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16/12/2009 | FRANCE | N°08-43492

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2009, 08-43492


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 22 mai 2008), que M.

X...

a été engagé le 17 septembre 2003 par l'association Grand Voile et moteurs devenue l'association Philae en qualité de directeur du centre éducatif fermé Txingudi d'Hendaye ; qu'il a été licencié le 17 novembre 2004 ;

Attendu que M.

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fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que son licenciement était fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen, que
l'insuffisance profe

ssionnelle ne constitue pas en elle-même une faute ; qu'en constatant que le salarié avait fait preuve d'erreu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 22 mai 2008), que M.

X...

a été engagé le 17 septembre 2003 par l'association Grand Voile et moteurs devenue l'association Philae en qualité de directeur du centre éducatif fermé Txingudi d'Hendaye ; qu'il a été licencié le 17 novembre 2004 ;

Attendu que M.

X...

fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que son licenciement était fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen, que
l'insuffisance professionnelle ne constitue pas en elle-même une faute ; qu'en constatant que le salarié avait fait preuve d'erreurs et d'insuffisances dans ses fonctions de directeur d'un centre éducatif fermé, sans relever une insubordination ou une mauvaise volonté délibérée de sa part pouvant seul caractériser une faute et sans relever que lesdites erreurs résultaient de sa mauvaise volonté ou d'un manquement délibéré à ses obligations, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-40 et L. 122-32-2 anciens devenus les articles L. 1234-1, L. 1234-4, L. 1234-5, L. 1234-6, 1234-9, 1331-1, L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M.

X...

, en dépit des trois inspections successives des services de la protection judiciaire de la jeunesse dont il ne pouvait ignorer les conclusions, avait persisté à bafouer la législation du travail, ce qui avait entraîné une mise en demeure de l'inspection du travail, et à ne pas respecter le cahier des charges, qu'il avait pris seul la décision d'accueillir six nouveaux mineurs simultanément, ce qui était de nature à perturber profondément l'établissement et avait conduit à une suspension des admissions, avec des conséquences financières, et qu'il avait eu des attitudes contribuant à la dégradation du climat social, notamment des mesures discriminatoires ou de favoritisme à l'égard de certains salariés ou mineurs, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé la mauvaise volonté délibérée du salarié, a pu décider que ce comportement rendait impossible son maintien dans l'établissement et était constitutif d'une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M.

X...

aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M.

X...

.

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur

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justifié par une faute grave et de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir dire ledit licenciement nul et tendant à la de condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 27. 956 € à titre d'indemnité de préavis et la somme de 55. 912 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de la lettre de licenciement en date du 17 novembre 2004, l'employeur expose que, malgré les nombreuses mises en garde formulées notamment suite aux inspections de l'autorité de contrôle et en l'absence d'amélioration du comportement, il résulte de l'inspection de l'autorité de tutelle, axée plus spécialement sur le fonctionnement du centre et notamment sa conformité aux cahiers des charges des centres éducatifs fermés, les éléments suivants :- dans le cadre de la première inspection, les inspecteurs ont constaté de profondes carences dans l'application de la législation dont Monsieur Kouider

X...

