La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2009 | FRANCE | N°08-17900

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 décembre 2009, 08-17900


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que les époux X... ont acquis en 1985 une péniche dont l'exploitation s'est révélée déficitaire ; qu'ils ont recherché la responsabilité de l'établissement public industriel et commercial dénommé Office national de navigation devenu Voies navigables de France (VNF) pour avoir diffusé une étude de rentabilité erronée, les ayant déterminés dans leur achat ;
Attendu que pour rejeter leur demande en réparation du

préjudice subi, l'arrêt énonce que l'étude litigieuse n'a pas été visée dans les d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que les époux X... ont acquis en 1985 une péniche dont l'exploitation s'est révélée déficitaire ; qu'ils ont recherché la responsabilité de l'établissement public industriel et commercial dénommé Office national de navigation devenu Voies navigables de France (VNF) pour avoir diffusé une étude de rentabilité erronée, les ayant déterminés dans leur achat ;
Attendu que pour rejeter leur demande en réparation du préjudice subi, l'arrêt énonce que l'étude litigieuse n'a pas été visée dans les documents contractuels, qu'il s'agit d'une étude de prospective générale et impersonnelle, conditionnelle et aléatoire ; qu'il n'est pas contesté qu'entre la date de l'étude et celle des prêts une augmentation sensible du coût prévisionnel de production des automoteurs est intervenue et qu'il s'ensuit que cette étude ne peut être considérée comme déterminante du consentement des demandeurs ; qu'il ne saurait davantage être reproché à l'établissement public de ne pas avoir appelé l'attention des demandeurs sur les limites de l'étude de rentabilité et le poids de l'investissement envisagé, au regard de son obligation contractuelle de conseil et de renseignement ; qu'il appartenait en effet aux époux X... de se renseigner sur la viabilité de leur projet d'acquisition sans tenir pour acquis les chiffres avancés par une étude générale de 1980 même réactualisée l'année suivante ; qu'en outre les conditions de financement privilégiées dont ont pu bénéficier les demandeurs ne sauraient en aucune façon constituer une garantie de rentabilité de l'opération ; qu'il s'ensuit que le rôle de l'établissement public dans l'étude présentée, le financement et la construction de l'automoteur acquis par eux ne pouvait être retenu comme fautif ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen qui faisait valoir que dans une lettre du 15 octobre 1996, l'établissement public avait reconnu expressément que tout le dispositif financier reposait sur l'étude économique et financière réalisée par l'ONN dans le but d'ajuster les capacités financières des bateliers aux remboursements effectifs, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Les Voies navigables de France aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour les époux X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leur demande tendant au paiement des sommes de 888.000 et 117.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exactement relevé que l'étude réalisée sous l'égide de l'Office national de la navigation, devenue VNF, dans le cadre de ses fonctions administratives avait un but informatif et non incitatif ; qu'à juste titre ils ont souligné que l'étude litigieuse n'est pas visée dans les documents contractuels ; qu'en outre, VNF fait justement valoir que l'étude litigieuse énonce en son 6ème paragraphe qu' « en ces périodes de conjonctures incertaines, il est extrêmement difficile d'imaginer ce que sera l'évolution de chaque poste de dépenses ainsi que de recettes (…), compte tenu de ces différents facteurs agissant en sens contraire et dans l'incertitude de l'évolution des recettes (…) » ; que de l'ensemble de ces éléments, il résulte que l'étude en cause, diffusée près de 5 ans avant l'achat du bateau par les appelants ne peut être regardée comme déterminante de leur consentement à l'achat ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les demandeurs font grief à l'Office national de la navigation devenu Les voies navigables de France d'une part, d'avoir assuré la promotion de l'automoteur de 850 m3 auprès des bateliers en présentant une étude de rentabilité contenant de graves erreurs d'estimation et d'appréciation, manquant ainsi à son obligation de conseil et d'information, d'autre part, d'avoir directement participé au montage financier permettant d'en assurer l'acquisition, s'engageant ainsi à mettre en place un bateau d'une rentabilité certaine liée notamment à des conditions de financement privilégiées ; qu'ils soutiennent être des usagers ayant bénéficié des prestations de l'établissement public auquel ils étaient rattachés, intervenu au titre de sa mission de service public en procédant à l'étude d'un nouveau bateau à lancer sur le marché fluvial et au titre de la mise en oeuvre du projet en procédant à la « commercialisation du bateau » ; que les demandeurs qui ont acquis le bateau automoteur 850 m3 en 1985 recherche la responsabilité de l'établissement public en se fondant sur une étude de rentabilité réalisée sur des données de l'année 1980 ; que cette étude n'est pas visée dans les documents contractuels ; qu'en outre, il s'agit d'une étude prospective générale et impersonnelle, conditionnelle et aléatoire ; qu'il n'est pas contesté qu'entre la date de l'étude et celle des prêts, une augmentation sensible du coût prévisionnel de production des automoteurs est intervenue ; qu'il s'ensuit que cette étude ne peut être considérée comme déterminante du consentement des demandeurs ; qu'il ne saurait davantage être reproché à l'établissement public de n'avoir pas appelé l'attention des demandeurs sur les limites de l'étude de rentabilité et le poids de l'investissement envisagé, au regard de leur obligation extra-contractuelle de conseil et de renseignement ; qu'il appartenait, en effet, à M. et Mme X... de se renseigner sur la viabilité de leur projet d'acquisition sans tenir pour acquis les chiffres avancés par une étude générale de 1980, même