LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Thierry,
- LA SOCIÉTÉ VHI,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre eux pour infractions au code de l'urbanisme et au code du patrimoine, statuant sur renvoi après cassation, a condamné le premier à 30 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et d'affichage, ainsi que, sous astreinte, la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, communs aux demandeurs, ainsi que le mémoire en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Thierry X... a acquis, par l'intermédiaire de la société VHI, une propriété remontant au 17ème siècle, située à Saint-Romain-au-Mont-d'Or (Rhône) et appelée Domaine de la Source ; qu'il l'a transformée en centre d'art à destination de musée et résidence d'artistes qu'il a nommé la Demeure du Chaos ; que Thierry X... et la société VHI ont été poursuivis pour avoir effectué des travaux modifiant l'aspect extérieur du bâtiment et du mur de clôture, sans avoir effectué les déclarations préalables exigées par le code de l'urbanisme, en violation du plan d'occupation des sols et sans avoir obtenu l'autorisation prévue par le code du patrimoine en raison de la proximité de monuments classés ; que les premiers juges les ont relaxés des chefs de travaux de clôture sans déclaration et de travaux sans autorisation dans le champ de visibilité d'un monument historique et déclarés coupables pour le surplus ; qu'ils ont ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux et qu'ils ont alloué un euro de dommages-intérêts à la commune, partie civile ; que les deux prévenus ont interjeté appel et que le ministère public a formé un appel incident ; que la cour d'appel de Lyon a relaxé la société VHI de tous les chefs de poursuite, déclaré Thierry X... coupable du seul chef de modification de l'aspect extérieur du bâtiment sans déclaration préalable et dit n'y avoir lieu à remise en état ; que, prononçant sur l'action civile, elle a confirmé la condamnation de Thierry X... au paiement de dommages-intérêts et débouté la commune de sa demande à l'égard de la société VHI ; que le procureur général a formé un pourvoi contre Thierry Y... et que la commune a formé un pourvoi contre Thierry X... et la société VHI ; que la Cour de cassation, recevant les deux pourvois, a cassé l'arrêt en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 10-1 et 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1 du Protocole additionnel n°1, des articles L 421-1, L 422-2, R 421-1, R 421-17, L.480-4 du code de l'urbanisme, L 621-31, L 621-32, L 624-3 du code du patrimoine, 591, 593 et 609 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement de première instance, a déclaré Thierry Y... coupable d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux exemptés de permis de construire sans déclaration préalable sur le mur d'enceinte de l'immeuble dit « Domaine de la Source » et coupable d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux sur ledit mur d'enceinte et sur les murs de façade de cette propriété, travaux affectant l'aspect de ces constructions situées dans le champ de visibilité d'édifices inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historique, sans avoir au préalable, sollicité d'autorisation et l'a condamné en répression à une peine de 30 000 euros d'amende ainsi qu'à la remise en leur état antérieur aux travaux réalisés jusqu'au 4 décembre 2004 des parties extérieures des murs des façades et du mur d'enceinte de l'immeuble ;
"aux motifs que pour la détermination de l'étendue de la cassation, il y a lieu de retenir d'une part que le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet étant limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir, et d'autre part, qu'après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi ; que la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, sur les deux seuls premiers moyens proposés par la commune de Saint-Romain-au-Mont-D'or et sur le second de ces deux moyens qu'elle a soulevé d'office au profit du procureur général, tout en précisant : « sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés » ; que l'emploi de cette dernière formule implique que la cassation s'étend aux chefs de la décision attaquée qui étaient visés par les moyens dont la chambre criminelle n'a pas jugé utile l'examen, ces chefs étant annulés sur le fondement des moyens qui ont été accueillis ; que dans sa déclaration de pourvoi du 15 septembre 2006, le procureur général près la cour d'appel de Lyon a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2006 « sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 16 février 2006 concernant les poursuites engagées contre Thierry Y... » ; que ce pourvoi uniquement dirigé contre Thierry X..., a été accueilli, de sorte que la cour d'appel de renvoi se trouve saisie de l'action publique contre ce seul prévenu et pour l'ensemble des chefs de prévention ; que par acte en date du 15 septembre 2006, la commune de Saint-Romain-au-Mont-D'or a déclaré « se pourvoir en cassation contre un arrêt rendu le 13 septembre 2006 par la 7e chambre correctionnelle dans la procédure suivie contre : Thierry Y... » en précisant : « ce pourvoi porte sur les dispositions pénales, les dispositions civiles » ; que de par la cassation intervenue sur ce pourvoi de la partie civile, la cour d'appel de renvoi se trouve saisie de l'action civile exercée à l'encontre de Thierry X... et de la SCI VHI dans la limite des actes d'appel ;
"alors que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée en son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir ; qu'après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi ; qu'en l'espèce, aucun pourvoi n'a attaqué les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon ayant confirmé le jugement de première instance quant à la relaxe des prévenus des chefs de travaux de clôture sans déclaration et de travaux sans autorisation dans le champ de visibilité de bâtiments inscrits à l'ISMH ; que ces chefs de prévention ont donc été écartés de manière définitive par la cour d'appel de Lyon, la relaxe de Thierry X... et de la société VHI à cet égard étant passée en force de chose jugée, peu important que la cassation de cette décision ait été prononcée en toutes ses dispositions ; qu'en statuant néanmoins à nouveau sur ces chefs de prévention et en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Thierry X... à ce titre, la cour d'appel de renvoi a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que, pour dire que la cour de renvoi est saisie de l'action publique du chef de travaux modifiant l'aspect extérieur d'un mur de clôture sans déclaration préalable et de travaux effectués sans avoir obtenu l'autorisation prévue par le code du patrimoine en raison de la proximité de monuments classés, l'arrêt retient que le procureur général a déclaré se pourvoir contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2006, sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 16 février 2006, concernant les poursuites engagées contre Thierry X... ; que les juges en déduisent qu'ils ont été saisis de l'action publique contre ce seul prévenu, mais pour tous les chefs de prévention dont était saisie la cour d'appel qui a rendu la décision annulée ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, lorsque la cassation est totale, la juridiction de renvoi se trouve saisie dans les mêmes termes que la juridiction dont la décision a été annulée, sous les seules réserves contenues dans la déclaration de pourvoi où sous celles qui tiennent à la qualité et à l'intérêt du demandeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-2 et 111-4 du code pénal, L. 480-4 alinéas 1 et 2, L. 422-1, L. 422-2, L. 441-2, L 441-3, R.421-17, R.441-3 du code de l'urbanisme, articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motif ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a déclaré Thierry X... coupable d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux exemptés de permis de construire sans déclaration préablable sur le mur d'enceinte de l'immeuble dit « Domaine de la Source » et de l'avoir condamné en répression à une amende de 30 000 euros ainsi qu'à la remise en leur état antérieur aux travaux réalisés jusqu'au 4 décembre 2004 des parties extérieures des murs des façades et du mur d'enceinte de l'immeuble ;
