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06/01/2010 | FRANCE | N°08-44218

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 janvier 2010, 08-44218


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 juin 2008), que M. X... a été engagé le 4 décembre 1982, par la société Auchan en qualité de conseiller libre-service ; que le 13 décembre 2003, le salarié est passé en caisse avec un nettoyeur haute pression de marque Karcher avec une étiquette "– 50 %", qu'il s'était fait réserver en violation du règlement intérieur ; que l'employeur lui a notifié aussitôt une mise à pied à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 19 dÃ

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 26 juin 2008), que M. X... a été engagé le 4 décembre 1982, par la société Auchan en qualité de conseiller libre-service ; que le 13 décembre 2003, le salarié est passé en caisse avec un nettoyeur haute pression de marque Karcher avec une étiquette "– 50 %", qu'il s'était fait réserver en violation du règlement intérieur ; que l'employeur lui a notifié aussitôt une mise à pied à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 19 décembre pour finalement l'inviter à reprendre le travail le 23 décembre ; qu'à compter du 22 décembre, le salarié a été en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel pris en charge au titre de la législation professionnelle ; qu'ayant été déclaré le 4 septembre 2004 inapte définitif à tous postes dans l'entreprise par le médecin du travail avec danger immédiat pour sa santé, l'employeur l'a licencié le 9 octobre 2004 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir retenu le caractère fautif de la procédure de mise à pied conservatoire du 13 décembre 2003, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que la sanction de la mise à pied, comme les autres sanctions, est inhérente au pouvoir disciplinaire de l'employeur qui, de la même manière que les pouvoirs de gestion et de direction, tire son fondement de l'état de subordination dans lequel se trouve le salarié en raison de son contrat de travail ; que le pouvoir disciplinaire est donc exercé dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'entreprise et ce n'est que lorsque l'employeur commet une faute dans l'exercice de ce pouvoir qu'il doit être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié ; que pour entraîner une condamnation à dommages et intérêts, la faute doit être caractérisée, les conditions désagréables d'un entretien ou d'une rupture ne suffisant pas à justifier une condamnation au profit de celui qui en est victime ; qu'en retenant néanmoins le caractère fautif d'une mise à pied conservatoire sans caractériser aucunement la faute de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, alors que celui-ci lui permettait, après qu'il avait surpris le salarié passant en caisse avec l'un de ses collègues pour payer un nettoyeur haute pression de marque Karcher étiqueté "– 50 %" réservé à la clientèle, en violation du règlement intérieur, de notifier à l'intéressé une mise à pied conservatoire afin de permettre un déroulement normal de l'enquête, laquelle permettra d'ailleurs à l'employeur de renoncer à la sanction, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que s'il appartient aux juges du fond de constater souverainement les faits d'où ils déduisent l'existence d'une faute délictuelle ou quasi-délictuelle, la qualification juridique de la faute ressortit au contrôle de la Cour de cassation ; que les juges du fond ne peuvent retenir à la charge d'une personne une faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil que s'il ressort de leurs constatations que celle-ci lui est personnellement imputable ; que par suite, en se déterminant au motif inopérant que la procédure de mise à pied conservatoire de M. X... avait contribué aux rumeurs de "vol" le concernant, sans imputer de façon précise à l'employeur les rumeurs en cause, la cour d'appel a privé à nouveau son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur avait effectué une enquête immédiate en retenant les protagonistes de l'affaire dans un bureau pour comprendre la genèse et le processus exact des événements, a constaté que cet incident était survenu de manière publique et que les interrogatoires avaient été effectués de façon insuffisamment discrète puisque des collègues avaient vu les protagonistes retenus dans un bureau gardé par un agent de sécurité pendant plus d'une heure ce qui avait contribué aux rumeurs de vol, qu'il s'agissait d'une mesure particulièrement stigmatisante qui ne se justifiait nullement et qui avait frappé un collaborateur dévoué à la société depuis 22 ans, au passé sans tâche qui s'était vu privé de son outil de travail pendant neuf jours ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir dit établie la relation causale entre la procédure fautive de mise à pied conservatoire du 13 décembre 2003 et le syndrome anxio-dépressif présenté par ce salarié ayant entraîné une inaptitude physique à tout poste dans l'entreprise et le licenciement pour inaptitude physique du 9 octobre 2004 et d'avoir condamné la société Auchan à payer à M. X... une somme à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une faute n'engage la responsabilité de son auteur que si elle est la cause du dommage ; que c'est au demandeur d'apporter la preuve du lien de causalité ; qu'en se bornant à énoncer à cet égard que tous les éléments sont réunis pour établir un lien entre la mise à pied conservatoire fautive et le licenciement pour inaptitude, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que lorsqu'une partie demande confirmation de la décision déférée, elle est réputée s'en approprier les motifs et qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en effet, l'intimé, en demandant la confirmation de la décision de première instance, est réputé s'être approprié les motifs des premiers juges ; que par suite, en statuant comme elle l'a fait, sans réfuter les motifs péremptoires de la décision des premiers juges pris en premier lieu de ce que M. X... n'a pas fait état d'une atteinte à sa dignité ou à son intégrité tant dans le cadre de l'enquête que lors de l'entretien du 13 décembre 2003 et pris en second lieu de ce que M. X... a attendu le 3 mars 2004 pour déclarer un accident du travail en évoquant une "dépression réactionnelle" consécutive à l'incident du 13 décembre 2003, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, sans se borner à une simple affirmation, a constaté que le salarié était resté en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel du 22 décembre 2003 jusqu'à son licenciement et que le médecin qui le suivait depuis plusieurs années avait affirmé qu'il n'avait jamais été consulté pour un problème psychologique avant le 17 décembre, que le salarié souffrait de ce syndrome secondaire à un traumatisme psychologique directement en rapport avec son travail ;
qu'ayant constaté que la preuve d'un lien de causalité entre la mise à pied conservatoire fautive de neuf jours et le licenciement pour inaptitude qui s'en était suivi était rapportée, elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Auchan aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Auchan à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat aux Conseils, pour la société Auchan.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR retenu le caractère fautif de la procédure de mise à pied conservatoire du 13 décembre 2003 ;

