LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 267 et R. 267-1 du livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire en mars 2002, de la société X... (la société) qui était dirigée par M. X..., l'administration fiscale a assigné ce dernier, selon la procédure ordinaire, sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales (LPF), afin qu'il soit déclaré solidairement responsable du paiement des impôts dus par cette personne morale ; que cette demande a été accueillie par la cour d'appel ;
Attendu que pour décider que la procédure suivie par l'administration fiscale était régulière, l'arrêt retient que l'article 15 de la loi numéro 2005-842 du 26 juillet 2005 ayant abrogé l'article L. 266 du LPF, l'action engagée par l'administration fiscale ne pouvait plus l'être selon la procédure à jour fixe ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si la loi du 26 juillet 2005 a abrogé les articles L. 266 et R* 266 du LPF, la responsabilité des dirigeants peut être engagée sur le fondement des l'article L. 267 qui renvoie à l'article R. 267-1 nouvellement créé, pour l'application des règles de procédure et que cet article prévoit qu'en cas d'assignation prévue par le premier alinéa de l'article L. 267, le président du tribunal statue selon la procédure à jour fixe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne le comptable de la direction générale des impôts de Château-Thierry aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le comptable de la direction générale des impôts de Château-Thierry à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Tric, conseiller doyen, en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Tiffreau, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir « déclaré valide l'assignation délivrée selon la procédure de droit commun, par le comptable des impôts », « confirmé le bien fondé de la mise en oeuvre de la responsabilité de M. X... au sens des dispositions de l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales », « en conséquence, condamné Monsieur X... en application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, à payer solidairement avec la société X... la somme de 907.791,28 euros ».
AUX SEULS MOTIFS ADOPTES QUE « M. X... estime que la procédure utilisée par le comptable de la Direction Générale des Impôts de CHATEAU-THIERRY pour l'assignation n'est pas conforme aux dispositions légales, qu'il aurait du être assigné à jour fixe et non selon la procédure ordinaire. Cependant, l'article 15 de la loi numéro 2005-842 du 26 juillet 2005 a abrogé l'article L. 266 du Livre des procédures fiscales si bien que l'action engagée ne peut plus l'être selon la procédure à jour fixe. Ces dispositions spécifiques l'emportent sur toute autre disposition procédurale plus générale. En outre, M. X... n'invoque aucun grief et il est établi qu'il a pu largement assurer sa défense ».
ALORS QUE 1°) l'article 15 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 a créé un article R. 267-1 du Livre des procédures fiscales, qui énonce qu'« en cas d'assignation prévue par le premier alinéa de l'article L 267, le président du tribunal statue selon la procédure à jour fixe » ; qu'en l'espèce, il est constant que le comptable des impôts de CHATEAU-THIERRY a assigné, selon la procédure ordinaire, Monsieur X... par exploit du 3 octobre 2005 afin de le voir condamner, en application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ; que, par suite, cette assignation était irrégulière, dès lors qu'en application de l'article R. 267-1 du Livre des procédures fiscales, elle aurait du être opérée à jour fixe ; qu'en jugeant le contraire au motif que l'article « l'article 15 de la loi numéro 2005-842 du 26 juillet 2005 a abrogé l'article L. 266 du Livre des procédures fiscales si bien que l'action engagée ne peut plus l'être selon la procédure à jour fixe », la Cour a violé les dispositions susvisées par refus d'application.
ALORS QUE 2°) au soutien de sa demande, Monsieur X... faisait valoir, au terme d'une argumentation nourrie, que le recours à l'assignation selon la procédure ordinaire lui avait causé divers griefs ; que, par suite, en considérant que Monsieur X... n'aurait invoqué aucun grief, la Cour a dénaturé les écritures de ce dernier en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ayant « dit que la transaction n'a emporté aucune conséquence, puisqu'elle a été paralysée en raison de l'intervention de la SA X... auprès de la commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes sociaux et la saisine de la juridiction commerciale », ayant « confirmé le bien fondé de la mise en oeuvre de la responsabilité de M. X... au sens des dispositions de l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales et », « en conséquence, condamné Monsieur X... en application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, à payer solidairement avec la société X... la somme de 907.791,28 euros ».
