LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 mai 2008) que Erwin X... est décédé le 10 avril 2001 ; qu'il avait, par testament, institué pour lui succéder son neveu M. Y... et l'épouse de ce dernier, Mme Z..., et désigné M. A... comme exécuteur testamentaire avec pour mandat de vendre sa maison de vacances située en France à Grimaud ; que par actes sous seing privé des 27 juillet et 3 septembre 2002 M. Y... a signé un avant contrat de vente de ce bien avec M. B... ; que l'acte authentique de vente n'ayant pas été signé, M. B... a assigné les époux Y... en réalisation forcée de la vente, ces derniers et M. A... assignant pour leur part M. B... en nullité de la promesse de vente ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux Y... et M. A... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. B..., alors, selon le moyen :
1° / que dans leurs conclusions déposées et signifiées le 14 mars 2008, les consorts Y...- A... demandaient à la cour d'appel de dire irrecevables les conclusions signifiées le 7 mars 2008 par M. B... qui ne respectaient pas les droits de la défense dès lors qu'elles avaient été prises à la veille des débats, après l'ordonnance de clôture intervenue le 3 mars 2008 et alors qu'aucune cause grave ne justifiait la révocation de cette ordonnance ; qu'en énonçant que les parties avaient demandé la révocation de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2° / que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; qu'en prononçant la révocation de l'ordonnance de clôture à l'audience des débats, sans relever l'existence d'une cause grave de révocation alors que les consorts Y...- A... s'y opposaient, la cour d'appel a, de surcroît, privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel ayant relevé qu'à l'audience du 17 mars 2008 les parties avaient demandé la révocation de l'ordonnance de clôture du 3 mars 2008, le moyen pris d'une dénaturation des conclusions du 14 mars 2008 est inopérant ;
Attendu, d'autre part, que les époux Y... et M. A... sont sans intérêt à critiquer la décision qui a prononcé la révocation sollicitée par toutes les parties ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les époux Y... et M. A... font grief à l'arrêt de déclarer la vente valable, alors, selon le moyen :
1° / qu'il résulte de la combinaison des articles 1006 et 1008 du code civil que le légataire universel est saisi de plein droit par la mort du testateur, en l'absence d'héritier réservataire, sauf dans le cas où le testament est olographe ou mystique ; dans ce dernier cas, le légataire universel doit préalablement se faire envoyer en possession ; qu'en faisant grief, en l'espèce, à Mme Y... de n'avoir pas demandé son envoi en possession tout en constatant que le seul héritier de M. X... était son neveu de sorte qu'il n'existait pas d'héritier réservataire et alors que le testament versé aux débats en date du 10 novembre 2000 avait été établi par un office notarial allemand ce qui n'était pas contesté, la cour d'appel a violé les textes précités, par fausse application ;
2° / qu'en tout état de cause, en statuant ainsi, sans constater que le testament était olographe ou mystique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1008 du code civil ;
3° / que la cession d'un bien indivis qui n'a pas été consentie par tous indivisaires n'est pas nulle mais simplement inopposable aux autres indivisaires, son efficacité étant subordonnée au résultat du partage ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande de voir dire qu'en l'absence de son consentement, l'avant contrat ne peut être réitéré en la forme authentique sans tenir compte de la qualité de propriétaire de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 815-3 et 883 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que M. Y..., neveu du défunt, s'était valablement présenté dans l'avant contrat comme vendeur propriétaire des biens, que son notaire avait validé cette présomption, que M. B... ne pouvait connaître les dispositions testamentaires de Erwin X... et que la nullité de la vente de la chose d'autrui ne pouvait être invoquée que par l'acquéreur et non par Mme Y..., la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'envoi en possession de Mme Y..., et sans être tenue de procéder à une recherche sur la qualité d'indivisaire de Mme Y... qui n'était pas demandée, que la vente consentie à M. B... était valable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :
Attendu que selon l'article 1026 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, la saisine de l'exécuteur testamentaire ne peut excéder le délai d'un an et un jour à compter du décès du testateur ; que la cour d'appel a relevé que M. X... était décédé le 10 avril 2001 et que la promesse de vente entre M. Y... et M. B... avait été signée les 27 juillet et 3 septembre 2002 ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;
D " où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, les époux Y... et M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... et M. A... à payer à M. B... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux Y... et de M. A... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y... et M. A....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts Y... – A... de leurs demandes et d'avoir dit que M. Y... avait valablement vendu à M. B..., le bien situé à Grimaud ;
AUX MOTIFS QUE la procédure a été clôturée le 3 mars 2008. A l'audience du 17 mars, les parties ont demandé la révocation de cette ordonnance et la cour a fait droit à leur demande, la procédure étant clôturée à nouveau, avant les débats. Par conclusions déposées le 14 mars, M. D... est intervenu volontairement à la procédure, et par conclusions déposées le 17 mars il s'est désisté de son intervention et en a demandé acte à la cour.