AUX MOTIFS QU'aucune faute grave ne pouvait être reprochée au salarié, en conséquence, la mise à pied conservatoire ne s'avérait pas nécessaire ; que la mise à pied conservatoire est une mesure particulièrement stigmatisante qui a frappé un collaborateur dévoué à la société depuis 22 ans, au passé sans tache, et qui s'est vu privé de son outil de travail pendant neuf jours ; que même si elle a reconnu son erreur par lettre du 22 décembre 2003 à l'intéressé, en lui réglant le salaire de cette mise à pied et en l'invitant à revenir travailler dès le 23 décembre, et si des investigations postérieures demeuraient indispensables pour peaufiner l'enquête, cet incident survenu de manière publique et les interrogatoires qui ont suivi, effectués de façon insuffisamment discrète puisque des collègues ont vu les protagonistes retenus dans un bureau gardé par un agent de sécurité plus d'une heure, ont contribué aux rumeurs de vol concernant M. X... ; que la lettre de mise à pied conservatoire est partie le jour même des faits, au terme des premières explications du salarié, exprimant « la gravité de vos agissements à ce jour » ; que tous les éléments sont réunis pour établir un lien entre la mise à pied conservatoire fautive et le licenciement pour inaptitude ;

ALORS QUE, D'UNE PART, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que la sanction de la mise à pied, comme les autres sanctions, est inhérente au pouvoir disciplinaire de l'employeur qui, de la même manière que les pouvoirs de gestion et de direction, tire son fondement de l'état de subordination dans lequel se trouve le salarié en raison de son contrat de travail ; que le pouvoir disciplinaire est donc exercé dans l'intérêt du bon fonctionnement de l'entreprise et ce n'est que lorsque l'employeur commet une faute dans l'exercice de ce pouvoir qu'il doit être condamné à verser des dommages et intérêts au salarié ; que pour entraîner une condamnation à dommages et intérêts, la faute doit être caractérisée, les conditions désagréables d'un entretien ou d'une rupture ne suffisant pas à justifier une condamnation au profit de celui qui en est victime ; qu'en retenant néanmoins le caractère fautif d'une mise à pied conservatoire sans caractériser aucunement la faute de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, alors que celui-ci lui permettait, après qu'il avait surpris le salarié passant en caisse avec l'un de ses collègues pour payer un nettoyeur haute pression de marque Karcher étiqueté « – 50 % » réservé à la clientèle, en violation du règlement intérieur, de notifier à l'intéressé une mise à pied conservatoire afin de permettre un déroulement normal de l'enquête, laquelle permettra d'ailleurs à l'employeur de renoncer à la sanction, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, s'il appartient aux juges du fond de constater souverainement les faits d'où ils déduisent l'existence d'une faute délictuelle ou quasi délictuelle, la qualification juridique de la faute ressortit au contrôle de la Cour de cassation ; que les juges du fond ne peuvent retenir à la charge d'une personne une faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil que s'il ressort de leurs constatations que celle-ci lui est personnellement imputable ; que par suite, en se déterminant au motif inopérant que la procédure de mise à pied conservatoire de M. X... avait contribué aux rumeurs de « vol » le concernant, sans imputer de façon précise à l'employeur les rumeurs en cause, la cour d'appel a privé à nouveau