AUX MOTIFS QU'« il résulte des faits et des documents versés aux débats que le 13 décembre 2001 une transaction a été conclue entre l'administration fiscale et la SA X... aux termes de laquelle l'administration fiscale renonçait à une partie des droits (57.312 euros sur 573.735 euros) et autorisait un règlement échelonné de 16.396 euros en 28 mensualités à compter du 30 septembre 2002. En application de cette transaction, un avis de recouvrement était adressé le 4 janvier 2002 à la société X... à la hauteur du passif arrêté par cette transaction, soit 516.423 euros. Toutefois, le 29 mars 2002 le tribunal de commerce de SOISSONS sur déclaration de cessation des paiements du 27 mars, déclarait la SA X... en itératif redressement judiciaire (la société étant sous l'effet d'un précédent redressement judiciaire ordonné le 6 juin 1997) et le 28 mars 2003 prononçait la cession des actifs de la société à une société RVM. L'état du passif était tel que le représentant des créanciers devait signifier à l'administration fiscale qu'elle ne pouvait rien recouvrer de sa créance. Dans ces conditions la Cour observe que cette itérative procédure collective a emporté ipso facto la résiliation de la transaction intervenue le 13 décembre 2001. Cette résiliation étant acquise au jour de l'acte introductif de la présente instance (3 octobre 2005), cette transaction n'est donc pas susceptible de constituer une fin de non-recevoir à l'action de l'administration ».
ALORS QUE dans ses ultimes conclusions récapitulatives d'appel (déposées le 19 octobre 2007, p. 18), M. X... faisait valoir que la transaction n'avait pas pu être résiliée du fait de l'ouverture, le 29 mars 2003, d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société X..., dès lors que l'annulation de cette transaction n'avait pas été requise et que cette transaction ne comportait aucune clause résolutoire en cas de survenance ultérieure d'une procédure collective ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir « confirmé le bien fondé de la mise en oeuvre de la responsabilité de M. X... au sens des dispositions de l'article L. 262 du Livre des procédures fiscales et d'avoir, en conséquence, condamné Monsieur X... en application de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, à payer solidairement avec la société X... la somme de 907.791,28 euros ».
AUX MOTIFS QUE « M. X... invoque que l'action de l'administration serait nulle parce que cette transaction n'aurait pas été accompagnée d'une information suffisante évoquant la possibilité de recherche de la responsabilité personnelle du dirigeant en cas de non-acquittement des échéances arrêtées. La Cour observe qu'alors même que la validité de cette transaction aurait été entachée par une insuffisance d'informations, ce qui n'est pas démontré, dès lors que cette transaction a été résiliée et n'est plus amenée à intervenir dans les relations des parties, cette circonstance est sans incidence sur la validité de l'action de l'administration ».
ALORS QU'aux termes de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, tout intéressé est fondé à se prévaloir à l'encontre de l'administration des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 7 juillet 1978 lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements ; qu'en outre, il résulte d'une instruction administrative du 6 septembre 1988 relative aux conditions de mise en oeuvre des actions prévues aux articles L 266 et L 267 du Livre des procédures fiscales, publiée au Bulletin Officiel des Impôts (BOI) 12 C-20-88, que le comptable public qui accorde à une société un plan de règlement ne peut, si ce plan n'est pas respecté, poursuivre son dirigeant en paiement solidaire de sa dette que s'il l'a informé qu'il serait amené à engager sa responsabilité dans un tel cas ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen tiré de l'absence d'information du dirigeant sur le risque de mise en oeuvre des dispositions des articles L. 267 du Livre des procédures fiscales à défaut de respect du plan de règlement la Cour se borne à relever que ce plan n'avait pas été respecté et qu'il n'était pas établi un manque d'information quelconque de l'administration fiscale ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, en décembre 2001, le receveur avait effectivement prévenu Monsieur X... qu'il serait amené à le poursuivre en paiement à défaut de respect du plan de règlement qu'il accordait à la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés.