LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 septembre 2008) qu'à la suite de la dissolution de l'association Centre d'action roannais municipal, qui assurait cette mission et employait Mme X..., la commune de Roanne a chargé la Fédération Léo Lagrange (la fédération) d'une mission d'assistance technique au développement de l'animation sociale dans les quartiers, qui comprenait quatre secteurs d'activité, dont celui des jeunes adultes, faisant intervenir le bureau d'information jeunesse et des points d'information jeunesse ; qu'à compter du 1er janvier 2004, la ville de Roanne a décidé de diviser cette activité d'animation en quatre lots, faisant chacun l'objet d'un marché distinct ; que le lot portant sur l'animation d'une démarche d'accompagnement à l'insertion professionnelle des jeunes et comprenant le bureau d'information jeunesse dont Mme X... assurait la direction, a été attribué à Mme Y..., à laquelle s'est substituée la société Genesis, la fédération étant pour sa part chargée d'assurer une activité d'animation pour les jeunes d'un quartier de la ville ; que Mme X... exerçant un mandat de déléguée du personnel, la fédération a demandé à l'administration du travail l'autorisation de transférer son contrat de travail à Mme Y... ; que, saisi d'un recours contre une décision du ministre du travail qui annulait la décision de l'inspecteur du travail ayant refusé d'autoriser ce transfert, le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur l'application des dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail, devenu l'article L. 1224-1 de ce code ;
Attendu que la fédération fait grief à l'arrêt de juger que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies et de rejeter sa demande tendant à obtenir la condamnation de Mme Y... au remboursement de salaires et de charges sociales, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à rechercher si le bureau information jeunesse où travaillait la salariée constituait une entité économique autonome, au lieu de prendre en compte l'ensemble de l'activité transférée, à savoir le lot n° 3 "animation d'une démarche d'accompagnement à l'insertion socioprofessionnelle des jeunes 18-25 ans", qui selon ses propres constatations, correspondait à une fraction de la mission initiale octroyée précédemment à l'établissement régional Léo Z..., la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article L. 122-12, alinéa 2, ancien devenu L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que la Fédération Léo Lagrange faisait valoir dans ses conclusions que tel était le cas du lot n° 3 qui disposait de locaux et autres moyens matériels de fonctionnement, d'un budget spécifique, de salariés propres et d'un objectif bien défini ; qu'en s'abstenant de vérifier si ces éléments n'étaient pas constitutifs d'une entité économique, la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article L. 122-12, alinéa 2, ancien devenu L. 1224-1 du code du travail ;
3°/ qu'une activité de service public à but non lucratif peut constituer une activité économique au sens de l'article L. 122-12, lorsque les autres éléments constitutifs de l'entité économique sont réunis ; que dès lors, en jugeant que "la fourniture gratuite d'informations ne peut s'analyser en une activité économique", la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, ancien devenu L. 1224-1 du code du travail ;
4°/ qu'une entité économique est transférée dès lors qu'elle conserve son identité et que l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'il suffit que l'activité poursuivie soit de même nature, sans être strictement identique ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que l'établissement Léo Z... avait, concernant "le secteur jeunes de 18 à 25 ans", "pour objectif prioritaire l'insertion sociale ou professionnelle et que cet objectif devait être réalisé à partir de trois axes : les points information jeunesse, les chantiers d'insertion ou d'utilité sociale, les activités de loisirs" et que le lot n° 3 confié au Cabinet Genesis concernait l'"animation d'une démarche d'accompagnement à l'insertion socioprofessionnelle des jeunes 18-25 ans" ; qu'en considérant qu'il n'y avait pas eu transfert, au motif que la mission de "tenue du bureau information jeunesse" confiée au Cabinet Genesis s'inscrivait dans un "projet d'insertion socioprofessionnelle" différent de celui confié auparavant à l'établissement régional Léo Z..., défini comme "un système organisant une pluralité de moyens", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 122-12, alinéa 2 ancien, devenu L. 1224-1 du code du travail ;
5°/ qu'il appartient au juge de rechercher les activités réellement exercées par les prestataires de service, sans s'arrêter aux termes employés dans les cahiers des charges de marchés publics, basés sur les choix politiques de communication du moment ; qu'en se bornant à citer le nom des missions tel qu'inscrits dans ces documents, et alors même que l'établissement Léo Z... faisait valoir qu'il effectuait, avant transfert, toutes les tâches comprises dans le lot n° 3, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-12, alinéa 2 ancien, devenu L. 1224-1 nouveau du code du travail, ensemble de l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que les diverses activités d'animation et d'information comprises dans le marché conclu avec Mme Y..., à la suite de la subdivision du service antérieurement géré par la fédération, ne relevaient pas d'une structure autonome ; qu'elle en a exactement déduit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, que l'article L. 1224-1 du code du travail n'était pas applicable à Mme X... ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Fédération nationale Léo Lagrange aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Fédération nationale Léo Lagrange à payer à Mme Y... et à Mme X... chacune la somme de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Bailly, président et Mme Piquot, greffier de chambre, lors de la mise à disposition de l'arrêt, en l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la Fédération nationale Léo Lagrange.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR jugé que les conditions de transfert du contrat de travail de Janine X... de la Fédération nationale Léo Lagrange à la SARL Genesis telles qu'elles résultent des dispositions de l'article L.122-12 ancien du Code du travail ne sont pas remplies et D'AVOIR en conséquence, débouté la Fédération nationale Léo Lagrange de sa demande tendant à la condamnation de Martine Y... à lui rembourser le montant des salaires, accessoires et charges sociales afférentes versées au profit de Janine X..., outre intérêts au taux légal ;
