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05/01/2010 | FRANCE | N°08-21062

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 janvier 2010, 08-21062


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 septembre 2008), que la SA Brasserie et développement, aux droits de laquelle se trouve la Sarl Brasserie et développement patrimoine (la société Brasserie) qui a donné à bail aux époux X..., aux droits desquels vient la société Les Deux Clés, des locaux commerciaux comprenant un logement d'habitation, a refusé le renouvellement du bail sans offrir d'indemnité d'éviction pour motif grave et légitime tiré de la sous-location

irrégulière du logement d'habitation et du défaut de paiement régulier des lo...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 septembre 2008), que la SA Brasserie et développement, aux droits de laquelle se trouve la Sarl Brasserie et développement patrimoine (la société Brasserie) qui a donné à bail aux époux X..., aux droits desquels vient la société Les Deux Clés, des locaux commerciaux comprenant un logement d'habitation, a refusé le renouvellement du bail sans offrir d'indemnité d'éviction pour motif grave et légitime tiré de la sous-location irrégulière du logement d'habitation et du défaut de paiement régulier des loyers ;

Attendu que la société Les deux Clés fait grief à l'arrêt de déclarer légitime et valable le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, alors, selon le moyen, que le congé donné sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction doit être justifié par un motif grave et légitime ; que peut constituer un tel motif le fait d'avoir omis d'inviter le bailleur à concourir à un contrat de sous-location dans la mesure où il s'agit d'un manquement à une obligation légale, voire contractuelle du locataire ; que toutefois, s'agissant d'une opération nécessairement autorisée par le bailleur, une telle omission ne constitue pas un manquement lorsqu'une société locataire ne fait qu'accorder à l'un de ses représentants personnes physiques ou de ses préposés, la jouissance de la partie du local commercial réservé à l'usage d'habitation qu'en sa qualité de personne morale, elle ne peut habiter bourgeoisement ; qu'en estimant toutefois, pour estimer établie l'existence d'une cause grave et légitime justifiant le refus d'une offre d'indemnité, qu'à un incident de paiement minime s'ajoutait l'absence de convocation du bailleur à la conclusion d'un contrat de sous-location et ce, tout en constatant que le preneur était une personne morale, que les locaux litigieux étaient réservés à l'habitation, et que ce " logement de fonction " avait été mis à disposition du frère du gérant en sa qualité de salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 145-17, L. 145-31 du code de commerce et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'une clause du bail renvoyait à l'article L. 145-31 du code de Commerce prévoyant le concours du bailleur à l'acte de sous-location, que, selon un procès-verbal de constat, la partie des locaux réservés à l'habitation était occupée depuis le 3 janvier 2001 par M. Y..., frère du gérant de la société les deux Clés, moyennant un loyer mensuel de 2 500 francs payé à cette dernière et que le bailleur n'avait été appelé à intervenir à aucun acte d'établissement d'une sous-location, la cour d'appel qui en a, à bon droit, déduit qu'il y avait une sous-location irrégulière, a pu retenir que la société preneuse, qui avait aussi manqué à deux reprises à son obligation de paiement régulier des loyers à leur échéance, avait accumulé des manquements suffisamment graves et répétés pour constituer un motif légitime, pour le bailleur, de s'opposer au renouvellement du bail sans indemnité d'éviction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Deux Clés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Deux Clés à payer à la société Brasserie et développement patrimoine la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Les Deux Clés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux conseils pour la société Les Deux Clés ;

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué :

