'usage au restaurant avec Pierre X..., tous exprimant qu'ils « n'en pouvaient plus », ce qui atteste, ce qui est confirmé par les certificats médicaux remis, de la gravité de la situation, et de son caractère devenu insupportable, ce qui est la marque d'actes d'agression morale importants et répétés ; qu'il n'est pas contestable que les agissements de Pierre X..., ci-dessus énumérés, qui sont tous des agissements agressifs, humiliants, ou attentatoires aux droits au repos ou à la formation des apprentis, ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail, ont porté atteinte aux droits, mais surtout à la dignité d'Amandine C..., de Virginie B..., d'Arnaud F..., de Marie-Béatrice D..., de Damien G..., et même d'autres salariés, étaient susceptibles d'altérer leur santé physique ou mentale, ce qui suffit à caractériser l'infraction, et avaient même commencé à le faire, comme il est établi par l'audition de Mme B..., qui indique que sa fille pleurait en rentrant du restaurant, par le fait que lors de son audition sur les faits la jeune fille a fondu en larmes, par la teneur du certificat d'arrêt de travail de Virginie B..., délivré pour dépression ; que ces attitudes étaient par leur excès et leur répétition insusceptibles de se rattacher à une nécessité pédagogique, ni à des manquements commis par les apprentis, et qu'il se serait agi de réprimander ; que Pierre X... tente dans ses conclusions écrites et à l'audience de faire accroire qu'Amandine C... a bénéficié d'un excellent apprentissage, puisqu'elle est arrivée première à un concours sélectif, qu'il n'a fait dans les premiers temps que reprocher à Amandine C... d'avoir travaillé un jour chez un concurrent alors qu'elle s'était dite en arrêt de travail ; qu'il explique de même, que s'agissant de Virginie B..., il n'a fait que lui reprocher un retard, et lui imposer le port des vêtements prescrits par la réglementation professionnelle des salariés, tentant de focaliser l'attention sur un évènement unique de ses relations professionnelles avec Virginie B... ; qu'il fait valoir que ni Amandine C..., ni Virginie B... n'ont saisi le conseil des prud'hommes et que si Damien G... a échoué à son examen de cuisinier, c'est uniquement parce qu'il n'a pas obtenu l'examen théorique ; que le fait que certains reproches aient pu au cours des relations établies sur de nombreux mois être justifiés, que Damien G... n'ait pas échoué à son examen pratique, qu'Amandine C... se soit montrée brillante dans son cursus ultérieur, sont sans emport sur les constatations effectuées, dûment prouvées par les nombreux témoignages, qui ont existé bien avant la situation de crise des deux dernières semaines, et qui établissent la réalité du harcèlement moral reproché à Pierre X... ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré sur la culpabilité et de déclarer Pierre X... coupable de l'infraction prévue à la prévention " ;
" alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, aux termes de la citation du 26 novembre 2007 qui, reproduite par l'arrêt attaqué, fixe les limites de la prévention, il est reproché à Pierre X... d'avoir du 22 mai 2003 au 22 mai 2006 commis des faits constitutifs du délit de harcèlement moral ; que dès lors, en se déterminant par la circonstance que les faits litigieux ont notamment été commis en août 2002 et même en 2001, la cour d'appel, qui retient, à la charge du prévenu, des faits prétendument commis avant le 22 mai 2003, comme tels excédant les limites de la prévention, au demeurant prescrits, et sur lesquels il n'apparaît pas que l'intéressé ait accepté d'être jugé, a violé l'article 388 du code de procédure pénale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a déclaré Pierre X... coupable des seuls faits visés à la prévention, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Pierre X... devra payer à Damien G..., au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;