"aux motifs que l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme prévoit, sauf pour certaines catégories de travaux dans lesquelles n'entrent pas les réalisations ici en cause, que les travaux exemptés du permis de construire « font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux » ; que le nouvel article R 421-17 du code de l'urbanisme dispose : « doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R 421-14 à R 421-16 les travaux exécutés sur des construction existantes à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : a) les travaux de ravalement et les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant… » que tant les ouvertures décrites par l'huissier de justice comme étant des « trous » ou des « saignées » pratiquées dans les murs d'enceinte ainsi que l'insertion dans ceux-ci de blocs de pierre de couleur noire que les inscriptions diverses qui figurent sur ces murs de clôtures et sur les murs des façades de l'immeuble en cause affectent l'aspect de ces constructions ; mais que les travaux ici en cause n'ont pas eu pour effet de changer la destination des constructions existantes ; qu'il n'ont pas en effet affecté fondamentalement la structure de ces constructions, n'en modifiant que l'aspect extérieur et n'ont pas eu non plus pour effet de remettre en cause leur nature de murs de façade et d'enceinte ni de changer la destination des lieux dont l'ouverture au public n'est intervenue que postérieurement au 4 décembre 2004 ; que les réalisations incriminées qui ont essentiellement consisté en des interventions de surface, n'ont pas eu pour effet de créer une surface de plancher nouvelle ; qu'il suit de là qu'en application de l'article R 422-2 du code de l'urbanisme, les travaux visés dans la poursuite ne nécessitaient pas l'obtention préalable d'un permis de construire ; que toutefois ces travaux exemptés du permis de construire devaient, avant qu'ils ne débutent, faire l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune, en application de l'article L 422-2 du code de l'urbanisme ; que cette obligation s'imposait tant pour les travaux effectués sur les murs de façade que pour ceux réalisés sur les murs d'enceinte ; que pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite exercée du chef d'exécution sans déclaration préalable de travaux de clôture soumis à une telle déclaration, le tribunal de grande instance de Lyon énonce que les articles L 441-2 et L 441-3 du code de l'urbanisme visés par la prévention emploient l'expression « édification de clôture », que l'article R 441-3 évoque « l'implantation de la clôture projetée » ; que les premiers juges ajoutent : « les textes précités visent à préserver le droit de libre circulation de l'ensemble des citoyens et ne concernent que l'édification de nouvelles clôtures et non, comme en l'espèce, la modification de clôture existantes » ; mais aux termes de la prévention ci-dessus reproduite, il a été fait grief aux prévenus d'avoir sans autorisation « (procédé) sur les murs de clôture entourant l'immeuble « Domaine de la source » à des peintures, inscriptions, et dessins de couleur rouge ou noire et à des insertions de blocs de pierre noire ayant eu pour conséquence la modification de leur aspect extérieur » ; qu'il résulte de cette rédaction non équivoque que le ministère public a entendu poursuivre non pas « l'édification » ou « l'implantation » de clôtures nouvelles mais bien les travaux de modification de l'aspect extérieur de clôtures préexistantes ; qu' à cet égard, les débats devant la cour ont révélé que Thierry X... avait demandé le 22 juillet 2000 et obtenu le 3 novembre 2000 un permis de construire pour la réalisation de bureaux, d'un parc de stationnement et d'un mur de clôture ; que Thierry X... a précisé qu'à l'ancien mur de clôture d'une longueur de 61 mètres, il avait fait rajouter 363 mètres de mur d'enceinte construit en pierre dorée ; qu'il a été admis par toutes les parties que les travaux faisant l'objet des poursuites ont été réalisés sur le mur ancien et sur le mur d'enceinte après son édification régulièrement opérée au vu du permis de construire délivré en novembre 2000 ; que les travaux effectués sur les murs d'enceinte existants, qui en ont modifié l'aspect extérieur, étaient donc soumis à déclaration préalable au même titre que les interventions réalisées sur les murs de façade (…) » ;
"alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le juge ne peut procéder par extension, analogie ou induction ; que l'article R 421-17 du code de l'urbanisme dispose que « doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants :
a) Les travaux de ravalement et les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant » ; que seuls les « bâtiments »
dont l'aspect extérieur est modifié sont ainsi soumis à l'obligation de déclaration préalable ; qu'en étendant en l'espèce le champ de cette obligation à des travaux effectués sur le « mur d'enceinte » du domaine, qui ne constitue pas un bâtiment, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que pour déclarer Thierry X... coupable d'avoir effectué des travaux modifiant l'aspect extérieur d'un mur de clôture sans déclaration préalable, l'arrêt énonce qu'il a modifié l'aspect extérieur du mur d'enceinte de la propriété, construit en pierre dorée, en réalisant, notamment, des peintures, inscriptions et dessins de couleur rouge ou noire, ainsi que des insertions de pierre noire ; que, par ailleurs, les juges retiennent, pour le déclarer coupable de travaux en violation du plan d'urbanisme applicable, que ces modifications importantes, comme celles apportées au bâtiment principal, donnent à l'ensemble un aspect totalement différent de celui des constructions voisines et dénaturent un des plus beaux villages des Monts-d'Or ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, a justifié sa décision, dès lors que constituent des travaux de clôture soumis à déclaration préalable, ceux qui apportent une modification substantielle à une clôture déjà existante ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L 624-3, L 621-31, L 621-32 du code du patrimoine, L. 480-4 alinéas 1 et 2, du code de l'urbanisme, articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motif.
