LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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X... Antoine,
contre l'arrêt n° 228 de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 26 novembre 2008, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à 10 000 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de l'article 14 § 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l'article 4 du Protocole n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la règle non bis in idem, des articles 1741, 1742, 1743, 1745, 1750 du code général des impôts, L.123-13 à L.123-15 du code de commerce, 6, 368, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de la règle non bis in idem ;
"aux motifs qu'aucune irrégularité ne saurait résulter d'une double poursuite, l'une du chef d'abus de biens sociaux, l'autre du chef d'infractions fiscales, ayant pour origine la même vérification de comptabilité, ces deux infractions sanctionnant l'atteinte à des intérêts distincts, prévus par des textes distincts, la règle non bis in idem étant d'ailleurs inapplicable à une procédure pénale ;
"1) alors que la règle non bis in idem est un principe constant du droit pénal et de la procédure pénale ; qu'en affirmant que la règle non bis in idem était inapplicable à une procédure pénale, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2) alors qu'en vertu de la règle non bis in idem, un même fait autrement qualifié ne peut faire l'objet d'une double poursuite, d'une double déclaration de culpabilité et d'une double peine ; qu'en l'espèce, les faits retenus par l'arrêt attaqué, à l'encontre d' Antoine X..., comme constitutifs du délit de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt, d'omission de déclaration, de fraude fiscale, d'omission d'écriture dans un document comptable ayant déjà fait l'objet d'un jugement définitif du 14 décembre 2007 ayant conduit à sa condamnation pour abus de biens sociaux, il en résultait qu'un fait unique de transport maritime avait été poursuivi et puni deux fois, sous deux incriminations différentes ; qu'en affirmant le contraire, l'arrêt attaqué a donc violé les textes et principes susvisés";
Attendu que le demandeur ne saurait soutenir qu'a été méconnue la règle selon laquelle un seul fait ne peut être poursuivi deux fois, dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fond que les infractions d'abus de biens sociaux pour lesquels il a été condamné définitivement sont distincts des délits de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, objet des présentes poursuites ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 1741, 1742, 1743, 1745, 1750 du code général des impôts, L.123-13 à L.123-15 du code de commerce, L.80 F à L.80 H du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables les exceptions de procédure soulevées pour la première fois devant la cour d'appel ;
"aux motifs que seules les deux dernières exceptions déjà soumises à l'appréciation du tribunal, reprises devant la cour, sont recevables, toutes les autres devant être déclarées irrecevables" ;
"alors qu'Antoine X... faisait valoir que les procédures fiscales engagées à son encontre résultaient clairement d'une procédure d'enquête réalisée à l'encontre de la société Isotel, que le droit d'enquête (articles L.80 F à L.80 H du livre des procédures fiscales) aurait dû déboucher directement sur la vérification de comptabilité de la société Isotel puisqu'elle était visée directement par l'avis d'enquête mais que contre toute logique, le droit d'enquête avait été utilisé directement chez Antoine X... pour établir des bases taxables peu fiables et demandait à la cour d'appel, suivant en cela la décision Ravon de la Cour européenne des droits de l'homme intervenue le 21 février 2008, soit postérieurement au jugement de première instance du 14 décembre 2007, de déclarer la procédure résultant des articles L.80 F à L.80 H du livre des procédures fiscales, contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ce d'autant plus que la jurisprudence ouverte par l'arrêt Ravon était d'application directe en droit français, en vertu de l'article 44 § 2 de ladite Convention ; qu'en ne répondant pas à ce moyen dirimant d'où il ressortait que la procédure diligentée à l'encontre d'Antoine X... était illégale depuis l'intervention de l'arrêt Ravon et que cette illégalité pouvait être invoquée pour la première fois devant la cour d'appel, l'arrêt Ravon ayant été rendu postérieurement au jugement du 14 décembre 2007, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision";
Attendu que l'arrêt a, à bon droit, déclaré irrecevable l'exception de nullité de la procédure d'enquête diligentée par l'administration fiscale, dès lors qu'elle a été soulevée pour la première fois en cause d'appel ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 1741, 1742, 1743, 1745, 1750 du code général des impôts, L.123-13 à L.123-15 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antoine X... coupable de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt, d'omission de déclaration, de fraude fiscale, d'omission d'écriture dans un document comptable et l'a condamné à 10 000 euros d'amende, a ordonné la publication par extraits de la décision dans deux journaux et son affichage dans la commune pendant quinze jours";