son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit établie la relation causale entre la procédure fautive de mise à pied conservatoire du 13 décembre 2003 et le syndrome anxio-dépressif présenté par ce salarié ayant entraîné une inaptitude physique à tout poste dans l'entreprise et le licenciement pour inaptitude physique du 9 octobre 2004 et d'AVOIR condamné la société AUCHAN à payer à M. X... la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE M. X... est resté arrêté médicalement, en raison d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel du 22 décembre 2003 jusqu'à son licenciement ; que tous les éléments sont réunis pour établir un lien entre la mise à pied conservatoire fautive et le licenciement pour inaptitude ;

ALORS QUE, D'UNE PART, une faute n'engage la responsabilité de son auteur que si elle est la cause du dommage ; que c'est au demandeur d'apporter la preuve du lien de causalité ; qu'en se bornant à énoncer à cet égard que tous les éléments sont réunis pour établir un lien entre la mise à pied conservatoire fautive et le licenciement pour inaptitude, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, lorsqu'une partie demande confirmation de la décision déférée, elle est réputée s'en approprier les motifs et qu'il appartient à la cour d'appel qui décide d'infirmer le jugement entrepris d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en effet, l'intimé, en demandant la confirmation de la décision de première instance, est réputé s'être approprié les motifs des premiers juges ; que par suite, en statuant comme elle l'a fait, sans réfuter les motifs péremptoires de la décision des premiers juges pris en premier lieu de ce que M. X... n'a pas fait état d'une atteinte à sa dignité ou à son intégrité tant dans le cadre de l'enquête que lors de l'entretien du 13 décembre 2003 et pris en second lieu de ce que M. X... a attendu le 3 mars 2004 pour déclarer un accident du travail en évoquant une « dépression réactionnelle » consécutive à l'incident du 13 décembre 2003, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA AUCHAN à verser à M. X... la somme de 178, 25 euros de prime d'objectifs et de métier pour septembre et octobre 2003 ;

AUX MOTIFS QUE contrairement à ce qu'affirme la société, l'attribution de ces primes n'est pas subordonnée à un entretien individuel avec le salarié ; que le règlement de gestion du développement individuel des employés ne le rend pas obligatoire, alors que l'employeur dispose de données suffisantes (comptables, commerciales, avis du supérieur hiérarchique) pour les fixer ;

ALORS QU'il résulte de l'accord d'entreprise sur la gestion du développement individuel des employés que le paiement au salarié de la prime variable individuelle mensuelle est subordonné à la condition d'entretien annuel d'activité avec le supérieur hiérarchique ; qu'en énonçant cependant que cet entretien individuel n'est pas obligatoire lorsque l'employeur dispose de données suffisantes (comptables, commerciales, avis du supérieur hiérarchique) pour les fixer, la cour d'appel a ajouté à l'accord d'entreprise une clause qu'il ne comportait pas et l'a dénaturé, en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44218
Date de la décision : 06/01/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 26 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 jan. 2010, pourvoi n°08-44218


Composition du Tribunal
Président : M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44218
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