LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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X... Jean, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 9 juin 2009, qui l'a débouté de ses demandes, après annulation partielle des poursuites et relaxe d'Hervé Z... du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation
des articles, 50, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 591, 593 du code de procédure, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé la nullité de la plainte initiale en ce qui concerne les faits des 1er et 21 août 2006 ;
" aux motifs que, sur le courrier adressé à la partie civile le 1er août 2006, il y a lieu de relever que la plainte du 30 octobre 2006, en ne donnant aucune indication quant aux passages ou expressions qu'elle juge diffamatoires méconnaît l'exigence d'articulation des faits de l'article 50 de la loi sur la presse, la simple expression de l'interprétation du destinataire ne pouvant y satisfaire ; que le réquisitoire définitif du 16 janvier 2007 ne répond pas à cette obligation... ces développements caractérisent l'absence d'articulation des faits du 1er août 2006 et, par suite, la nullité de la plainte initiale quant à ce chef de la prévention au regard des dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; que cette nullité qui prive la plainte de tout effet interruptif de la prescription amène la cour à constater la prescription des faits du 1er août 2006 par application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; « sur le courrier du 21 août 2006 adressé à Bernard Y..., président du projet du Parc National, aux termes de sa plainte initiale, la partie civile fait grief au prévenu d'avoir adressé le 21 août 2006 un courrier au président du projet du Parc National dans lequel Hervé Z... se " serait déclaré la victime d'un abus de pouvoir de la part du Maire " ; que, si cette imputation telle que reprise dans la plainte initiale peut, sur le fond, se référer à un comportement portant atteinte à l'honneur et à la considération de celui qu'elle vise, force est de constater que l'expression visée à la plainte procède par un raccourci par rapport à l'écrit incriminé, où le prévenu a exactement mentionné : " l'abus de pouvoir dont je suis victime ", avant de poursuivre " va à l'encontre d'une urbanisation harmonieuse et économe en espace par densification de l'habitat ancien remarquable " ; que le caractère lapidaire, imprécis et partiellement inexact de l'expression articulée au soutien de la plainte, dans un contexte d'affrontements incessants entre le prévenu et la partie civile, ne satisfait pas suffisamment aux exigences quant à l'articulation de l'article 50 de la loi susvisée ; que ces développements caractérisent également l'inobservation des exigences de l'article 50 précité, le prévenu étant dans l'incertitude des faits allégués au soutien de la poursuite... que, par suite, l'irrégularité de la plainte et du réquisitoire introductif privant ceux-ci de tout effet interruptif, il y a lieu de constater la prescription des faits du 21 août 2006 ;
" alors que les articles 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 n'exigent pas que l'écrit incriminé soit reproduit littéralement dans la plainte ou le réquisitoire introductif ; qu'il suffit que cet écrit soit désigné avec précision ; qu'est donc conforme à ces prescriptions la plainte à laquelle est joint l'écrit incriminé, comme en l'espèce, et qui, après avoir précisé les imputations qui font l'objet de la poursuite par l'indication des premier et dernier mots, mentionne la qualification des faits incriminés comme constituant le délit reproché et vise le texte de loi applicable aux poursuites ; qu'en l'espèce, la plainte de la partie civile indiquait expressément que l'écrit du 21 août 2006 accusait le maire, partie civile, d'abus de pouvoir ; que celui du 1er août 2006 suggérait que le maire s'était rendu coupable de détournement de fonds publics ; que ces indications étaient suffisantes au regard des dispositions des articles 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 pour permettre au prévenu de se défendre sur les faits qui lui étaient reprochés ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes précités " ;
Vu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que satisfait aux exigences de ce texte la plainte avec constitution de partie civile, qui articule, qualifie les faits incriminés et énonce le texte de loi applicable à la poursuite ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jean X..., maire de L'Ile-aux-Moines, a porté plainte et s'est constitué partie civile, le 30 octobre 2006, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à la suite de la diffusion de trois écrits des 1er août, 21 août et 7 septembre 2006 le mettant en cause ; qu'au terme de l'information, Hervé Z..., auteur de ces écrits, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné ; qu'il a fait appel de cette décision ;
Attendu que, pour faire droit à la demande du prévenu et annuler partiellement la plainte concernant les écrits des 1er août et 21 août 2006, l'arrêt énonce que celle-ci ne donne aucune indication quant aux passages poursuivis et procède par raccourci par rapport aux textes incriminés, de sorte que le prévenu s'est trouvé dans l'incertitude des faits allégués au soutien de la poursuite ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la plainte visait, outre la lettre du 7 septembre 2006, deux écrits désignés avec précision par leurs dates, incriminés dans leur ensemble, et annexés à la plainte, et déterminait sans équivoque à l'égard du prévenu l'objet du débat, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des article 29, 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591, 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu des chefs de la poursuite concernant les faits du 7 septembre 2006 et a débouté la partie civile des ses demandes ;
" aux motifs que, sur le courrier du 7 septembre 2006, au soutien de sa plainte initiale quant à ce chef de prévention, la partie civile a limité de façon définitive et irrévocable la nature et l'étendue des faits du 7 septembre 2006 au premier paragraphe dactylographié de ce courrier qui peut seul fonder la décision de la cour, à l'exclusion de l'articulation retenue par le magistrat instructeur qui a estimé, en méconnaissance de l'article 50 précité, devoir étendre le champ des poursuites de ce chef à l'intégralité de la lettre du septembre 2006 ; que, si ledit passage commençant par " soucieux de discrétion " et se terminant par " au tact politique " satisfait à l'obligation d'articulation des faits de l'article 50 précité, son contenu n'insinue nullement que la partie civile ait pu bénéficier de tarifs préférentiels de la part de la société ayant procédé au changement concomitant des fenêtres de la mairie de l'Ile-aux-Moines et de sa résidence personnelle et l'expression " ce qui ne devrait pas a priori lui valoir le prix Nobel de la finesse et du tact politique " étant relativement mesurée, compte tenu du contexte d'opposition politique dans le cadre duquel elle est exprimée... ;
" alors que l'allégation suivant laquelle un maire aurait abusé de ses fonctions dans un intérêt personnel entre dans les prévisions de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, même si cette allégation est faite sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'il en est ainsi du courrier du 7 septembre 2006, comme l'avaient retenu les premiers juges, suggérant que le maire s'était rendu coupable de faits malhonnêtes en profitant de sa qualité de maire pour faire changer à bon compte ses volets en même temps que ceux de la mairie, par la même entreprise ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences juridiques qui en découlaient et a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que l'allégation ou l'imputation d'un fait déterminé portant atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne entre dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer le prévenu pour les faits du 7 septembre 2006, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les propos incriminés imputaient notamment au plaignant, maire de l'Ile-aux-Moines, le fait d'avoir obtenu pour des travaux personnels des tarifs préférentiels d'une entreprise oeuvrant pour la mairie, et celui d'avoir détourné des matériaux appartenant à la collectivité publique, faits portant atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 9 juin 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'ANGERS, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Anzani conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Monfort conseiller rapporteur, Mme Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;