"aux motifs qu'il résulte des investigations menées par les services fiscaux et du procès-verbal dressé le 1er avril 2003 qu' Antoine X... exerçait une activité de transport maritime de passagers et de location de navires, de manière occulte, qui lui a permis d'encaisser des sommes importantes, ce dont il résulte notamment de l'examen de deux de ses comptes ouverts dans les livres de la Société générale; que le contrôle de facturation de la SARL Isotel qui exploite un hôtel restaurant sur l'île de Cavallo, au titre des années 1999 à 2002, a, en effet, révélé l'existence de factures délivrées pour la réalisation de transport de passagers, sous le libellé « Croisières Monte Cristo Lavezzi Cavallo Tony X...... », et de versements effectués à ce nom, sans qu'Antoine X... ne soit ni déclaré au registre du commerce ni au centre des impôts de Porto Vecchio pour cette activité commerciale ; qu'en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées, il s'est abstenu de souscrire les déclarations annuelles de taxe sur le chiffre d'affaires des années 2000 et 2001 et les déclarations des bénéfices industriels et commerciaux au titre des exercices clos les 31 décembre 2000 et 2001, en violation des dispositions des articles 12, 53 A, 170, 256 et suivants et 287-3 du code général des impôts ; que les déclarations d'ensemble de ses revenus personnels au titre des mêmes années se sont avérées très fortement minorées en raison de ces dissimulations ; qu'il n'a présenté aucun des documents comptables obligatoires et n'a nullement tenté de régulariser sa situation même postérieurement au contrôle ; que le chiffre d'affaires reconstitué par l'administration fiscale à partir des revenus ci-dessus spécifiés, déduction faite des charges estimées par Antoine X..., sans retenir les versements «espèces» que le vérificateur a acceptés d'affecter à l'activité «pêche» est de 1 121 429 francs hors taxes pour 2000 et de 984 305 francs hors taxes pour 2001 ; que ces irrégularités non réellement contestées devant le vérificateur, Antoine X... ayant notamment reconnu avoir utilisé pour l'exercice de ses deux activités non déclarées le « Y... Vic » à compter de 1994, « l'Edmond Z... » de 1991 à 1999, « le Monte Cristo» à compter de juin 1999 ponctuellement loué à l'association syndicale des propriétaires de l'île de Carvallo et «le Makaira» mis à la disposition de son père (ancien propriétaire) ne pouvaient être ignorées puisque l'essentiel du produit de la fraude était encaissé sur le compte bancaire de l'intéressé et ne pouvait se confondre avec le seul revenu dont il disposait alors, lié à son activité de patron pêcheur ès qualités de gérant de la sarl Sud nautique évasion ; qu'il résulte de ce qui précède que la culpabilité du prévenu est caractérisée dans tous ses éléments et que le montant des droits éludés par Antoine X... est de 18 230 euros, en ce qui concerne la TVA, et de 82 541 euros, pour ce qui est de l'impôt sur le revenu ; que cela justifie pleinement des sanctions appropriées prononcées par le tribunal correctionnel d'Ajaccio" ;
"1) alors qu'Antoine X... faisait valoir que l'élément matériel des infractions reprochées n'était pas caractérisé dès lors que si un premier jugement, en date du 14 décembre 2007, avait été rendu sur citation directe d' Antoine X... devant le tribunal correctionnel à l'initiative de l'administration fiscale, il existait un second jugement du même jour qui l'avait condamné à un an d'emprisonnement ferme pour abus de biens sociaux et que cette décision permettait d'établir qu'en réalité, l'administration fiscale essayait de lui faire endosser, au titre d'un bénéfice industriel et commercial (BIC), ce qui résultait d'une activité d'une société pour laquelle Antoine X... avait déjà été condamné le 14 décembre 2007 et que les sommes déposées sur ses comptes personnels provenant de la SARL Sud nautique évasion ne résultaient donc pas d'une base taxable BIC, ce qui expliquait qu'elles n'aient pas fait l'objet de déclaration propre de sa part ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'absence de déclaration par Antoine X... de revenus, à titre personnel, ne s'expliquait pas par le fait que ces revenus ne lui étaient pas propres mais appartenaient à la société Sud nautique évasion, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision";
"2) alors que, pour que le délit de fraude fiscale soit constitué, il faut qu'il y ait omission volontaire de la part du contribuable de souscrire ses déclarations et que la charge de la preuve de l'infraction incombe au ministère public et à l'administration fiscale ; qu'en se bornant à relever que des irrégularités qui ont notamment consisté en l'absence partielle de comptabilité ne pouvaient être ignorées puisque l'essentiel du produit de la fraude était encaissé sur le compte bancaire de l'intéressé sans caractériser l'élément intentionnel du délit, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale";
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;