1°) ALORS QUE dans leurs conclusions déposées et signifiées le 14 mars 2008, les consorts Y... – A... demandaient à la cour d'appel de dire irrecevables les conclusions signifiées le 7 mars 2008 par M. Ludwig B... qui ne respectaient pas les droits de la défense dès lors qu'elles avaient été prises à la veille des débats, après l'ordonnance de clôture intervenue le 3 mars 2008 et alors qu'aucune cause grave ne justifiait la révocation de cette ordonnance (conclusions des consorts Y... – A... signifiées le 14 mars 2006, p 2) ; qu'en énonçant que les parties avaient demandé la révocation de l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; qu'en prononçant la révocation de l'ordonnance de clôture à l'audience des débats, sans relever l'existence d'une cause grave de révocation alors que les consorts Y... – A... s'y opposaient, la cour d'appel a, de surcroît, privé sa décision de base légale au regard de l'article 784 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'action de M. B... est recevable et infirmant le jugement entrepris sur les autres chefs du dispositif débouté les consorts Y... – A... de leurs demandes et dit que M. Y... Wolfgang a valablement vendu à M. B... Ludwig le bien situé à GRIMAUD (Var) ..., selon acte des 27 juillet et 3 septembre 2002 et renvoyé les parties devant le notaire de leur choix pour l'établissement de l'acte authentique de vente et pour la réalisation des formalités nécessaires à la bonne fin de la transaction ;
AUX MOTIFS QUE l'acte des 27 juillet et 3 septembre 2002 prévoyait que si le vendeur refusait de signer l'acte de vente notarié malgré sommation, l'acquéreur pourrait l'y contraindre judiciairement, à condition d'agir en justice dans les trois mois de la sommation, à peine de forclusion. Le tribunal a exactement constaté que la sommation de procéder à la vente avait été notifiée le 14 février 2003 par M. B..., lequel avait signifié son assignation le 7 avril 2003 aux fins de faire constater la vente par voie judiciaire, soit dans le délai contractuel. La forclusion soulevée par les intimés n'est donc pas encourue, et l'action de M. B... est recevable ;
1°) ALORS QUE les consorts Y... – A... soutenaient que l'acte était caduc dès lors que le projet prévoyait la réitération des signatures en l'étude de Me E... avant le 15 novembre 2002 et qu'à défaut l'acte était caduc « à moins que d'un commun accord, les parties décident de les proroger » (conclusions des consorts Y... – A... signifiées le 29 février 2008, p 6 § 6 et suiv.) ; qu'en déclarant recevable l'action de M. B... sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'acte des 27 juillet et 3 septembre 2002 comportait une clause dénommée « réitération » selon laquelle le compromis devait être réitéré devant notaire au plus tard le 15 novembre 2002 avec paiement du prix par l'acquéreur sous peine d'être caduc à moins que d'un commun accord, les parties décident de le proroger ; qu'en déclarant l'action de M. B... recevable et en y faisant droit sans constater qu'avant le 15 novembre 2002, ce dernier avait réitéré la promesse devant le notaire ou prorogé le délai de réitération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1134 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts Y... – A... de leurs demandes, dit que M. Y... Wolfgang a valablement vendu à M. B... Ludwig le bien situé à GRIMAUD (Var) ..., selon acte des 27 juillet et 3 septembre 2002 et renvoyé les parties devant le notaire de leur choix pour l'établissement de l'acte authentique de vente et pour la réalisation des formalités nécessaires à la bonne fin de la transaction ;
AUX MOTIFS QUE M. Erwin X..., de nationalité allemande, est décédé le 10 avril 2001 en Allemagne, laissant pour lui succéder son neveu Wolfgang Y... et l'épouse de celui-ci Gisela Y.... Il avait rédigé un testament daté du 10 novembre 2000 désignant M. Jürgen A... comme exécuteur testamentaire, avec notamment pour mandat de vendre sa maison de vacances située à GRIMAUD (Var) …. Sur l'absence d'intervention de Mme Y... et de M. A... dans l'avant contrat : la loi applicable en matière de dévolution successorale des immeubles est régie par la loi du lieu de leur situation soit, en l'espèce, par la loi française, même s'ils sont propriétés d'étrangers (article 3 du code civil). M. X... était l'oncle de M. Y... et les époux Y... sont mariés sous le régime de la séparation des biens. Le testament de M. X... en date du 10 novembre 2000 institue comme « héritiers » son neveu et son épouse, chacun pour moitié d'héritage, sauf divers legs à des tiers (comme M. D... par exemple). Selon ce document, l'héritier est chargé d'assurer lesdits legs, tandis que M. A... est institué comme exécuteur testamentaire avec pour mission de vendre la maison de vacances située en France, et d'en répartir le prix entre les divers ayants droit. En droit français, M. X... étant décédé sans enfant son seul « héritier » (article 734-2° du code civil) est son neveu qui a été saisi de plein droit des biens du défunt (article 724 alinéa 1er du code civil). L'épouse de celui-ci, qui a la qualité de légataire universel (article 1008 du même code), doit demander son envoi en possession, ce dont il n'est pas établi qu'elle l'ait fait. M. B... ne pouvait connaître les dispositions testamentaires de M. X..., et, si M. Y... est présenté comme vendeur, propriétaire du bien, dans l'avant contrat, il y a lieu de considérer que M. Y... s'est valablement présenté en cette qualité, et que son notaire, Me F..., a validé cette présomption : M. Y... n'aurait de comptes à rendre qu'à son épouse, si celle-ci s'avisait de remettre en cause l'un des éléments du contrat, ce qu'elle ne fait pas, d'ailleurs, dans cette procédure. S'il est vrai que la vente de la chose d'autrui est nulle (article 1599 du code civil), cette nullité est relative et elle ne pourrait être invoquée que par l'acheteur et non par Mme Y... ;
1°) ALORS QU'il résulte de la combinaison des articles 1006 et 1008 du code civil que le légataire universel est saisi de plein droit par la mort du testateur, en l'absence d'héritier réservataire, sauf dans le cas où le testament est olographe ou mystique ; dans ce dernier cas, le légataire universel doit préalablement se faire envoyer en possession ; qu'en faisant grief, en l'espèce, à Mme Y... de n'avoir pas demandé son envoi en possession tout en constatant que le seul héritier de M. X... était son neveu de sorte qu'il n'existait pas d'héritier réservataire et alors que le testament versé aux débats en date du 10 novembre 2000 avait été établi par un office notarial allemand ce qui n'était pas contesté, la cour d'appel a violé les textes précités, par fausse application ;
2°) ALORS QUE en tout état de cause, en statuant ainsi, sans constater que le testament était olographe ou mystique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1008 du code civil ;
3°) ALORS QUE la cession d'un bien indivis qui n'a pas été consentie par tous les indivisaires n'est pas nulle mais simplement inopposable aux autres indivisaires, son efficacité étant subordonnée au résultat du partage ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande de voir dire qu'en l'absence de son consentement, l'avant contrat ne peut être réitéré en la forme authentique sans tenir compte de la qualité de propriétaire de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 815-3 et 883 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts Y... – A... de leurs demandes, dit que M. Y... Wolfgang a valablement vendu à M. B... Ludwig le bien situé à GRIMAUD (Var) ..., selon acte des 27 juillet et 3 septembre 2002 et renvoyé les parties devant le notaire de leur choix pour l'établissement de l'acte authentique de vente et pour la réalisation des formalités nécessaires à la bonne fin de la transaction ;
AUX MOTIFS QUE quant à l'absence d'intervention de M. A..., exécuteur testamentaire, dans l'avant contrat, elle ne saurait entraîner l'annulation de cet acte, car d'une part, elle n'est pas opposable à l'acheteur qui ne pouvait connaître les dispositions testamentaires de M. X..., et car, d'autre part, il n'est fait état d'aucune divergence réelle entre M. A... et M. Y... quant aux conditions concrètes de la vente convenue avec M. B.... Il aurait été intéressant, d'ailleurs, de connaître les motifs de l'inertie de l'exécuteur testamentaire. Par application de l'article 1031 du code civil, il convient de constater que « le testament a été exécuté » au moins dans sa partie relative à la vente du bien situé en France, et il n'existe aucun motif de déclarer « non-valable » l'avant contrat signé par M. Y... et M. B... ;
ALORS QUE le testateur peut donner à l'exécuteur testamentaire le pouvoir de vendre les immeubles et d'en percevoir le prix lorsqu'il n'y a pas d'héritier réservataire ; qu'en considérant qu'en l'absence d'intervention de M. A..., exécuteur testamentaire, qui avait reçu le pouvoir de vendre l'immeuble litigieux, l'avant contrat signé par M. Y... et M. B... n'était entaché d'aucune irrégularité, la cour d'appel a violé les articles 1031 et 913 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code.