LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 octobre 2008), qu'une procédure de saisie immobilière ayant été engagée le 2 juillet 2001 par la Banque populaire du Sud (la banque) à l'encontre de M. et Mme X..., ceux-ci ont obtenu, par arrêt rendu sur incident le 30 juillet 2003, la suspension des poursuites dans l'attente de la décision qui serait rendue sur leur demande tendant à bénéficier du dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ; qu'un jugement du 21 juin 2004 a, à la demande de la banque, prorogé les effets du commandement et renvoyé la vente au 4 octobre 2004 ; que le bien ayant été adjugé par jugement du 28 février 2005 à la société BA2C, M. et Mme X... ont agi en nullité de la vente, en soutenant qu'ils bénéficiaient toujours de la suspension des poursuites résultant de l'arrêt du 30 juillet 2003, jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur le recours qu'ils avaient formé contre la décision administrative déclarant leur demande irrecevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer leur action irrecevable, alors, selon le moyen, qu'en application des dispositions d'ordre public des articles 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998 et 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, la saisine de la Commission nationale de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée avait suspendu de plein droit la saisie immobilière engagée contre les débiteurs, laquelle ne pouvait être reprise qu'après la décision de l'autorité administrative compétente ayant à connaître des recours gracieux contre celle-ci ou, en cas de recours contentieux, qu'après la décision définitive de l'autorité juridictionnelle compétente ; qu'était donc nulle l'adjudication prononcée en violation de la suspension des poursuites ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 30 juillet 2003 sur le fondement de ce dispositif d'aide aux rapatriés, alors même qu'un recours contentieux était pendant devant le tribunal administratif de Montpellier ; que dès lors, en déclarant irrecevable l'action de M. et Mme X... en nullité de l'adjudication, motif pris du non-respect des conditions exigées par les dispositions des articles 727 et 728 de l'ancien code de procédure civile, pourtant étrangères au moyen invoqué pris de la méconnaissance du dispositif d'ordre public d'aide au désendettement des rapatriés, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 727 et 728 de l'ancien code de procédure civile et, par refus d'application, les articles 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998 et 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que M. et Mme X... avaient été régulièrement appelés à la procédure de saisie, retient exactement, justifiant sa décision par ce seul motif, que l'action en nullité de l'adjudication ne pouvait être exercée pour des causes connues antérieurement à celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que, M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer diverses sommes à la société BA2C à titre de dommages-intérêts ;
Mais attendu qu'ayant retenu que c'est en raison de l'incertitude créée par la demande de nullité de l'adjudication engagée par M. et Mme X... que la société BA2C n'a pu revendre le bien, alors que M. et Mme X... s'étaient abstenus de faire valoir avant l'adjudication les motifs qu'ils invoquaient, la cour d'appel en a exactement déduit que leur attitude fautive était à l'origine du préjudice subi par l'adjudicataire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. et Mme X... et de la Banque populaire du Sud ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action introduite par les époux X... ;
AUX MOTIFS QUE le commandement de saisie immobilière a été délivré le 2 juillet 2001 ; que le jugement d'adjudication est intervenu le 28 février 2005 ; que conformément aux dispositions de l'article 168 du décret du 27 juillet 2007, le droit applicable est donc celui de l'ancien Code de procédure civile, notamment ses articles 727 et 728 ; qu'en droit, dans ce régime juridique, le saisi n'était recevable à demander l'annulation du jugement d'adjudication que pour des causes connues postérieurement à cette adjudication ; que pour les causes connues antérieurement, il était déchu du droit de soulever une nullité, de fond ou de forme, dès lors qu'il ne l'avait pas exercé cinq jours au plus tard avant l'audience éventuelle pour les nullités de fond et au plus tard cinq jours avant l'adjudication pout les nullités de forme ; que de plus, l'action en nullité du jugement d'adjudication n'était recevable que contre le créancier poursuivant et non contre l'adjudicataire tiers à la procédure (Cass. Req. 3 avril 1837, D. jur. Gén. V° Vente publique d'immeubles, n° 1232-2°) ; qu'il est constant que les saisis n'ont pas fait valoir leurs moyens de nullité avant l'audience éventuelle ni avant celle de vente ; qu'en conséquence la déchéance est acquise, qu'ils aient entendu se placer sur le terrain des nullités de fond ou sur celui des nullités de forme, ce qu'ils se sont abstenus de préciser ; qu'en l'espèce, il s'agit d'une nullité de forme, comme dans le cas où une clause avait été ajoutée au cahier des charges pour fixer le jour de l'adjudication au mépris d'un jugement accordant un délai au débiteur saisi (Cass. Req. 3 avril 1850, D. P. 1850, 1, p. 153) ; que la cause de nullité