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15/12/2009 | FRANCE | N°09-82873

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 décembre 2009, 09-82873


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... Cuma, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 27 février 2009, qui, dans la procédure suivie contre Alain Y... et Mbuyi Z... du chef de violences aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, L. 821-5 du code de la sécurité sociale, R.123-192 du code de commerce

, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, contradiction de motifs ;

"e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... Cuma, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 27 février 2009, qui, dans la procédure suivie contre Alain Y... et Mbuyi Z... du chef de violences aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, L. 821-5 du code de la sécurité sociale, R.123-192 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré mal fondée la demande de Cuma X... au titre de son préjudice professionnel futur ;

"aux motifs qu'il y a lieu de rappeler que dans son rapport d'expertise du 29 janvier 2007, le docteur A... a indiqué que du fait de son déficit fonctionnel permanent, Cuma X... n'est pas apte, physiquement et intellectuellement à reprendre dans les conditions antérieures, l'activité qu'il exerçait au moment de l'accident ; que Cuma X... sollicite au titre de son préjudice professionnel une indemnité de 540 000 euros ; qu'il verse aux débats les comptes d'exploitation de son commerce de café-brasserie situé à Lunéville, pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006 ; qu'il résulte de la lecture des documents comptables ci-dessus que le résultat fiscal, au titre de chacune des années ci-dessus est le suivant :
année 2003 (exercice antérieur à l'agression) : 14 274 euros,
année 2004 : 12 702 euros, années 2005 : 11 780 euros,
année 2006 : 12 425 euros ;
qu'au vu des données comptables ci-dessus, pour les années 2003, 2004 et 2005, dont il disposait alors, le tribunal retenant un bénéfice annuel moyen d'exploitation de 11 741, a fixé la perte annuelle subie par Cuma X... à la somme de (14 274 euros – 1 1741 euros) 2 533 euros ; que compte tenu de la pension d'invalidité d'un montant annuel de 2 846,04 euros perçue par Cuma X..., à la suite de l'attribution par la Cotorep d'un taux d'incapacité de 80 %, le tribunal a retenu que Cuma X... ne subissait pas de pertes de gains professionnels futurs, ceux-ci dépassant le montant de ses pertes annuelles (2 533 euros) ; que Cuma X... fait valoir qu'il y aurait lieu de déduire le montant des indemnités journalières des résultats des comptes d'exploitation au titre des années ci-dessus, ce qui ferait apparaître une baisse de rentabilité de son commerce, du fait de l'accident dont il a été victime ; que, toutefois, le tribunal a fondé sa décision sur les résultats des comptes d'exploitation présentés dans chacun des comptes annuels afférents aux années ci-dessus, et donc, sur la base de pièces comptables vérifiables et incontestables ; que par ailleurs, il est constant que Cuma X... est bénéficiaire depuis le 1er janvier 2007, d'une pension d'invalidité d'un montant annuel brut de 2 846,04 euros, au titre des taux d'incapacité de 80 % que lui a attribué la Cotorep le 4 mai 2004 ; qu'en outre, Cuma X... indique dans ses écritures, que l'activité de son commerce de café-brasserie se poursuit par le biais de son épouse et de son fils, ce dernier bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er novembre 2005 ; que, Cuma X..., employeur de son propre fils, n'a donc jamais cessé de poursuivre l'exercice de son activité commerciale, et ne démontre nullement qu'à la suite des faits dont il a été victime il aurait cessé même temporairement ses activités, ou que la valeur de ce fonds de commerce se serait notablement dépréciée, et qu'il serait dans l'impossibilité de continuer à poursuivre la gestion de ce fonds ; qu'enfin, Cuma X..., qui sollicite le paiement d'une somme de 540 000 euros au titre de son préjudice professionnel, ne justifie pas de l'importance de la somme ainsi réclamée et des éléments sur lesquels il fonde sa créance ;