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a déclaré Thierry X... coupable d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux sur le mur d'enceinte et sur les murs de façade de sa propriété, travaux affectant l'aspect de ces constructions situées dans le champ de visibilité d'édifices inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, sans avoir au préalable sollicité l'autorisation prévue par l'article L 621-31 du code du patrimoine et de l'avoir condamné en répression à une amende de 30.000 euros ainsi qu'à la remise en leur état antérieur aux travaux réalisés jusqu'au 4 décembre 2004 des parties extérieures des murs des façades et du mur d'enceinte de l'immeuble ;
"aux motifs que les prévenus soutiennent qu'il ne peut leur être reproché de n'avoir pas sollicité l'autorisation prévue par l'article L 621-31 dès lors que la situation de co-visibilité du « Domaine de la Source » avec l'église du bourg et le manoir de la Bessée, bâtiment inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques est, selon eux, « concrètement inexistante ou insignifiante et n'est pas de nature à porter atteinte aux bâtiments inscrits protégés » ; qu'ils fondent leur position d'une part sur les observations de l'architecte des bâtiments de France et d'autre part sur les constatations du vice-procureur de la République ; que les clichés photographiques pris par ce magistrat sur les lieux établissent, selon les prévenus, qu'il est « sensiblement impossibilité, du point de vue de covisibilité, de distinguer les interventions artistiques opérées sur le « Domaine de la Source » ; que l'architecte des bâtiments de France a, quant à lui, écrit : « du fait de l'éloignement du point de vue de covisibilité, les travaux réalisés par Thierry X... se distinguent assez difficilement ; l'atteinte directe portée aux monuments inscrits cités n'est pas justifiable » ; que les prévenus ajoutent que ce fonctionnaire « avait été encore plus clair dans ses explications à la gendarmerie, déclarant simplement qu'il n'y avait pas de covisibilité » ; qu'il y a lieu de préciser que l'architecte des bâtiments de France n'a pas été entendu par les gendarmes et que ceux-ci ont seulement relaté, dans un procès-verbal, qu'il leur avait téléphoné et expliqué « qu'il n'y a pas de covisibilité entre la maison de Thierry Ehrmann et l'un des deux monuments » ; que dans un courrier adressé le 16 juin 2005 au procureur de la République, Pierre Z..., architecte des bâtiments de France, chef du service départemental de l'architecture du patrimoine du Rhône, a indiqué que le « Domaine de la Source » se trouve dans le champ de visibilité de l'église et du manoir de la Bessée, monuments inscrits sur la liste supplémentaire des monuments historiques ; que lors de sa déposition à l'audience du 17 novembre 2008, Pierre Z... a précisé qu'il lui avait fallu une visite de deux heures pour trouver deux points de « co-visibilité » mais qu'il convenait de considérer que cette situation de co-visibilité n'était pas « suffisamment significative » dès lors qu'il n'était pas porté atteinte aux monuments historiques du fait de la disposition des lieux ; mais qu'en livrant son avis sur l'absence de co-visibilité significative, ce qui effectivement relève de sa seule compétence, l'architecte des bâtiments de France s'est placé au stade de l'examen de la situation lorsqu'il s'agit pour lui de se prononcer sur une demande qui lui a été régulièrement soumise ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, il y a seulement lieu de rechercher si l'autorisation préalable prévue à l'article L 621-31 du code du patrimoine était ou non en l'espèce requise et non pas de déterminer si cette autorisation aurait ou non été accordée ; qu'il est en effet reproché au prévenu d'avoir, sans avoir sollicité cette autorisation préalable, effectué des travaux affectant l'aspect de l'immeuble du « Domaine de la Source » et donc de ne pas avoir respecté la procédure qui aurait dû être suivie en pareille matière ; qu'en effet, dès lors que sont envisagés des travaux de nature à affecter l'aspect d'un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques par suite de la réunion des conditions cumulatives prévues par la loi du 31/12/1913, l'article L 621-31 impose, pour leur réalisation, l'obtention d'une autorisation préalable ; que la loi du 31/12/1913 sur les monuments historiques prévoit qu'est considéré comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou proposé pour le classement, tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre n'excédant pas 500 mètres ; qu'en l'espèce, il est établi que le « Domaine de la Source » se trouve bien dans un périmètre de 500 mètres des monuments précités et qu'en deux endroits existe une situation de co-visibilité ; qu'en considération de ces éléments, il incombait à Thierry X... de se soumettre à l'exigence d'une autorisation, en faisant une déclaration préalable de travaux en mairie pour permettre au maire de solliciter l'avis obligatoire de l'architecte des bâtiments de France, ce que le prévenu s'est abstenu de faire ; que cette abstention a bien été délibérée de la part de Thierry X... ; qu'en effet, la convention précitée du 9/12/1999 comporte une mention « sous réserve de l'approbation du toit en cuivre préoxydé par l'architecte des bâtiments de France», qui permet de considérer que le prévenu n'ignorait pas la procédure à suivre pour les travaux en cause ; que Thierry X... a donc bien, en connaissance de cause, exécuté des travaux affectant l'aspect des constructions situées dans le champ de visibilité d'édifices inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques sans avoir, au préalable, sollicité l'autorisation prévue par l'article L 621-31 du code du patrimoine, de sorte qu'est bien établie à son encontre, en tous ses éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnel, l'infraction prévue à l'article L 624-3 dudit code » ;