invoquée était connue antérieurement à la vente ; qu'en effet la volonté de la BPS de poursuivre la procédure et de faire vendre l'immeuble avait été portée à la connaissance de Monsieur et Madame X... par :- l'assignation aux fins de prorogation des effets du commandement de saisie laquelle comporte une demande expresse de renvoi de l'adjudication à l'audience des ventes du 4 octobre 2004 et a été remise à personne en ce qui concerne Monsieur X... et à son domicile pour Madame X... ;- le procès-verbal descriptif dressé le 28 septembre 2004 par Maître Y..., huissier de justice, en présence de Monsieur X... ;- les formalités de publicité, et notamment l'apposition de placards, dont ils ne contestent pas l'existence ; que les époux X... avaient donc une parfaite connaissance, bien avant l'audience d'adjudication, de la volonté de la Banque et de son interprétation selon laquelle la suspension des poursuites ne s'appliquait plus ; que le moyen tiré de cette déchéance a expressément été soulevé dans les conclusions de la BPS : même si elle ne cite pas expressément les articles applicables, elle en rappelle la substance et manifeste clairement son intention de s'en prévaloir ; qu'en conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont déclaré recevable l'action de Monsieur et Madame X... ; que leur décision sera infirmée ;
ALORS QU'en application des dispositions d'ordre public des articles 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998 et 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, la saisine de la Commission Nationale de Désendettement des Rapatriés Réinstallés dans une Profession non-salariée avait suspendu de plein droit la saisie-immobilière engagée contre les débiteurs, laquelle ne pouvait être reprise qu'après la décision de l'autorité administrative compétente ayant à connaître des recours gracieux contre celle-ci ou, en cas de recours contentieux, qu'après la décision définitive de l'autorité juridictionnelle compétente ; qu'était donc nulle l'adjudication prononcée en violation de la suspension des poursuites ordonnée par l'arrêt de la Cour d'appel de MONTPELLIER du 30 juillet 2003 sur le fondement de ce dispositif d'aide aux rapatriés, alors même qu'un recours contentieux était pendant devant le Tribunal administratif de MONTPELLIER ; que dès lors, en déclarant irrecevable l'action des époux X... en nullité de l'adjudication, motif pris du nonrespect des conditions exigées par les dispositions des articles 727 et 728 de l'ancien Code de procédure civile, pourtant étrangères au moyen invoqué pris de la méconnaissance du dispositif d'ordre public d'aide au désendettement des rapatriés, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 727 et 728 de l'ancien Code de procédure civile et, par refus d'application, les articles 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998 et 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné les époux X... à payer à la Société BA2C, à titre de dommages et intérêts, les sommes de 3. 591, 20 € pour frais financiers, 30. 000 € pour perte de chance de vente du terrain, 324 € en remboursement de taxes foncières et 113, 06 € en remboursement de cotisations d'assurance ;
AUX MOTIFS QUE l'irrecevabilité ne fait pas obstacle au droit pour les intimés de demander réparation du préjudice que leur a causé l'action irrecevable ; que les circonstances de l'espèce ne caractérisent pas de la part des appelants un abus de leur droit de contester une décision de justice devant la juridiction du second degré ; que par l'effet de la présente décision, les droits de la SCI BA2C sur l'immeuble sont préservés ; que son préjudice doit donc être évalué en considération de ce fait ; que cette société justifie de ce qu'elle a signé le 20 septembre 2005 avec la SCI CIMBA un compromis de vente du terrain dans des conditions particulièrement avantageuses pour elle, puisqu'elle revendait pour 350. 000 € un terrain acquis 220. 000 € ; que les raisons pour lesquelles l'acquéreur n'a pas donné suite à son intention d'acheter le terrain ne sont pas connues ; qu'il n'est donc pas prouvé que ce désistement soit imputable à la procédure engagée par Monsieur et Madame X..., étant observé que la liberté de renonciation de l'acquéreur était particulièrement grande, le compromis de vente ne comportant aucune clause pénale en cas de refus de réitération ; que des négociations ont été entamées en vue de la conclusion d'un nouveau compromis de vente, cette fois au profit de la SCI DES TROIS T, pour le prix de 220. 000 € ; qu'un projet a été établi, mais qu'il ne porte aucune signature ; qu'il résulte des attestations concordantes de Maître Z..., notaire à MENDE, et de Maître B... Guy, gérant de la SCI DES TROIS T, que c'est en raison de l'incertitude créée par le présent litige que cette dernière société a renoncé à l'acquisition ; que c'est donc bien l'attitude fautive de Monsieur et Madame X... qui est à l'origine de l'échec de la revente du terrain ; qu'en raison de cet échec, la Société BA2C a été contrainte de supporter les frais liés au financement de l'acquisition du terrain au delà de la date à laquelle il aurait pu être revendu ; que comme il a été indiqué plus haut, ce préjudice n'est constitué qu'à partir de l'échec de la vente à la SCI DE TROIS T, et non de celui de la vente à la SARL CIMBA ; qu'il résulte de l'attestation de Monsieur
B...