est garant de par ses fonctions de directeur et son statut de cadre, et de surcroît une méconnaissance inquiétante des dispositions légales en matière de droit du travail, outre un comportement en qualité de directeur à l'égard de ses subordonnés, décrit comme irrespectueux, autoritaire, voire cassant ; que l'employeur précise cependant que malgré ces dysfonctionnements, la fonction nécessitant un certain temps d'adaptation, la direction l'a soutenu ;- dans le cadre d'un second rapport de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, il n'a été constaté aucune amélioration pour se conformer à la législation et notamment au respect du cahier des charges et de surcroît la législation du travail est toujours bafouée, précisant que le comportement du directeur vis-à-vis des jeunes accueillis et du personnel se dégrade considérablement, portant préjudice au bon fonctionnement de l'établissement, ayant pour conséquence une perte totale de confiance de l'équipe, une absence de dialogue et une dégradation du climat social ;- dans le cadre d'un dernier déplacement de l'inspection les 11, 12, 13 et 14 octobre 2004, il a été mis en exergue des éléments sur la situation du CEF particulièrement choquants et inacceptables liés à la manière dont le directeur exerce sa fonction ; que l'employeur constate que rien n'a été fait sur la mise en place du pôle santé qui reste nettement insuffisant et sur une absence d'investissement dans sa mission ; qu'il est constaté de surcroît des initiatives particulièrement malheureuses en matière de management contribuant à accentuer un climat social particulièrement conflictuel : l'installation d'une pointeuse « à l'usage du personnel » inappropriée dans un centre qui se veut éducatif et convivial, mesure choquant particulièrement les éducateurs, l'exigence de la remise d'un chèque de caution de 150 € au personnel, initiative illégale, le non-respect des dispositions concernant la durée du travail ayant justifié une lettre de mise en demeure de l'inspection du travail, des démonstrations de discrimination et favoritisme à l'égard des salariés, le refus systématique de demandes de congé à certains salariés, indifférence, rigidité, voire incorrection vis-à-vis du chef de service et des éducateurs ;- qu'en outre la décision prise seul par le directeur d'accueillir en octobre simultanément 6 nouveaux mineurs sans se soucier d'assurer une montée en charge progressive des admissions permettant la constitution d'un groupe « gérable » par les professionnels ; démontrant son incapacité à assumer ses fonctions de directeur mais également sa volonté de refaire déraper le personnel et peut-être de remettre en difficultés rétablissement ; que la faute grave dont la preuve appartient à l'employeur se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'aux termes de l'article 14. 2 de la Convention collective, le directeur d'établissement, par délégation des instances dirigeantes de l'association et sous leur contrôle est chargé de la conception et la mise en oeuvre et du développement des actions éducatives, pédagogiques, techniques ou thérapeutiques pour lesquelles rétablissement ou service est créé et autorisé, dispose du pouvoir disciplinaire, conformément aux délégations accordées, est responsable de la sécurité des personnes et des biens qui lui sont confiés, élabore ou participe à l'élaboration du budget de l'établissement ou service et ordonnance les dépenses dans le cadre du budget qui lui est alloué pour l'exploitation dont il est responsable, peut bénéficier en outre d'autres délégations proposées par les instances dirigeantes de l'association ; qu'il résulte des pièces produites qu'une mission d'inspection a été diligentée au sein du centre d'éducation fermé d'Hendaye par les services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse en trois étapes : les 6, 7 et mai, puis le 24 juin et enfin les 11, 12, 13 et 14 octobre 2004 ; que la mission a été effectuée par le chef de l'inspection et deux inspecteurs qui se sont entretenus avec le président et le secrétaire général de l'association, le directeur du centre et la chef de service éducatif, ainsi que l'ensemble des personnels outre le directeur régional adjoint et le directeur départemental de la P. P. J. ; qu'aux termes de la première étape, effectuée les 6, 7 et 8 mai, les services d'inspection constatent un mécontentement d'une partie des éducateurs en raison de l'indisponibilité du directeur lors de mouvements de turbulences, une inadaptation des réponses apportées par le directeur à des situations de crise, des emplois du temps de personnel continuellement remis en question, le personnel accusant le directeur d'être devenu autoritaire, cassant, rigide et incohérent dans ses prises de décision, cette situation conduisant à des arrêts maladie du personnel qui se multiplient jusqu'au dépôt d'un préavis de grève ; qu'il est mentionné des lacunes dans la prise en charge tenant à des éléments extérieurs à Monsieur Kouider

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tel que l'absence de psychologues, d'enseignants, le matériel éducatif insuffisant mais également à des éléments impliquant ce dernier tels que le manque de dialogue entre cadres et éducateurs, le management très insuffisamment sécurisant voire distant du directeur ; qu'il est ainsi préconisé différentes mesures dont certaines relevant des attributions de Monsieur

X...

, telles que la mise en conformité des pratiques avec les droits et libertés des mineurs (respect de la confidentialité des correspondances, cessation des fouilles à corps et des sanctions non-conformes à la loi) une organisation du temps de travail des membres de l'équipe éducative permettant le passage des consignes, la médiation de l'inspecteur du travail sur les questions inhérentes au droit du travail et au respect des salariés et la mise en place par le directeur d'une supervision d'équipe pour faciliter la mise à distance des événements liés à la violence et l'agressivité des jeunes ; qu'au terme de la deuxième visite, le 24 juin, réunissant les mêmes personnes dont le directeur, il est précisé « pour sa part, l'inspection doute des capacités de Monsieur Kouider