"alors que les prescriptions des articles L.621-31 et L.621-32 du code du patrimoine restreignant la possibilité d'effectuer des travaux sur des bâtiments situés aux abords de monuments historiques ont pour seule finalité d'assurer la protection de ces monuments ; qu'en l'absence de tout point de vue de covisibilité significatif entre la construction objet de travaux litigieux et le monument historique, il importait de rechercher si les travaux effectués sur cette construction sans autorisation préalable étaient réellement visibles depuis le monument classé et si, partant, l'atteinte au monument historique était constituée ; qu'en s'abstenant en l'espèce d'effectuer une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles visés au moyen" ;
Attendu que le demandeur a prétendu devant les juges du fond que la Demeure du Chaos ne pouvait être vue en même temps que les deux bâtiments inscrits sur la liste supplémentaire des monuments historiques, qui se trouvent dans un périmètre de 500 mètres, et qu'ainsi sa transformation n'était pas soumise à l'autorisation exigée par l'article L. 621-31 du code du patrimoine ;
Attendu que, pour écarter ce moyen, l'arrêt retient que l'architecte des monuments historiques a constaté qu'il existait au moins deux points de "covisibilité" et que, s'il a estimé que ces deux points n'étaient pas significatifs et n'auraient pas justifié un refus d'autorisation, cette circonstance ne dispensait pas Thierry X... d'en faire la demande ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 10-1 et 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 480-4 alinéas 1 et 2, L. 422-1 , L. 422-2, L. 216-3, R.421-1, R.422-2, R.422-5, R.422-9, R.422-10 alinéa 7 du code de l'urbanisme, des articles 121-3 du code pénal, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motif ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Thierry X... coupable des délits d'exécution de travaux, sans déclaration préalable, sur les façades de l'immeuble « Domaine de la Source » et l'a condamné à une amende de 30.000 euros ainsi qu'à la remise en leur état antérieur aux travaux réalisés jusqu'au 4 décembre 2004 des parties extérieures des murs des façades et du mur d'enceinte de l'immeuble ;
"aux motifs propres que « Thierry Y... fait valoir que la citation ne visant que des « peintures, inscriptions et dessins de couleur rouge ou noire » et des « insertions de blocs de pierre noire », toutes les oeuvres « qui ne sont pas des créations graphiques rouges ou noires ou des pierres noires insérées dans les murs sont hors du débat » et ne peuvent donner lieu à condamnation ni a suppression ; mais attendu qu'en citant les réalisations sus-énoncées, l'acte introductif de poursuite n'a fait que donner une illustration non exhaustive des modifications incriminées ; que les poursuites, qui sont limitées en temps et en lieu, portent bien sur l'ensemble des réalisations effectuées jusqu'au 4 décembre 2004 sur les murs des façades et le mur d'enceinte, à l'exclusion des autres éléments de la construction et en particulier de la toiture ; que Thierry X... objecte que les réalisations poursuivies constituent des oeuvres d'art pour lesquelles l'article R 421-1, 6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en la cause prévoyait une dispense de permis de construire, ce qui emportait également dispense de déclaration de travaux ; qu'il souligne que leur caractère artistique a fait l'objet de multiples reconnaissances et ajoute qu'aucune des « oeuvres d'art visées dans la prévention » n'excède la hauteur de 12 mètres et le volume de 40 mètres cubes, de sorte que l'exception prévue par l'article R 421-1 du code de l'urbanisme les écartant du champ d'application du permis de construire et, partant, du régime de la déclaration de travaux, leur est applicable ; que par des motifs congruent, les premiers juges ont avec raison écarté l'argumentation des prévenus consistant à voir dans le projet réalisé des oeuvres «multiples et distinctes, quoique juxtaposées et parfois même superposées», qu'il conviendrait d'envisager séparément pour apprécier l'applicabilité des dispositions de l'article R 421-1 précité ; qu'il s'agit en effet d'interventions de surface réalisées sur un support, les murs, auquel elles s'incorporent ; que Thierry X... a souligné la volonté d'en assurer la pérennité grâce à l'emploi de matériaux stables et résistants, qui ont été précisément identifiés afin de permettre dans l'avenir leur sauvegarde par des restaurations ; qu'il y a donc lieu de calculer le volume des réalisations incriminées indissociables de leur support et formant "l'oeuvre d'art monumentale" revendiquée par Thierry X... à partir des dimensions des bâtiments dont les façades ont été modifiées et du mur d'enceinte supportant les modifications précitées ; que Thierry X... a lui-même précisé que le bâtiment principal présente sur deux niveaux une surface utile de l'ordre de 600 à 700 mètres carrés ; que si les constructions incriminées ne dépassent pas la hauteur de 12 mètres, il est établi que leur volume excède très largement le volume de 40 mètres cubes ; mais surtout que la poursuite n'a pas trait à l'édification d'une oeuvre d'art mais à la modification apportée à des constructions existantes par des réalisations qui en affectent profondément l'aspect extérieur ; que c'est cette modification elle-même apportée aux constructions dans leur ensemble qui est en cause, indépendamment du caractère artistique ou non des réalisations qui ont eu pour effet