AUX MOTIFS QU'en vertu du contrat de marché passé entre la ville de Roanne et la Fédération nationale Léo Lagrange, la première confiait à la seconde un rôle d'assistance technique au développement de l'animation sociale dans les quartiers ; … ; que le contrat stipulait que le secteur jeunes de 18 à 25 ans avait pour objectif prioritaire l'insertion sociale ou professionnelle et que cet objectif devait être réalisé à partir de trois axes : les points information jeunesse, les chantiers d'insertion ou d'utilité sociale, les activités de loisirs ; qu'au 1er janvier 2004, la ville de Roanne a divisé le contrat initial en quatre lots et a attribué au cabinet Genesis, devenu SARL Genesis, le lot n°3 intitulé « animation d'une démarche d'accompagnement à l'insertion socio-professionnelle des jeunes 18-25 ans » ; que le contrat de marché relatif à ce lot n°3 exigeait trois prestations : l'animation d'un lieu d'accueil informel dit « espace rencontre », l'animation du bureau information jeunesse et de ses deux antennes, les points information jeunesse et la mise en place d'actions de type chantiers écoles ; qu'il s'évince des nombreuses subdivisions opérées par le premier contrat de marché passé avec la Fédération nationale Léo Lagrange que la tenue du bureau information jeunesse ne constituait pas une entité propre et s'inscrivait dans un système organisant une pluralité de moyens ; que le second contrat de marché conclu avec la SARL Genesis ne conférait pas à la tenue du bureau information jeunesse le statut d'activité autonome et l'intégrait dans un projet d'insertion socioprofessionnelle ; qu'enfin la fourniture gratuite d'informations ne peut s'analyser en une activité économique ; qu'ainsi la tenue du bureau information jeunesse était l'un des différents moyens permettant de poursuivre une action à visée sociale ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en se bornant à rechercher si le bureau information jeunesse où travaillait la salariée constituait une entité économique autonome, au lieu de prendre en compte l'ensemble de l'activité transférée, à savoir le lot n°3 « animation d'une démarche d'accompagnement à l'insertion socioprofessionnelle des jeunes 18-25 ans », qui selon ses propres constatations, correspondait à une fraction de la mission initiale octroyée précédemment à l'établissement régional Léo Z..., la Cour d'appel a méconnu son office et violé l'article L.122-12 alinéa 2 ancien devenu L.1224-1 nouveau du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que la Fédération Léo Lagrange faisait valoir dans ses conclusions que tel était le cas du lot n°3 qui disposait de locaux et autres moyens matériels de fonctionnement, d'un budget spécifique, de salariés propres et d'un objectif bien défini ; qu'en s'abstenant de vérifier si ces éléments n'étaient pas constitutifs d'une entité économique, la Cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article L.122-12 alinéa 2 ancien devenu L.1224-1 nouveau du Code du travail ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'une activité de service public à but non lucratif peut constituer une activité économique au sens de l'article L.122-12, lorsque les autres éléments constitutifs de l'entité économique sont réunis ; que dès lors, en jugeant que « la fourniture gratuite d'informations ne peut s'analyser en une activité économique », la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L.122-12 alinéa 2 ancien devenu L.1224-1 nouveau du Code du travail ;
ALORS, EN OUTRE, QU'une entité économique est transférée dès lors qu'elle conserve son identité et que l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'il suffit que l'activité poursuivie soit de même nature, sans être strictement identique ; qu'il résulte des constatations de la Cour d'appel que l'établissement Léo Z... avait, concernant « le secteur jeunes de 18 à 25 ans », « pour objectif prioritaire l'insertion sociale ou professionnelle et que cet objectif devait être réalisé à partir de trois axes : les points information jeunesse, les chantiers d'insertion ou d'utilité sociale, les activités de loisirs » et que le lot n°3 confié au Cabinet Genesis concernait l'«animation d'une démarche d'accompagnement à l'insertion socioprofessionnelle des jeunes 18-25 ans » ; qu'en considérant qu'il n'y avait pas eu transfert, au motif que la mission de « tenue du bureau information jeunesse » confiée au Cabinet Genesis s'inscrivait dans un « projet d'insertion socioprofessionnelle » différent de celui confié auparavant à l'établissement régional Léo Z..., défini comme « un système organisant une pluralité de moyens », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.122-12 alinéa 2 ancien devenu L.1224-1 nouveau du Code du travail ;
ALORS ENFIN QU'il appartient au juge de rechercher les activités réellement exercées par les prestataires de service, sans s'arrêter aux termes employés par les parties, notamment dans les cahiers des charges de marchés publics, basés sur les choix politiques de communication du moment ; qu'en se bornant à se référer aux intitulés des missions tel qu'inscrits dans ces documents, et alors même que l'établissement Léo Z... faisait valoir qu'il effectuait, avant transfert, toutes les tâches comprises dans le lot n°3, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.122-12 alinéa 2 ancien devenu L.1224-1 nouveau du Code du travail, ensemble de l'article 12 du Code de procédure civile.