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à s'investir dans ses fonctions, alors même que le conflit social a été résolu ; que ses erreurs de positionnement sont flagrantes : embauche de son beau-frère à un poste d'agent d'entretien, puis volonté de le promouvoir sur une fonction éducative, favoritisme à l'égard d'un mineur, attitudes rigides, difficultés à se remettre en cause, incapacité à faire revivre une équipe de cadres avec la chef de services et la psychologue » ; qu'il est conclu par la mission d'inspection que le centre est fragilisé par les incertitudes qui pèsent sur la fonction de management ; qu'enfin il est noté qu'afin de respecter le cahier des charges reste à travailler le caractère intensif de la prise en charge éducative, le phasage de cette prise en charge, la communication des documents prévus par la loi du 2 janvier 2002 et la rédaction des différents bilans ; qu'enfin dans une troisième note d'information suite aux déplacements des 11, 12, 13 et 14 octobre 2004, il est constaté des prises d'initiatives particulièrement malheureuses du directeur qui ont contribué à accentuer le climat de tensions telles que l'installation d'une « pointeuse » à l'usage du personnel, l'exigence d'un chèque de caution de 150 € contre la remise de la clé de l'établissement à chaque membre du personnel, la décision prise par lui seul d'accueillir simultanément six nouveaux mineurs sans souci d'assurer une montée en charge progressive des admissions permettant la constitution d'un groupe « gérable » par les professionnels, ces admissions ayant engendré un effet « cocotte-minute » ; le rapport conclut à la nécessité de différer à la mi-novembre le placement de mineurs, mesure déjà appliquée en juillet mais qui cependant ne peut être que ponctuelle eu égard notamment aux conséquences financières ; qu'il résulte de l'ensemble de cette mission d'inspection qui s'est déroulée de mai à octobre 2004 que Monsieur Kouider

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, chargé en sa qualité de directeur, statut cadre, de la conception, la mise en oeuvre et le développement des actions éducatives, responsable de la sécurité des personnes et des biens, a fait preuve de graves erreurs dans ce volet de ses attributions, soutenant en particulier dans ses écritures qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir procédé à l'admission simultanée de six nouveaux mineurs alors que la capacité d'hébergement de l'établissement n'était pas dépassée ; que ce raisonnement démontre à lui seul l'inadaptation de Monsieur Kouider

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à un poste de directeur d'un centre éducatif fermé, destiné à accueillir des mineurs en très grandes difficultés dont l'accueil doit être extrêmement personnalisé ; qu'il est constant que l'accueil simultané de 6 mineurs en très grandes difficultés, dans une structure encore fragilisée, ne permettait pas une prise en compte suffisante et de qualité de chacun d'entre eux et de nature à perturber profondément l'établissement ; ce qui a été le cas puisqu'il a été préconisé une suspension des admissions, avec les conséquences financières en résultant pour l'établissement ; mais que de plus la gestion du personnel par Monsieur Kouider

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(pointeuse, chèques de caution, conflits avec les délégués du personnel, conflits sur les prises de congé) ayant entraîné des demandes d'explications de l'inspection du travail (lettre de l'inspection du travail du 5 octobre 2004) démontre également les défaillances graves de Monsieur Kouider

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sur ce volet de ses attributions ; mais que de plus, Monsieur

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, qui, en sa qualité de directeur de l'établissement, a été partie prenante de la mission d'inspection, et des préconisations des deux inspecteurs ne peut soutenir en avoir ignoré les conclusions ; que l'employeur démontre en conséquence amplement les négligences et carences graves de Monsieur

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dans sa fonction de directeur du centre d'éducation fermée d'une importance telle qu'elles rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le licenciement de Monsieur Kouider

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reposant sur une faute grave ; qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de se pencher sur la suspension du contrat de travail lors du licenciement ; qu'il convient de réformer en son intégralité le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bayonne ;

ALORS QUE l'insuffisance professionnelle ne constitue pas en elle-même une faute ; qu'en constatant que le salarié avait fait preuve d'erreurs et d'insuffisances dans ses fonctions de directeur d'un centre éducatif fermé, sans relever une insubordination ou une mauvaise volonté délibérée de sa part pouvant seul caractériser une faute et sans relever que lesdites erreurs résultaient de sa mauvaise volonté ou d'un manquement délibéré à ses obligations, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 122-6, L 122-8, L 122-9, L 122-40 et L 122-32-2 anciens devenus les articles L 1234-1, L 1234-4, L 1234-5, L 1234-6, 1234-9, 1331-1, L 1226-9 et L 1226-13 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-43492
Date de la décision : 16/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 22 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2009, pourvoi n°08-43492


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.43492
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