D'AVOIR déclaré légitime et valable le refus de renouvellement sans indemnité délivré le 19 juillet 2005 avec effet au 1er avril 2006, ordonné l'expulsion des lieux de la société LES DEUX CLES et condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle fixée à 1. 840 € à compter du 1er avril 2006, et jusqu'à complète libération des lieux ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 145-17, I du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité, s'il justifie d'un motif grave et légitime à rencontre du locataire sortant ; que toutefois, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après une mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser ; que cette procédure est distincte de celle tendant à la résiliation du bail ouverte au bailleur par l'article 1184 du Code Civil ; qu'ainsi, même si les deux reposent sur des violations par le preneur des obligations du bail, dont le juge saisi doit apprécier le caractère de gravité suffisant, elles ne sauraient se confondre et, dès lors, l'appréciation de la gravité des motifs par une première juridiction saisie d'une demande en résiliation du bail ne s'impose pas à celle devant laquelle est en cause la validité d'un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction ; que par ailleurs, il est constant que la sous-location en infraction aux clauses du bail est une infraction irréversible qui ne nécessite donc pas, pour servir de motif au refus de renouvellement, la délivrance d'une mise en demeure telle que le prévoit l'article L. 145-47, I du code déjà cité ; qu'en revanche, le défaut de paiement des loyers nécessite, quant à lui, la délivrance de cette mise en demeure conformément aux dispositions de ce texte ; que dans le cas présent, il est constant que la SARL LES DEUX CLÉS a procédé à une sous-location de la partie des locaux réservés à l'habitation sans respecter la clause du bail qui renvoie à l'article L. 145-31 du code de commerce, lequel prévoit que, en cas de sous-location autorisée, le propriétaire doit être appelé à concourir à l'acte par lequel la sous-location est instaurée ; qu'en effet, la SARL BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE a fait établir un procès-verbal de constat le 14 janvier 2003 duquel il résulte que les étages des locaux loués sont occupés par Monsieur Christian Y..., frère du gérant de la SARL LES DEUX CLÉS, moyennant un loyer mensuel de 2. 500 F payé à cette dernière alors que le bailleur n'avait été appelé à intervenir à aucun acte d'établissement d'une sous-location ; que le premier juge a considéré que cette violation des clauses du bail ne présentait pas un caractère de gravité suffisant, notamment eu égard à la brièveté du manquement par rapport à la durée du bail ; qu'il s'est vraisemblablement appuyé, en cela, sur la durée écoulée entre le procès-verbal de constat le 14 janvier 2003 d'une part, et la date du août 2003 d'autre part où il a été constaté que les meubles meublants les locaux avaient disparu des étages de l'immeuble ; qu'or, il résulte des éléments du constat que l'occupation de la partie habitation par voie de sous-location avait commencé à une date beaucoup plus ancienne que celle prise ainsi en considération ; qu'en effet, dans l'avenant au contrat de travail annexé au procès-verbal de constat, document remis par le gérant de la SARL LES DEUX CLÉS, il est mentionné que cette dernière a mis le logement de fonction à disposition de Monsieur Christian Y... moyennant un loyer mensuel de 2. 500 F à compter du 3 janvier 2001 soit un peu plus de deux années avant l'établissement du constat ; que ce point est repris par la SARL BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE dans ses conclusions, pour l'appréciation de la gravité de cette violation, puisqu'elle évoque sur ce point une durée de plus de deux années ; que la SARL LES DEUX CLÉS n'a en rien, dans ses propres conclusions contesté cette durée, signalé au moins par deux fois dans les écritures adverses ; que par ailleurs, la SARL LES DEUX CLÉS se prévaut de ce qu'elle a, par la suite, fait établir un contrat de sous-location en date du 1er septembre 2003 en appelant la société bailleresse à concourir à l'acte ; qu'or, d'une part cette signature d'un bail de souslocation en respect des clauses contractuelles est intervenue après la constatation officielle, par le procès-verbal dont il a été fait état plus haut, à l'initiative du bailleur, de l'existence d'une sous-location irrégulière, et après la délivrance, par la société bailleresse, d'une assignation tendant à voir prononcer la résiliation du bail pour ce motif ; qu'ensuite, la SARL BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE, en réponse à la signification par la SARL LES DEUX CLÉS de son intention de sous-louer le 12 août 2003, a répondu par acte d'huissier du 19 août 2003 qu'elle entendait concourir à l'acte de sous-location qui devait intervenir, mais y a exprimé aussi expressément que cette réponse était effectuée sous les plus expresses réserves dans la mesure notamment où il ne lui avait pas été précisé s'il s'agissait d'un nouveau souslocataire ou d'une tentative de régularisation de la sous-location précédemment consentie en infraction au bail, et sans aucun préjudice de la procédure en cours aux fins de résiliation du bail pour ce dernier motif, et qui serait en tout état de cause maintenue ; qu'il en résulte de façon suffisamment claire que l'acceptation, par la société bailleresse, de concourir à l'acte de sous-location qui a été signé le 1er septembre 2003 ne peut en aucun cas être interprétée comme une ratification de la sous-location précédente, d'autant plus que l'acte en cause n'est pas produit aux débats, et qu'il n'est pas, dès lors, démontré que le bail de sous-location concerne les mêmes personnes que celles qui avaient bénéficié de la mise à disposition des locaux auparavant, ce point n'ayant pas même été précisé dans les conclusions de la SARL LES DEUX CLÉS ; que par ailleurs, la SARL BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE a fondé son refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction aussi sur le non-respect de la clause du bail relative au paiement régulièrement et à leur échéance des loyers convenus ; qu'à cet égard, il est constant que la SARL BRASSERIE ET DEVELOPPEMENT PATRIMOINE a fait délivrer à la SARL LES DEUX CLÉS un commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 12 avril 2005, notamment pour le paiement du loyer échu le 1er avril 2005 pour un montant de 5. 516, 75 € ; qu'il est encore constant que le paiement de ce loyer soit 5. 516, 75 € est intervenu le 3 mai 2005 soit dans le mois de la délivrance du commandement ; que pour autant, la totalité de ce qui était dû et visé dans ce commandement n'était pas alors réglée ; qu'en effet, il restait un solde 937, 58 € qui a été réglé après l'expiration du délai d'un mois, ce solde représentant des frais ainsi qu'un reliquat cumulé sur des loyers précédents ; qu'en effet, le décompte annexé au commandement du 12 avril 2005 fait apparaître des retards réguliers dans le paiement des loyers, répétés depuis le 1er juillet 2003 soit près de deux ans auparavant ; que sur ce point, d'ailleurs, la SARL BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE verse au dossier un précédent commandement (sa pièce n° 16) délivrée à la SARL LES DEUX CLÉS le 7 novembre 2003 pour le paiement du loyer échu au 1er octobre 2003 ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la SARL LES DEUX CLÉS dans ses conclusions et à ce qu'a retenu le Tribunal dans le jugement déféré, pour considérer l'absence de gravité de ce manquement, la délivrance du commandement en date du 12 avril 2005 n'a pas correspondu à un incident de paiement unique ou isolé, mais elle a stigmatisé un comportement de retard de paiement devenu quelque peu habituel, et en toute hypothèse réitéré malgré une première mise en demeure intervenue plusieurs mois auparavant ; qu'il convient, en outre, de constater que le premier commandement délivré le 7 novembre 2003 contenait, au bas de la seconde page, l'expression de l'intention du bailleur de faire appliquer les dispositions de l'article L. 145-17 du code de commerce (relatif au refus de renouvellement sans indemnité d'éviction) pour le motif de défaut de paiement des loyers, et que le texte de cet article était alors reproduit intégralement dans cet acte ; qu'en cela, ce commandement constituait une mise en demeure conforme aux prescriptions du dit article L. 145-17 permettant au bailleur d'invoquer l'infraction de défaut de paiement de loyer, à l'appui du refus de renouvellement, si la dite « infraction s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après » cette mise en demeure ; qu'il apparaît que, dans le cas présent, l'infraction de défaut de paiement du loyer, si elle ne s'est pas poursuivie puisque le solde du loyer ainsi échu a été réglé le 18 novembre 2003, s'est néanmoins renouvelée après cette mise en demeure ainsi qu'il résulte du décompte annexé au commandement du 12 avril 2005, dont le contenu n'a pas été contesté par la SARL LES DEUX CLES ; qu'au surplus, cette infraction de défaut de paiement des loyers et accessoires s'est poursuivie un mois après la délivrance du second commandement puisque le solde n'a pas été réglé intégralement dans le mois, ce qui a constitué une seconde infraction caractérisée de défaut de paiement des loyers dans les délais contractuels ; qu'il résulte de cette accumulation de manquements perpétrés et réitérés dans de telles circonstances, des violations, de la part du preneur, des obligations du bail suffisamment graves et répétées pour constituer un motif légitime, pour le bailleur, de s'opposer au renouvellement du bail sans indemnité d'éviction en application des dispositions de l'article L. 145-17, 1 du code de commerce ; que le jugement déféré sera donc infirmé dans sa totalité, et le refus de renouvellement de la SARL BRASSERIE ET DÉVELOPPEMENT PATRIMOINE considéré comme légitime ;