que cet échec date du mois de décembre 2007 ; que seules les charges financières exposées depuis le 1er janvier 2008 constituent donc un préjudice directement imputable à l'action des appelants ; qu'il résulte du tableau d'amortissement établi par la CRCAM DU MIDI que le prêt contracté par la SCI BA2C ne comportait aucun amortissement du capital, mais uniquement des intérêts, à raison de 696, 67 € par échéance mensuelle ; que toutefois, les relevés de compte de la dite société révèlent qu'en 2008, les échéances de ce même prêt 354823010PR n'étaient plus que de 448, 90 € par mois ; que le préjudice correspondant doit donc être évalué à la somme de 3. 591, 20 € pour la période du 1er janvier au 31 août 2008, date à laquelle la Société BA2C a fixé le terme de sa réclamation ; que ce préjudice recouvre l'immobilisation du capital emprunté ; que d'autre part, il est constant que l'existence d'un procès en cours sur la validité du titre de cette société lui a fait perdre la chance de revendre rapidement le terrain et avec un bénéfice intéressant ; que cette difficulté résulte notamment du fait qu'elle a été contrainte de proposer la revente à la SCI DES TROIS T pour un prix de 220. 000 € seulement, alors que deux agences immobilières de la place estiment sa valeur entre 240. 000 et 295. 000 €, sachant que le terme le plus bas est « net vendeur » et le plus élevé « frais d'agence inclus » ; qu'elle résulte également des motifs de l'échec de cette transaction ; que dès lors, le préjudice résultant de la perte de chance de plus value dans des délais rapides est réel ; qu'il convient toutefois de tenir compte pour son appréciation des aléas de toute vente immobilière et du manque d'attrait d'un terrain sur lequel s'élève une construction inachevée depuis de nombreuses années et dont soit la démolition préalable soit la reprise dans des conditions difficiles sera nécessaire ; que ce poste de préjudice doit en conséquence être évalué à la somme de 30. 000 € ; que pour les mêmes motifs que ci-dessus, les appelants ne doivent pas supporter les taxes foncières pour 2007, mais uniquement pour 2008, soit postérieurement à l'échec de la vente à la SCI DES TROIS T ; que la somme correspondante, selon le justificatif versé aux débats, s'élève à 324 €, seule somme lisible sur la photocopie incomplète qui constitue la pièce 17 de la SCI BA2C ; qu'enfin la somme réclamée au titre des cotisations d'assurance inutilement versées doit être divisée par deux, de façon à couvrir uniquement la période pour laquelle la responsabilité de M. et Mme X... est retenue ; qu'il s'agira donc de la somme de 113, 06 € ; que les circonstances de l'espèce ne caractérisent pas de la part des appelants un abus de leur droit de contester une décision de justice devant la juridiction du second degré ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la responsabilité délictuelle suppose l'existence d'une faute caractérisée en fait ; que l'exercice d'une action en justice, fût-elle déclarée irrecevable en appel, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts qu'en cas de faute de celui qui l'exerce ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté l'absence de tout abus du droit d'appel ; que dès lors, en se bornant à affirmer que l'échec de la revente du terrain escomptée par l'adjudicataire à la SCI DES TROIS T était dû à l'incertitude créée par le présent litige, donc à l'attitude fautive des époux X..., la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser la faute qu'ils auraient commise dans l'exercice de leur droit d'agir en justice pour obtenir la nullité de l'adjudication et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à affirmer que l'existence d'un procès en cours sur la validité du titre de la Société BA2C lui avait fait perdre une chance de revendre rapidement le terrain avec un bénéfice intéressant, sans constater aucune faute susceptible d'engager la responsabilité délictuelle des époux X..., la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.