d'opérer ce changement d'aspect (…) » ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges que Thierry X... n'a pas contesté avoir procédé à des peintures, inscriptions et dessins de couleur rouge ou noire et à des insertions de blocs de pierre noire sur les façades de l'immeuble « Domaine de la Source » ; qu'il n'est pas davantage contesté par les prévenus que ces opérations diverses ont eu pour conséquence la modification de l'aspect extérieur desdites façades, de même qu'il n'est pas discuté que ces travaux ont été exécutés sans déclaration préalable ; qu'aux termes de conclusions déposées par son conseil, le prévenu fait valoir que l'article R.421-1-6° du code de l'urbanisme dispense de permis de construire les statues, monuments ou oeuvres d'art, lorsqu'ils ont une hauteur inférieure ou égale à 12 mètres au dessus du sol et moins de 40 mètres cubes de volume ; que le conseil des prévenus fait observer qu'il n'est « pas sérieusement discutable que lesdites modifications constituent des oeuvres d'art » et que « c'est ce que le conseiller aux arts plastiques de la DRAC, M. Rerat, cité comme témoin dans la présente affaire, a répondu sans équivoque le 21 juin au Procureur Général qui lui posait la question » ; que le conseil des prévenus ajoute que « les oeuvres d'art constitutives des modifications d'aspect incriminées répondent aux conditions réglementaires de dispense », qu'« elles ne sont, ni prises isolément ni entendues globalement, d'une hauteur de plus de 12 mètres, ce que la direction départementale de l'équipement reconnaît dans son rapport du 13 juillet 1995 » et qu' "elles ne présentent pas de volume " : qu' « il s'agit d'interventions de surface (le député ayant posé une question à leur sujet parle sommairement mais significativement de fresques)» ; que, cependant, Thierry X... dont la défense parle dans ses écritures d'oeuvres d'art au pluriel, a, lui-même, dans son audition par la gendarmerie (P.V. BTA autonome de Neuville- Sur-Saône, pièce 12,) parlé "d'oeuvre d'art monumentale" ; qu'ainsi, trouve- t-on cette expression employée par lui à la première page du procès-verbal précité à la ligne 9, à la page 2, aux lignes 1 et 2, 4, 12, 15, 19, 29, page 3, lignes 10, 31, page 4 ligne 8 ; que, dans onze occurrences au moins, Thierry X... a donc employé pour désigner la Demeure du Chaos, l'expression « d'oeuvre d'art monumentale », ce qui démontre que le projet artistique, aux dires mêmes de son concepteur et initiateur, porte sur l'ensemble de sa propriété Domaine de la Source, comme le disent suffisamment l'adjectif "monumentale" et la dénomination « Demeure du Chaos » ; que cette notion de projet global se retrouve dans les références faites par Thierry X... au palais national du Facteur Cheval, à la maison Picassiette de Rémond A..., voire la maison de Paul Bocuse (PV C12 p.2) ; qu'entendu comme témoin à la demande de la défense, M. Rerat, conseiller pour les arts plastiques à la DRAC, a notamment déclaré : « j'ai déjà dit que le Domaine du Chaos est une oeuvre d'art, il y a une globalité… » (notes d'audience page 1) ; que, dans le dossier remis par la défense, on trouve, à la page 36 du n°32 de la revue Artpress, sous la plume de Richard B... : « …. Depuis quelques temps, Thierry X..., PDG du groupe Serveur et d'ArtPrice.com, a entrepris de « déconstruire » sa propriété pour en faire le Domaine du Chaos, une gigantesque installation de 10.000 m²… » ; qu'à la page 40 du numéro de mai 2005 de la revue Technikart, on peut lire encore : « Dans un petit village près de Lyon, un mégalo de la net économie, Thierry X..., orchestre un projet fou et monumental : transformer une somptueuse propriété bourgeoise en demeure du chaos » ; qu'à la page 4 de la revue Lyon Capitale Mois Série Culture, versée également par la défense, le chapeau de l'article consacré aux nouvelles aventures artistiques, signé Anne-Caroline C..., énonce :
« sorte de maison du Facteur Cheval post-11 septembre, la Demeure du Chaos est une oeuvre totale… » ; qu'ainsi , les déclarations du prévenu Thierry X..., celles d'un fonctionnaire de la DRAC et les articles de trois revues d'art vont-elles dans le même sens : la Demeure du Chaos est une oeuvre monumentale, totale, globale ; que, eu égard à ce qui précède, les observations de la défense suivant lesquelles les oeuvres d'art constitutives des modifications d'aspect incriminées répondent aux conditions réglementaires de dispense, puisqu'elles ne présentent pas une hauteur de plus de 12 mètres et ne présentent pas de volume, sont inopérantes car la Demeure du Chaos qui est indiscutablement une oeuvre d'art, a pour substrat matériel le Domaine de la Source dont il est évident et nullement contesté du reste, qu'il excède 40 mètres cubes de volume ; que l'article R.421-1, conçu par le législateur comme un compromis entre la liberté de l'artiste et le nécessaire regard des pouvoirs publics dès que l'oeuvre d'art prend une certaine ampleur matérielle, en l'espèce atteinte, n'est donc pas applicable à la Demeure du Chaos et les travaux relevaient bien du régime de la déclaration préalable » ;