ALORS QUE le congé donné sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction doit être justifié par un motif grave et légitime ; que peut constituer un tel motif le fait d'avoir omis d'inviter le bailleur à concourir à un contrat de sous-location dans la mesure où il s'agit d'un manquement à une obligation légale, voire contractuelle du locataire ; que toutefois, s'agissant d'une opération nécessairement autorisée par le bailleur, une telle omission ne constitue pas un manquement lorsqu'une société locataire ne fait qu'accorder à l'un de ses représentants personnes physiques ou de ses préposés, la jouissance de la partie du local commercial réservé à l'usage d'habitation qu'en sa qualité de personne morale, elle ne peut habiter bourgeoisement ; qu'en estimant toutefois, pour estimer établie l'existence d'une cause grave et légitime justifiant le refus d'une offre d'indemnité, qu'à un incident de paiement minime s'ajoutait l'absence de convocation du bailleur à la conclusion d'un contrat de sous-location et ce, tout en constatant (arrêt attaqué, page 4, dernier §) que le preneur était une personne morale, que les locaux litigieux étaient réservés à l'habitation, et que ce « logement de fonction » avait été mis à disposition du frère du gérant en sa qualité de salarié, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 145-17, L. 145-31 du Code de commerce et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-21062
Date de la décision : 05/01/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 16 septembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 jan. 2010, pourvoi n°08-21062


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.21062
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