LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 16 du code de procédure civile et 1134 du code civil ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCP Silvestri et Baujet (la SCP) a été nommée représentant des créanciers dans la procédure de redressement judiciaire de la société X... ouverte par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 27 novembre 1996 ; que l'expert désigné par le juge-commissaire a conclu que la cessation des paiements, qui aurait pu intervenir dès le troisième trimestre 1994, n'avait été évitée que grâce à l'utilisation de moyens de financement illicites ; que par jugement du 13 septembre 2000, le tribunal a prononcé la résolution du plan de continuation arrêté le 15 avril 1998 et a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, nommant la SCP en qualité de liquidateur ; que, parallèlement, le tribunal correctionnel de Bordeaux a condamné Mme Y..., comptable, du chef d'escroquerie et M. X..., président directeur général de la société, du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux ; que par acte du 2 février 1998, la SCP, ès qualités, a assigné M. A..., commissaire aux comptes de la société, sur le fondement de l'article 234 de la loi du 24 juillet 1966, en responsabilité professionnelle et en paiement d'une indemnité de 20 000 000 francs ; que M. X... est intervenu volontairement à cette instance ; que par acte du 24 octobre 2001, la SCP, en qualité de liquidateur de la société, a assigné M. Z..., expert-comptable de la société en responsabilité professionnelle et en paiement d'une indemnité de 20 000 000 francs ; que la jonction des deux instances a été ordonnée ;
Attendu que pour débouter la SCP de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt énonce que si le bordereau des pièces communiquées joint à ses conclusions fait apparaître en pièce n° 1 : situation active et passive de la société X..., il n'a pas été possible, malgré une étude très attentive, de découvrir cette pièce dans les volumineux dossiers qu'elle a remis à la cour d'appel ; que par contre, il a été possible de découvrir un état des créances déclarées daté du mois de mai 2005, pièce ne figurant pas dans ce bordereau ; qu'il existe une estimation des actifs, matériels et immobiliers de la société en 1996 ; qu'il n'a pas été possible de découvrir le moindre document attestant de la somme obtenue grâce à la réalisation de l'ensemble des actifs de l'entreprise ; qu'ainsi, les appelants ne pouvant être condamnés qu'à supporter le préjudice effectivement subi par l'entreprise ou par ses créanciers devant la carence du mandataire liquidateur à rapporter la preuve qui lui incombe, la décision doit être réformée et la SCP doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part qu'il lui incombait d'inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de la pièce " situation active et passive de la société X... " qui figurait sur le bordereau de communication de pièces annexé aux dernières conclusions de la SCP, dont la communication n'avait pas été contestée, d'autre part, que l'état des créances du 3 mai 2005 figurait en pièce n° 213 sur le bordereau récapitulatif des pièces visé par le greffe de la cour d'appel le 5 août 2005, qui annulait et remplaçait celui annexé aux écritures du 9 février 2005, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce bordereau, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne MM. A..., Z... et X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. A..., Z... et X... ; les condamne, in solidum, à payer à la société Silvestri et Baujet, ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Silvestri et Baujet, ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé la décision déférée dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, débouté la SCP SILVESTRI BAUJET, ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'Attendu que quoiqu'il en soit la SCP Silvestri Baujet sollicite la condamnation des appelants à lui verser la somme de 2. 741. 206 euros.
Attendu que malgré les interrogations des appelants, elle n'a pas estimé nécessaire de justifier cette somme.
Attendu que de plus, si le bordereau des pièces versées aux débats joints à ses conclusions fait apparaître en n° 1 : situation active et passive de la SA X..., malgré une étude attentive il n'a pas été possible de découvrir cette pièce dans les volumineux dossiers qu'elle a remis à la Cour ;
Que, par contre, il a été possible de découvrir un état des créances déclarées daté du mois de mai 2005, pièce ne figurant pas dans ce bordereau ;
ALORS QUE le juge doit inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des pièces figurant au bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions d'une partie, et dont la communication n'a pas été contestée ; que pour juger que le préjudice n'était pas justifié et rejeter la demande de la SCP SILVESTRI BAUJET, la cour d'appel a relevé que la pièce intitulée « situation active et passive de la SA X... » figurant sur le bordereau des pièces et dont la communication n'avait pas été contestée, était absente du dossier ; qu'en statuant ainsi, sans avoir invité la SCP SILVESTRI BAUJET à s'expliquer sur l'absence de cette pièce, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
ALORS QUE l'état des créances du 3 mai 2005 figurait en pièce n° 213 sur le bordereau récapitulatif des pièces visé par le greffe de la cour d'appel de BORDEAUX le 5 août 2005, et qui annule et remplace celui annexé aux écritures du 9 février 2005 ; qu'en énonçant que l'état des créances déclarées daté du mois de mai 2005 ne figurait pas dans ce bordereau, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l'article 1134 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé la décision déférée dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, débouté la SCP SILVESTRI BAUJET, ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE quoiqu'il en soit la SCP Silvestri Baujet sollicite la condamnation des appelants à lui verser la somme de 2. 741. 206 euros.
Attendu que malgré les interrogations des appelants, elle n'a pas estimé nécessaire de justifier cette somme.
Attendu que de plus, si le bordereau des pièces versées aux débats joint à ses conclusions fait apparaître en n° 1 : situation active et passive de la SA X..., malgré une étude très attentive il n'a pas été possible de découvrir cette pièce dans les volumineux dossiers qu'elle a remis à la Cour ;
Que, par contre, il a été possible de découvrir un état des créances déclarées daté du mois de mai 2005, pièce ne figurant pas dans ce bordereau.
Attendu que s'il existe une estimation des actifs : matériels et immobiliers de la société en 1996 (la liquidation judiciaire de l'entreprise est en date du 13 septembre 2000, ce qui induit nécessairement une variation de cette valeur), il n'a pas été possible de découvrir le moindre document attestant de la somme obtenue grâce à la réalisation de l'ensemble des actifs de l'entreprise.
Attendu qu'ainsi les appelants ne pouvant être condamnés qu'à supporter le préjudice effectivement subi par l'entreprise ou par ses créanciers : montant du passif moins le montant des actifs réalisés, devant la carence du mandataire liquidateur à rapporter la preuve qui lui incombe, la décision doit être réformée et la SCP Silvestri Baujet, ès-qualités, doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes » ;
ALORS QUE le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il a constaté l'existence, en se fondant sur l'insuffisance de preuves ; qu'après avoir mentionné la règle de calcul à appliquer pour déterminer le montant préjudice, « montant du passif moins le montant des actifs réalisés », la cour d'appel ne pouvait refuser de calculer le préjudice, en se fondant sur l'insuffisance de preuves qui lui étaient fournies par la SCP SILVESTRI BAUJET, sans violer l'article 1382 du code civil.