"1) alors que l'allocation aux adultes handicapés, servie en exécution d'une obligation nationale destinée à garantir un minimum de revenu est subordonnée à un plafond de ressources de l'intéressé et, le cas échéant, de son conjoint, constitue essentiellement une prestation d'assistance dépourvue de caractère indemnitaire ; une telle indemnité n'a pas à être prise en compte pour évaluer le préjudice professionnel de la victime ; qu'en jugeant au contraire que Cuma X... ne subissait pas de perte de gains professionnels futurs compte tenu de la « pension d'invalidité » perçue par lui à la suite de l'attribution par la Cotorep d'un taux d'incapacité de 80 %, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2) alors qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la juridiction du second degré de substituer ses propres motifs à ceux du premier juge ; que pour déterminer la perte annuelle moyenne subie par Cuma X... à la suite de son accident, la cour d'appel a repris tant les motifs des premiers juges que la somme fixée par ces derniers sans tenir compte des pièces comptables afférentes à l'année 2006 produites en appel, tout en constatant que le tribunal n'en avait pas eu connaissance ; qu'en s'abstenant de réévaluer à nouveau la perte annuelle subie par Cuma X... compte tenu de cette pièce nouvelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3) alors que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en jugeant que Cuma X... ne démontrait pas être dans l'impossibilité de poursuivre la gestion de son fonds de commerce tout en constatant, d'une part, que dans son rapport d'expertise du 29 janvier 2007, le docteur A... avait indiqué que du fait de son déficit fonctionnel permanent, Cuma X... n'état pas apte, physiquement et intellectuellement à reprendre dans les conditions antérieures, l'activité qu'il exerçait au moment de l'accident et d'autre part, que Cuma X... avait soutenu que la gestion de son fonds de commerce ne continuait que grâce à l'aide de son épouse et à l'emploi d'un salarié en la personne de son fils, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

"4) alors que le préjudice subi par la victime d'une infraction doit être réparé intégralement sans perte ni profit pour aucune des parties ; que la perte de gains subie par un commerçant se déduit du bénéfice net de l'exploitation constaté dans le compte de résultat sans qu'il ne soit tenu compte des produits exceptionnels dont la réalisation n'est pas liée à l'exploitation courante de l'entreprise ; que Cuma X... a fait valoir que le montant des indemnités journalières, comptabilisées comme produits exceptionnels, devaient être déduites des résultats des comptes d'exploitation, ce qui ferait apparaître une baisse de rentabilité de son commerce, du fait de l'accident dont il a été victime ; qu'en se bornant à répondre que le tribunal avait fondé sa décision sur les résultats des comptes d'exploitation présentés dans chacun des comptes annuels afférents aux années 2003 à 2005, et donc, sur la base de pièces comptables vérifiables et incontestables, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si les indemnités journalières reçues du régime social des indépendants de Lorraine devaient être déduites du bénéfice net d'exploitation produits par Cuma X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale et a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

"5) alors que le préjudice subi par la victime d'une infraction doit être réparé intégralement sans perte ni profit pour aucune des parties ; que la cour d'appel a constaté qu'à la suite de l'agression de Cuma X..., son exploitation a été maintenue avec l'aide de son épouse et l'embauche de son fils en qualité de salarié ; qu'en déduisant de ces circonstances que Cuma X... n'avait jamais cessé de poursuivre l'exercice de son activité commerciale sans rechercher si l'embauche d'un salarié supplémentaire pour pallier l'incapacité de la victime à reprendre son activité ne constituait pas une charge grevant son exploitation dont il fallait tenir compte pour déterminer son préjudice économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice" ;

Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables de violences aggravées, dont Alain Y... et Mbuyi Z... ont été déclarés coupables et tenus à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de la partie civile demandant 540 000 euros en réparation de son préjudice professionnel futur ;

Attendu que, pour la débouter de cette demande, l'arrêt énonce que, compte tenu de la pension d'invalidité versée par la Cotorep, elle ne subit pas de perte de gains professionnels futurs et qu'elle ne démontre pas avoir été dans l'incapacité de poursuivre la gestion de son fonds de commerce ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'allocation aux adultes handicapés n'a pas de caractère indemnitaire et qu'il résulte de ses propres constatations, d'une part, que la victime n'est pas apte, physiquement et intellectuellement, à reprendre ses activités dans les conditions antérieures aux faits, d'autre part, que le maintien de son commerce n'a été rendu possible que par l'aide de son épouse et l'embauche d'un salarié en la personne de son fils, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives au préjudice professionnel de Cuma X..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 27 février 2009,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de METZ, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Cuma X..., des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Delbano conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-82873
Date de la décision : 15/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 27 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 déc. 2009, pourvoi n°09-82873


Composition du Tribunal
Président : M. Blondet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.82873
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