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16/12/2009 | FRANCE | N°08-43023

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2009, 08-43023


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2008) que M. X... et cinq autres techniciens ont été contactés par la société Farrudg Entertainment Worldwide, société de production cinématographique, pour participer au tournage d'un film intitulé "RTT", prévu durant douze semaines du 20 septembre au 29 décembre 2004, et devant se dérouler en Afrique du Sud, en Australie et à Paris ; que le 12 septembre 2004, les intéressés ont été avisés du report du tournage au 1er févrie

r 2005, puis à la mi-décembre de l'abandon du projet ; que s'estimant bénéficiair...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2008) que M. X... et cinq autres techniciens ont été contactés par la société Farrudg Entertainment Worldwide, société de production cinématographique, pour participer au tournage d'un film intitulé "RTT", prévu durant douze semaines du 20 septembre au 29 décembre 2004, et devant se dérouler en Afrique du Sud, en Australie et à Paris ; que le 12 septembre 2004, les intéressés ont été avisés du report du tournage au 1er février 2005, puis à la mi-décembre de l'abandon du projet ; que s'estimant bénéficiaires d'une promesse d'embauche, ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Farrudg Entertainment Worldwide fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le moyen :

1°/ que seule constitue une promesse d'embauche l'offre de travail directement adressée à son destinataire et démontrant sans équivoque la volonté ferme d'engagement du futur employeur à son égard ; que ne saurait caractériser une telle promesse d'embauche l'ensemble des documents internes et prévisionnels d'une société de production cinématographique, établis dans le cadre d'une étude de faisabilité d'une film et portant sur l'organisation d'un futur tournage qui, s'ils mentionnaient l'identité et les coordonnées de techniciens « pressentis » pour travailler sur ce tournage et simulaient leurs participations respectives à ce projet, n'ont jamais été adressés aux techniciens concernés ; qu'en estimant au contraire que ces documents internes et prévisionnels caractérisaient une promesse d'embauche des six appelants du seul fait qu'ils «impliquaient» chacun d'entre eux, sans constater que ces techniciens avaient été rendus destinataires de ces documents, en sorte que la société Few aurait manifesté à leur égard une volonté d'engagement nécessaire à l'existence et à la caractérisation d'une promesse d'embauche, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'à supposer même qu'il puisse être déduit de ces documents internes et prévisionnels l'existence d'une promesse d'embauche envers les six techniciens concernés, celle-ci ne pouvait qu'être conditionnelle dès lors qu'elle était nécessairement subordonnée à la réalisation effective du tournage envisagé ; qu'en condamnant néanmoins la société Few à réparer le préjudice subi par les appelant du fait du défaut de réalisation de la promesse d'embauche, tout en constatant elle-même que la condition à laquelle cette promesse était subordonnée avait défailli – ce qui rendait la promesse caduque – la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les documents produits, pré-feuilles de route, script, plannings de la période de préparation et tournage, liste des intervenants, précisaient les noms, coordonnées et emplois de chacun des techniciens concernés, soit monteur adjoint plateau, chef opérateur du son, perchman, chef costumière, chef maquilleuse et chef coiffeur, ainsi que les dates de voyage et lieux de tournage, la cour d'appel a pu décider que ces documents caractérisaient une promesse d'embauche ; que le moyen, irrecevable comme nouveau en sa seconde branche, est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Farrudg Entertainment Worldwide aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Farrudg Entertainment Worldwide à payer aux défendeurs la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la société Farrudg Entertainment Worldwide