"alors que, d'une part, l'article R.421-1 du code de l'urbanisme dispense de permis de construire ou de déclaration de travaux les monuments et oeuvres d'art lorsque ceux-ci n'excèdent pas 12 mètres de hauteur et 40 mètres cubes de volume ; que le juge pénal étant saisi in rem, c'est au regard des travaux incriminés que doit s'apprécier la mise en oeuvre de cette exception ; que Thierry X... étant, en l'espèce, poursuivi pour avoir procédé sans autorisation, sur les façades de l'immeuble « Domaine de la source », à des « peintures, inscriptions ou dessins de couleur rouge ou noire » et à des « insertions de pierre noire », ayant pour conséquence la modification de leur aspect extérieur, ce sont donc les « peintures, inscriptions ou dessins de couleur rouge ou noire » et les "insertions de pierre noire", ainsi incriminés, dont il convenait de déterminer le volume et la hauteur pour apprécier s'ils pouvaient bénéficier de l'exception prévue par l'article R.421-1 du code de l'urbanisme ; qu'en écartant le bénéfice de cette exception, compte tenu, non pas des mensurations de chacun des travaux ainsi réalisés et incriminés, mais du volume de l'immeuble sur lequel ils ont été réalisés, la cour d'appel a tout à la fois méconnu l'étendue de sa saisine in rem et violé les textes précités ;
"alors que d'autre part, le juge pénal, saisi in rem, ne peut statuer que sur les faits dont il est saisi, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce après avoir rappelé que la prévention, saisissant le tribunal du chef d'exécution de travaux sans autorisation préalable sur les façades de l'immeuble « Domaine de la Source », faisait uniquement état de « peintures, inscriptions et dessins de couleur rouge ou noire » et d' « insertions de blocs de pierre noire » l'arrêt ajoute que, toutefois, en citant les réalisations susénoncées, l'acte introductif de poursuite n'a fait que donner une illustration non exhaustive des modifications incriminées et que « les poursuites (…) portent bien sur l'ensemble des réalisations effectuées jusqu'au 4 décembre 2004 sur les murs des façades et le mur d'enceinte» ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ne résulte aucunement de l'arrêt que Thierry X... ait accepté d'être jugé sur des faits distincts de ceux résultant de la prévention, la cour d'appel, qui a excédé les limites de sa saisine, a méconnu les textes susvisés" ;
"alors qu'enfin, en prenant globalement en considération l'ensemble des peintures, inscriptions, dessins de couleur rouge ou noire et insertions de blocs de pierre noire sur les différentes façades de l'immeuble pour en conclure que serait ainsi réalisée une oeuvre monumentale, totale et globale, sans prendre en compte le fait invoqué par Thierry X... dans ses conclusions d'appel, que, indépendamment du projet artistique global dans lequel ils s'insèrent, chacun des dessins, peintures, inscriptions et insertions, réalisés par des artistes différents, gardait son individualité, sa logique et son inspiration propres et constituait une oeuvre d'art individuelle et spécifique pouvant en conséquence bénéficier de l'exception prévue par l'article R.421-1 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu selon laquelle chacun des dessins, peintures ou insertions constituaient une oeuvre d'art particulière au sens de l'article R. 421-1, 6, alors applicable du code de l'urbanisme et que, dès lors, ils n'étaient pas soumis à déclaration préalable, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine et d'où il résulte que les travaux litigieux constituent une oeuvre unique, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 10-1 et 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1 du Protocole additionnel n°1, L 421-1, L 422-1, L 422-2, R 421-1, R 421-17, R 422-2, R 422-5, R 422-9, R 422-10 alinéa 7, L 480-4, L 480-5 du code de l'urbanisme, L 621-31, L 621-32, L 624-3 du code du patrimoine, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que sur l'action publique l'arrêt attaqué a déclaré Thierry X... coupable d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux exemptés de permis de construire sans déclaration préalable sur le mur d'enceinte de l'immeuble dit « Domaine de la Source » ; coupable d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux sur ledit mur d'enceinte et sur les murs de façade de cette propriété, travaux affectant l'aspect de ces constructions situées dans le champ de visibilité d'édifices inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historique, sans avoir au préalable, sollicité d'autorisation ; coupable d'avoir exécuter ou fait exécuter sur les murs de façade de l'immeuble dit « Domaine de la Source » des travaux exemptés de permis de construire sans déclaration préalable ; coupable d'avoir exécuté ou fait exécuter des travaux contrevenant aux prescriptions du plan d'occupation des sols applicables sur le territoire de la commune de Saint-Romain-au- Mont-D'or, et l'a condamné à une amende de 30 000 euros ainsi qu'à la remise en leur état antérieur aux travaux réalisés jusqu'au 4 décembre 2004 des parties extérieures des murs des façades et du mur d'enceinte de l'immeuble ;
"aux motifs que « les prévenus concluent que « la création artistique » souvent appelée expression artistique, participe de la liberté d'expression » et que « la poursuite de Thierry X... au titre des oeuvres de l'article 475-1 du code de procédure pénale visible à la Demeure du Chaos est contraire à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme » ; qu'il soutiennent dans leurs conclusions que « les prescriptions d'urbanisme ne rentrent dans aucune des catégories de nécessités qui justifient des restrictions à la liberté d'expression » ; qu'ils font valoir que « les infractions d'urbanisme reprochées à Thierry X... sont sans rapport avec la sécurité publique et la protection de l'environnement » et que la Demeure du Chaos, dotée du statut d'établissement recevant du public, répond aux impératifs de sûreté et de sécurité publiques ; qu'ils ajoutent qu'il n'est ni soutenu ni encore moins prouvé que la Demeure du Chaos porterait atteinte à l'environnement ; que la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme est un droit qui comprend notamment la liberté de communiquer des informations ou des idées ; qu'aucune forme d'expression n'est exclue du champ de