réactualisée l'année suivante ; qu'en outre, les conditions de financement privilégiées dont ont pu bénéficier les demandeurs ne sauraient en aucune façon constituer une garantie de rentabilité de l'opération ; qu'il s'ensuit que le rôle de l'établissement public dans l'étude présentée, le financement et la construction de l'automoteur acquis par M. et Mme X... ne peut être retenu comme fautif ; qu'au surplus, le lien de causalité entre la faute alléguée et le caractère déficitaire de l'exploitation invoqué par les demandeurs n'est nullement établi ; qu'il convient en conséquence de débouter M. et Mme X... de leurs prétentions ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'Office national de la navigation, devenu Les voies navigables de France, qui a notamment pour missions de centraliser et de porter à la connaissance du public les renseignements de toute nature concernant la navigation intérieure, ensemble de promouvoir les mesures tendant à améliorer l'exploitation des voies navigables, tel le renouvellement du matériel fluvial, est responsable, à l'égard des bateliers indépendants, des fautes qu'il commet dans l'exercice de ces activités ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si très loin de se borner à mettre au point, au début des années 1980, une étude préalable portant sur la construction d'un nouveau type de matériel fluvial, l'ONN (devenue VNF) n'avait pas assuré lui-même la promotion et la maîtrise d'oeuvre, de bout en bout, de cette opération et si, dès lors, il ne pouvait lui être reproché d'avoir failli à son obligation de renseignement et de conseil à l'égard des mariniers en arrêtant le choix d'un automoteur de 850 m3 et en menant à terme le programme de construction de ce matériel fluvial sans tenir compte, ni des orientations de son ministère de tutelle, qui tendaient à l'époque à privilégier le transport routier et ferroviaire, au détriment du transport fluvial, ni de la concurrence étrangère et notamment hollandaise, qui disposait de navires d'un tonnage trois fois supérieur, encourageant de la sorte les bateliers indépendants à s'engager dans de très lourds investissements, au mauvais moment, et pour l'achat d'un matériel inadapté (cf. les dernières écritures des époux X..., page 13 et suivantes), la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, ensemble au regard des articles 1 et 2 du décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en ne recherchant pas davantage si, très loin de se limiter à la mise au point d'une étude préalable au début des années 1980, le rôle de l'ONN n'avait pas également consisté à mettre en place les financements nécessaires à l'opération de construction et à assurer directement, auprès des bateliers, le rôle d'un prêteur de deniers et si dès lors, à ce titre également, faute d'avoir répercuté sur les bateliers emprunteurs les informations pertinentes, qu'elle avait pour mission de collecter et de diffuser, sur la rentabilité de ce projet, que l'Office avait mené à terme au détriment des professionnels dont il était l'autorité de référence, lors même qu'il était avéré, dès 1983, que sa rentabilité était irrémédiablement compromise, l'Etablissement public n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde contre le risque d'un endettement excessif et engagé de la sorte sa responsabilité pour octroi abusif de concours totalement disproportionnés aux facultés prévisibles de remboursement des emprunteurs (cf. les dernières écritures des époux X..., pages 15 et suivantes), la cour prive de nouveau sa décision de toute base légale au regard des articles 1 et 2 du décret n° 60-1441 du 26 décembre 1960 ;
ET ALORS QUE, ENFIN, les juges du fond doivent s'expliquer sur tous les éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en raisonnant comme si l'étude réalisée par l'ONN au début des années 1980 était totalement déconnectée des opérations d'achat et de crédit réalisées par les époux X... en 1985 et en affirmant que cette étude n'étaient pas entrées dans le champ contractuel, sans prendre en considération la lettre du 15 octobre 1996 émanant des VNF elles-mêmes, régulièrement produite aux débats et invoquée à plusieurs reprises par les époux X... dans leurs conclusions d'appel (cf. leurs dernières écritures p. 13, § 3 et s., p. 15 § 5 et p. 18, § 3), dans laquelle l'établissement public reconnaissait expressément que tout le dispositif financier « reposait sur l'étude économique et financière réalisée par l'ONN dans le but d'ajuster précisément les capacités de remboursement des bateliers en remboursements effectifs », la cour méconnaît les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, violé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-17900
Date de la décision : 17/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PRET - Prêt d'argent - Prêteur - Office national de la navigation - Responsabilité - Manquement au devoir de conseil - Applications diverses

L'exploitation d'une péniche, acquise au moyen d'un prêt consenti par l'Office national de la navigation, s'étant révélée déficitaire, viole l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel qui a débouté les exploitants de leur action en responsabilité engagée contre cet établissement public pour avoir diffusé une étude de rentabilité erronée, sans répondre au moyen faisant valoir que celui-ci leur avait adressé une lettre dans laquelle il reconnaissait expressément que tout le dispositif reposait sur cette étude réalisée dans le but d'ajuster les capacités financières des bateliers aux remboursements effectifs


Références :

Cour d'appel de Paris, 22 janvier 2008, 06/17568
article 455 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 janvier 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 déc. 2009, pourvoi n°08-17900, Bull. civ. 2009, I, n° 252
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, I, n° 252

Composition du Tribunal
Président : Mme Crédeville (conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur)
Avocat général : M. Legoux
Avocat(s) : Me Blondel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.17900
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award