LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 novembre 2008), que par jugement du 7 novembre 2006, la société Morex technologies France (la société) a été mise en liquidation judiciaire, la SCP Becheret Thierry Sénéchal Gorrias (le liquidateur) étant désignée en qualité de liquidateur et la date de cessation des paiements étant fixée au 8 mai 2005 ; que le liquidateur a assigné le comptable du service des impôts des entreprises de Gennevilliers aux fins de voir prononcer la nullité des avis à tiers détenteur que celui-ci avait délivrés les 12, 15 et 27 septembre 2006 et les 4, 5, 13 et 23 octobre 2006, en application de l'article L. 632-2, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article L. 632-2, alinéa 2, du code de commerce dispose que "tout avis à tiers détenteur (…) peut être annulé lorsqu'il a été délivré (…) après la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci" ; que nonobstant l'emploi du verbe pouvoir, le juge doit prononcer la nullité de l'avis à tiers détenteur lorsque les deux conditions ci-dessus sont réunies puisque l'objet de ce texte est de reconstituer l'actif du débiteur et qu'un avis à tiers détenteur notifié en connaissance de l'état de cessation des paiements appauvrit son patrimoine et rompt l'égalité entre les créanciers ; qu'en l'espèce, la société a été appauvrie par des avis à tiers détenteurs, attributifs de sommes d'argent au profit du comptable des impôts ; qu'en refusant toutefois d'annuler les avis à tiers détenteurs délivrés en période suspecte tandis que le comptable des impôts avait connaissance de la cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article L. 632-2, alinéa 2, du code de commerce ;
2°/ qu' à supposer qu'il s'agisse d'une simple faculté, la cour d'appel ne pouvait refuser de prononcer la nullité que par une décision motivée par des considérations conformes à la finalité du texte, qui est de reconstituer l'actif du débiteur ; qu'en se bornant à se référer, de manière inopérante, à l'ancienneté de la dette, au comportement des parties, au contenu de la proposition de règlement amiable de la dette, à la continuité de l'entreprise et à la portée de l'annulation des avis à tiers détenteurs sur le règlement d'autres créanciers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 632-2, alinéa 2, du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que les conditions pour prononcer la nullité sont réunies, le juge, saisi d'une action en nullité fondée sur l'article L. 632-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, jouit de la faculté de prononcer ou non cette mesure ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de ce texte en estimant, par une décision motivée, que l'action du liquidateur tendant à la nullité des avis à tiers détenteur n'avait pas lieu d'être accueillie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Becheret Thierry Sénéchal Gorrias, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la SCP Becheret Thierry Sénéchal Gorrias.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le liquidateur judiciaire de la société Morex Technologies France de sa demande en annulation des avis à tiers détenteur ;
AUX MOTIFS que les avis à tiers détenteur délivrés à partir du 12 septembre 2006 l'ont été alors que le comptable des impôts connaissait l'état de cessation des paiements de la SAS Morex Technologies ; que ces actes peuvent donc être annulés par application des dispositions de l'article L 632-2, alinéa 2 du Code de commerce ; que toutefois cette annulation n'est qu'une faculté pour la juridiction saisie ; que la cour estime ne pas devoir user de cette faculté en tenant compte :- de l'ancienneté de la dette, remontant à un redressement fiscal de 2002, pour des agissements justifiant des pénalités,- de l'attitude coopérative de l'administration fiscale qui a accepté en avril 2006 d'abandonner des pénalités et intérêts de retard pour un montant de 1 443 000 euros,- du fait que malgré cet abandon, aucun règlement n'est intervenu,- du contenu de la proposition de règlement formulée le 11 septembre 2006, incertaine dans son montant, dépourvue de toute garantie sérieuse, et manifestement inacceptable,- du fait que les sacrifices qui seraient imposés à l'administration fiscale n'auraient aucune portée sur la continuité de l'entreprise, ni sur le règlement d'autres créanciers ;qu'il échet en conséquence de débouter le liquidateur judiciaire de la société Morex Technologies France de sa demande en annulation des avis à tiers détenteur ;
1°) ALORS QUE l'article L 632-2 alinéa 2 du Code de commerce dispose que « tout avis à tiers détenteur (…) peut être annulé lorsqu'il a été délivré (…) après la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci » ; que nonobstant l'emploi du verbe pouvoir, le juge doit prononcer la nullité de l'avis à tiers détenteur lorsque les deux conditions ci-dessus sont réunies puisque l'objet de ce texte est de reconstituer l'actif du débiteur et qu'un avis à tiers détenteur notifié en connaissance de l'état de cessation des paiements appauvrit son patrimoine et rompt l'égalité entre les créanciers ; qu'en l'espèce, la société Morex Technologies France a été appauvrie par des avis à tiers détenteurs, attributifs de sommes d'argent au profit du comptable des impôts ; qu'en refusant toutefois d'annuler les avis à tiers détenteurs délivrés en période suspecte tandis que le comptable des impôts avait connaissance de la cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article L 632-2 alinéa 2 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, à supposer qu'il s'agisse d'une simple faculté, la cour d'appel ne pouvait refuser de prononcer la nullité que par une décision motivée par des considérations conformes à la finalité du texte, qui est de reconstituer l'actif du débiteur ; qu'en se bornant à se référer, de manière inopérante, à l'ancienneté de la dette, au comportement des parties, au contenu de la proposition de règlement amiable de la dette, à la continuité de l'entreprise et à la portée de l'annulation des avis à tiers détenteurs sur le règlement d'autres créanciers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 632-2 alinéa 2 du Code de commerce.