cette protection conventionnelle ; que la création artistique, qui peut être un vecteur de communication d'informations et d'idées, bénéficie de cette protection du droit à la liberté d'expression ; que toutefois, ce droit n'est pas absolu, l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme prévoyant que l'exercice de la liberté d'opinion et de la liberté de recevoir et de communiquer informations et idées, qui comporte des devoirs et des responsabilités, peut être « soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire » ; que se prononcer sur le caractère artistique d'une oeuvre supposerait de se référer à un ordre esthétique qui définirait ce qui relève de l'article 475-1 du code de procédure pénale et en déterminerait les critères ; qu'une telle appréciation n'entre pas dans les fonctions du juge qui a en charge l'application de la loi, notamment en veillant au respect des dispositions conventionnelles ci-dessus évoquées ; qu'indépendamment du point de savoir si elle doit être qualifiée d'oeuvre d'art, question dont la réponse ne ressortit pas au juge répressif, et du seul fait que l'oeuvre dite « Demeure du Chaos » communique des « informations ou des idées » au sens de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme, le prévenu est recevable à invoquer la protection du droit à la liberté d'expression garantie par ce texte ; qu'il y a lieu de rechercher si les formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par les dispositions du code de l'urbanisme et code du patrimoine sur lesquelles sont fondées les présentes poursuites se concilient avec le droit à la liberté d'expression dont l'exercice est protégé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la réglementation de l'urbanisme poursuit un but légitime rappelé par l'article L 110 du code de l'urbanisme qui, après avoir posé le principe selon lequel « le territoire français est le patrimoine commun de la nation » dispose «Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie (L n°91-662 du 13 juillet 1991, art. 5) « d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources » de gérer le sol de façon économe, d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages (L n°87-565 du 22 juillet 1987, art. 22) « ainsi que la sécurité et la salubrité publiques» et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales (L n°96-1236 du 30 décembre 1996, art. 17-1) « et de rationnaliser la demande de déplacements » les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace» ; qu'en réprimant le non-respect de la formalité soumettant à une déclaration préalable en mairie l'exécution de certains travaux affectant l'aspect extérieur de constructions existantes, en particulier lorsque celles-ci sont situées dans un périmètre défini de bâtiments figurant à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques et en sanctionnant les infractions aux prescriptions édictées par la réglementation résultant d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme approuvé au terme d'une procédure d'élaboration prévoyant notamment une consultation publique des habitants de la commune concernée, les dispositions des deux codes précités ne portent pas atteinte au droit à la liberté d'expression ; qu'en effet, remplissant , avec les autres règles d'urbanisme, une fonction de régulation des comportements en matière d'utilisation des sols, et contribuant ainsi à créer les conditions d'une harmonisation de la vie sociale, elles constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la défense de l'ordre qui implique, dans l'intérêt général, que soit assurée la protection du patrimoine commun et que soit respectée la volonté collective exprimée dans les choix urbanistiques que comportent les plans d'occupation des sols ; que les restrictions apportées tant par le code de l'urbanisme que par le code du patrimoine et celles qui résultent de l'application du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Romain-au-Mont-D'or ainsi que les sanctions qui accompagnent l'inobservation des règles édictées sont proportionnées au but légitime poursuivi ; qu'elles ne portent pas sur le contenu de la liberté d'expression mais affectent seulement, dans l'intérêt général et de manière très limitée, une modalité d'exercice de ce droit, en réglementant ses manifestations dès lors qu'elles affectent l'espace public ; que les travaux réalisés sur les murs de façade et le mur d'enceinte sont en effet visibles des voies publiques ; que le catalogue raisonné mentionne : « la « demeure du Chaos» s'impose et s'expose», « la question principale de ces oeuvres est la confrontation permanente à autrui, et c'est bien là son aspect novateur, son caractère tendancieux : jusqu'où peut-on forcer les gens à regarder ? » « Cette confrontation permanente et imposée provoque de manière attendue et plus ou moins voulue des réactions » ; que les restrictions en cause ne visent que les seules réalisations qui, de l'extérieur de la propriété, s'imposent à la vue du public et ne portent pas, comme voudrait le faire accroire le prévenu, sur les oeuvres figurant dans les espaces intérieurs des bâtiments et dans le parc » ; qu'il résulte de ces éléments que les poursuites très circonscrites dirigées contre Thierry X... ne contreviennent pas aux dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et que le prévenu doit être déclaré coupable de l'ensemble des infractions visées à la prévention » ;