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que les documents internes et prévisionnels établis par la société FEW dans le cadre de l'étude de faisabilité du film «RTT» caractérisaient une promesse d'embauche à l'égard des six techniciens appelants et d'avoir en conséquence condamné cette société à payer à chacun d'entre eux une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU' «il s'évince de l'argumentation des parties que le projet de réalisation du film RTT par la société FEW PRODUCTIONS n'a pas abouti ; que pour autant ne sont pas contestées les différentes pièces afférentes au projet que produisent les appelants, l'intimée invoquant seulement le caractère non contractuel de ceux non signés ; que sur le moyen de la société FEW PRODUCTIONS tiré de la simple exécution d'une «pré-préparation» précédant une préparation avant tournage, cette dernière prévue par l'article 43 de la convention collective nationale des techniciens de la production cinématographique invoqué par l'intimée elle-même avant la clôture des débats, que le caractère limité des travaux effectués au titre d'une pré-préparation de film est contredit par les pièces produites, à savoir d'abord les contrats de travail à durée déterminée d'usage consentis dans un premier temps à une chef maquilleuse, Madame Y..., un chef coiffeur, M. Z..., une chef costumière, Mme A..., un assistant du son, M. Benjamin B..., tous engagés selon ces contrats et bulletins de paie afférents au titre du film R.T.T. ; que ces contrats au regard de la qualité des personnes concernées ne peuvent s'inscrire dans une phase dite de «prépréparation» ; que la phase de préparation s'entend elle-même selon l'article 43 dont se prévaut l'intimée de la convention collective précitée «jusqu'au découpage définitif, l'établissement des maquettes, des décors, du plan de travail, des devis et de la préparation complète du film» ; que le projet de contrat produit par M. X... en tant que monteur adjoint caractérise ces trois phases de préparation et de tournage du film sur la période de 12 semaines comprises entre le 20 septembre et le 29 décembre 2004, la première du 20 septembre au 9 novembre 2004 en Afrique du Sud (Cape Town et ses environs), la deuxième du 12 novembre au 13 décembre 2004 en Australie (Sydney et ses environs), la dernière à Paris entre le 17 et le 29 décembre 2004 ; que la société FEW PRODUCTIONS ne s'inscrit pas en faux contre cet acte puisqu'elle se contente d'opposer son caractère non contractuel, faute de signature par elle-même ; que du fait de sa similitude de forme avec les contrats qu'elle a signés, cet acte démontre la réalité de l'état d'avancement du projet ; que le contrat signé de M. Benjamin B... définit les mêmes lieux de «tournage» ; que l'avancement du projet est corroboré par nombreux autres documents portant organisation du travail de l'équipe ; ainsi des pré-feuilles de route nommément informées pour des points de départs en avion depuis Paris Charles de Gaulle vers la ville du Cap les 13 et 16 septembre 2004 (départs de Benjamin B..., Franck-Pascal Z..., Nurith Y..., Jooyun A..., Bruno B...) ; ainsi le planning établi le 27 août 2004 par la société FEW PRODUCTIONS à l'entête M.I.A. sur douze jours du 18 septembre au 2 octobre 2004 à Calvinia ; ainsi une liste établie le 27 août 2004 des membres de l'équipe dont les six appelants, affectés à R.T.T. avec leurs coordonnées ; un planning du 26 août au 5 décembre 2004 ; un autre du 20 septembre au 21 décembre 2004 ; un scrip «R.T.T» avec horaires de départs (Schedule n°9 du 29 juillet 2004) et indications d'hôtels à Calvinia, au Cap, à Durban, à Joannesbourg et à Sydney du 19 septembre au 8 novembre 2004, avec la liste des acteurs et techniciens concernés ; une liste de l'ensemble des intervenants du 30 août 2004, sur laquelle figure notamment le nom et les coordonnées des appelants avec leurs qualité : monteur adjoint plateau (M. X...), chef opérateur du son (Bruno B...), perchman (Benjamin B...), chef costumière (Mme A...), chef maquilleuse (Mme Y...), chef coiffeur (M. Z...) ; un descriptif des séances de tournage (télécopie du 4 septembre 2004) ; que ces différents documents qui impliquent chacun des six techniciens

ALORS QUE D'UNE PART seule constitue une promesse d'embauche l'offre de travail directement adressée à son destinataire et démontrant sans équivoque la volonté ferme d'engagement du futur employeur à son égard ; que ne saurait caractériser une telle promesse d'embauche l'ensemble des documents internes et prévisionnels d'une société de production cinématographique, établis dans le cadre d'une étude de faisabilité d'une film et portant sur l'organisation d'un futur tournage qui, s'ils mentionnaient l'identité et les coordonnées de techniciens «pressentis» pour travailler sur ce tournage et simulaient leurs participations respectives à ce projet, n'ont jamais été adressés aux techniciens concernés ; qu'en estimant au contraire que ces documents internes et prévisionnels caractérisaient une promesse d'embauche des six appelants du seul fait qu'ils «impliquaient» chacun d'entre eux, sans constater que ces techniciens avaient été rendus destinataires de ces documents, en sorte que la société FEW aurait manifesté à leur égard une volonté d'engagement nécessaire à l'existence et à la caractérisation d'une promesse d'embauche, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE D'AUTRE PART ET AU SURPLUS à supposer même qu'il puisse être déduit de ces documents internes et prévisionnels l'existence d'une promesse d'embauche envers les six techniciens concernés, celle-ci ne pouvait qu'être conditionnelle dès lors qu'elle était nécessairement subordonnée à la réalisation effective du tournage envisagé ; qu'en condamnant néanmoins la société FEW à réparer le préjudice subi par les appelant du fait du défaut de réalisation de la promesse d'embauche, tout en constatant elle-même que la condition à laquelle cette promesse était subordonnée avait défaillie – ce qui rendait la promesse caduque – la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-43023
Date de la décision : 16/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 déc. 2009, pourvoi n°08-43023


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.43023
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