"alors que, d'une part, le juge doit rechercher de façon concrète, en fonction des circonstances particulières propres à chaque affaire, si l'ingérence de l'Etat dans l'exercice de la liberté d'expression artistique poursuit un but légitime et est proportionnée au but ainsi poursuivi ; qu'en se bornant en l'espèce à se prononcer sur le caractère légitime des dispositions du code de l'urbanisme et du code du patrimoine en général et à entrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu du seul fait que « les travaux réalisés sur les murs de façade et le mur d'enceinte sont visibles des voies publiques » sans expliquer en quoi les poursuites exercées à l'encontre de Thierry X... à raison des modifications apportées à l'aspect des façades, pour réaliser une oeuvre artistique en collaboration avec d'autres artistes, étaient concrètement justifiées par un « besoin social impérieux» tel qu'une atteinte à la sécurité ou à la protection de l'environnement, et étaient proportionnées, au vu des circonstances de l'espèce, au but poursuivi, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ";
"alors que, d'autre part, la liberté d'expression, pierre angulaire des principes de la démocratie et des droits de l'homme, a précisément pour fonction de permettre à tout citoyen d'exprimer publiquement des idées ou des informations en les communiquant ; qu'en décidant en l'espèce que les restrictions à la liberté d'expression des prévenus étaient légitimes et justifiées dès lors que les poursuites étaient circonscrites aux « seules réalisations qui, de l'extérieur de la propriété, s'imposent à la vue du public », cependant que cette liberté d'expression est précisément constituée par la faculté de transmettre au public – même à la fraction de celui-ci qui ne les goûte pas – des idées, des images ou des réalisations artistiques, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation des textes susvisés" ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 10-1 et 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1 du Protocole additionnel n°1, de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme et 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en conformité avec le plan d'occupation des sols (plan local d'urbanisme) applicable sur le territoire de la commune de Saint-Romain-au-Mont-D'or des parties extérieures des murs des façades et du mur d'enceinte de l'immeuble dit « Domaine de la source » qui seront rétablies dans leur état antérieur aux travaux réalisés jusqu'au 4 décembre 2004, qui en ont modifié l'aspect extérieur ;
"aux motifs que « le directeur départemental de l'Equipement du Rhône a adressé le 13 juillet 2005 au procureur de la République des observations écrites, indiquant : « s'agissant d'un enjeu local, je renverrai en premier lieu à l'avis du maire de Saint-Romain ; la remise en état pourrait porter prioritairement sur les murs extérieurs » ; que Thierry X... revendique l'existence d'un droit moral au bénéfice des auteurs des modifications apportées aux murs extérieurs, droit qui s'opposerait au prononcé d'une mesure de restitution ; mais que ces modifications ayant été réalisées au mépris des règles édictées par les codes de l'urbanisme et du patrimoine, le prévenu ne saurait utilement se prévaloir d'un quelconque droit qui serait de nature à faire échec à l'exécution des mesures prévues par la loi en vue de mettre fin aux conséquences des infractions constatées ; qu'il y a lieu d'ordonner, en application de l'article L 480-5, alinéa premier, du code de l'urbanisme, la mise en conformité avec le plan d'occupation des sols (devenu plan local d'urbanisme) de la commune de Saint-Romain-au-Mont-D'or des parties extérieures des murs de façade et du mur d'enceinte de la propriété du "Domaine de la source" en les rétablissant dans leur état antérieur au travaux réalisés jusqu'au 4 décembre 2004 qui en ont modifié l'aspect extérieur et ce dans un délai de 9 mois à compter du jour où le présent arrêt aura acquis l'autorité de la chose jugée et sous astreinte de 75 euros par jour de retard passé ce délai » ;
"alors que l'ingérence de l'Etat dans la liberté d'expression doit être proportionnée au but légitime poursuivi, le seul fait que cette ingérence soit prévue par la loi ne suffisant pas à lui conférer de manière automatique le critère de « proportionnalité » exigé de toute atteinte étatique à la liberté d'expression individuelle, et notamment à la liberté d'expression artistique ; qu'en se bornant en l'espèce à énoncer, pour décider, sans en avoir l'obligation, d'une mesure irréversible de remise en état des murs de façades et d'enceinte de la Demeure du Chaos entraînant la destruction pure et simple des centaines d'oeuvres d'art dont ces murs sont le support, que l'article L 480-5, alinéa 1er, du code de l'urbanisme prévoit la restitution ordonnée et que « le prévenu ne saurait utilement se prévaloir d'un quelconque droit qui serait de nature à faire échec à l'exécution des mesures prévues par la loi » cependant que la mesure de restitution des lieux ainsi ordonnée, de par son caractère irréversible et définitif, n'était pas proportionnée au but légitime poursuivi, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire que les restrictions apportées à la liberté d'expression du demandeur par les règlements d'urbanisme applicables et par sa condamnation à rétablir les lieux dans leur état antérieur ne sont pas contraires à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui a recherché si les atteintes portées en l'espèce à la liberté d'expression étaient proportionnées au but légitime poursuivi, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 000 euros la somme que Thierry X... et la société VHI devront payer à la commune de Saint-Romain-au-Mont-d'Or au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Palisse conseiller rapporteur, M.Blondet, Mmes Radenne, Ferrari conseillers de la chambre, MM. Chaumont, Delbano, Mme Harel-Dutirou conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;