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10/12/2009 | FRANCE | N°08-15914

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 décembre 2009, 08-15914


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 53, 53 IV et 53 V de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que Joseph X..., ayant été exposé aux poussières d'amiante durant sa vie professionnelle, a été reconnu le 11 janvier 2006, à l'âge de 68 ans, atteint d'un mésothéliome pleural, maladie dont le caractère professionnel a été admis par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il a saisi le Fonds d'indemnisation des vict

imes de l'amiante (le Fonds) d'une demande d'indemnisation ; que le Fonds lui a notif...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 53, 53 IV et 53 V de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que Joseph X..., ayant été exposé aux poussières d'amiante durant sa vie professionnelle, a été reconnu le 11 janvier 2006, à l'âge de 68 ans, atteint d'un mésothéliome pleural, maladie dont le caractère professionnel a été admis par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) d'une demande d'indemnisation ; que le Fonds lui a notifié une offre d'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux établie le 12 mai 2006, sa demande étant réservée pour les préjudices extrapatrimoniaux ; que Joseph X... a accepté cette offre le 30 mai 2006 ; qu'il est décédé le 15 novembre 2006 des suites de la maladie ; que M. Marc X..., Mme Rita X... épouse A..., Mme Laurence X... épouse Y... à titre personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, et Mme Véronique X... épouse Z... à titre personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs (les consorts X...), agissant ès qualités d'héritiers, ont présenté au Fonds une demande d'indemnisation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux de Joseph X... et de leurs propres préjudices moraux ; qu'en l'absence d'offre, ils ont saisi la cour d'appel d'un recours ;

Attendu que pour allouer aux consorts X... une indemnité de 14 500 euros à titre de réparation complémentaire des préjudices extrapatrimoniaux de Joseph X..., l'arrêt énonce qu'au cours de la période postérieure à l'acceptation de l'offre du Fonds, Joseph X... avait subi une importante aggravation de son état de santé général ayant nécessité trois hospitalisations, la mise en place d'une chimiothérapie, puis un traitement à titre palliatif jusqu'à son décès ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les affections et traitements décrits n'entraient pas dans le champ d'une évolution prévisible du même préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE sauf en ce qu'il déclare recevable le recours des consorts X... et constate l'absence de revendication des consorts X... au titre du préjudice patrimonial de Joseph X..., ledit préjudice ayant été intégralement pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, l'arrêt rendu le 12 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Mazars, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 456 du code de procédure civile en son audience publique du dix décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR dit que les ayants droit de Monsieur Joseph X... sont en droit de percevoir une indemnisation complémentaire au titre du préjudice extrapatrimonial subi par Monsieur Joseph X... du fait de l'aggravation de l'état de santé de ce dernier postérieurement à l'offre d'indemnisation initiale du 12 mai 2006 et fixé, en conséquence, cette indemnisation complémentaire aux sommes de 5. 000 € au titre des souffrances morales, 6. 000 € au titre des souffrances physiques, 3. 000 € au titre du préjudice d'agrément et 500 € au titre du préjudice esthétique, soit un total de 14. 500 €, en principal ;

AUX MOTIFS QUE « pour justifier le rejet de la demande d'indemnisation formulée à ce titre par les consorts X..., le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante fait valoir que de son vivant, Monsieur Joseph X... a bénéficié d'une somme de 91. 500 € qui correspond à un taux d'incapacité de 100 % pour une personne de son âge, et que 100 % étant le taux maximum d'incapacité, l'état de santé de l'intéressé n'était pas susceptible d'aggravation, contrairement à ce qu'indiquent les demandeurs ; que le Fonds ajoute qu'ayant accepté l'offre d'indemnisation de son préjudice extrapatrimonial de 91. 500 € notifiée le 12 mai 2006, Monsieur X... ne pouvait plus contester cette offre ou la remettre en cause, s'agissant d'une indemnisation " vie entière " qui indemnise non seulement la période écoulée mais aussi la période future ; que le Fonds invoque, à cet égard, une récente décision de la Cour de cassation rendue le 20 décembre 2007 dans une affaire semblable à la présente espèce ; que, tout d'abord, le problème soulevé par le présent litige n'est pas de savoir si une offre notifiée par le Fonds et acceptée par la victime peut, ou non, être remise en cause, puisque la demande des ayants droit de Monsieur X... ne vise pas à remettre en cause l'offre acceptée par leur auteur mais à demander une indemnisation complémentaire motivée par une aggravation de l'état de santé de Monsieur X... survenue postérieurement à cette offre ; qu'il ressort des éléments médicaux produits par les consorts X... que, postérieurement à l'offre initiale notifiée par le Fonds le 12 mai 2006, Monsieur X... a présenté une nouvelle altération de son état général caractérisée, notamment, par un amaigrissement important, l'apparition de nausées et de vomissements et des douleurs au niveau du rachis cervical et du rachis thoracique ; que les scanners effectués au début du mois de juillet 2006 ont révélé une prolifération pleurale médiastinale avec augmentation d'épaisseur de la tumeur, nécessitant la mise en place d'une chimiothérapie de deuxième ligne ; que le 28 juillet 2006, était effectuée la mise en place d'une chambre implantable permettant le début de la chimiothérapie ; qu'hospitalisé le 2 août 2006, le patient se plaignait d'une grande fatigue et de douleurs thoraciques ; que le 23 août 2006, le patient était à nouveau hospitalisé pour apparition d'un syndrome fébrile, difficultés à déglutir et état dépressif profond nécessitant des entretiens réguliers pour évacuer le stress ; que fin septembre 2006, on notait un état de faiblesse extrême à l'origine de plusieurs chutes ainsi qu'une progression de la tumeur au niveau intercostal gauche entraînant des douleurs importantes ; que le 23 octobre 2006, le patient était à nouveau hospitalisé en urgence pour troubles neurologiques, troubles de l'équilibre, désorientation temporo-spatiale et paralysie faciale, et qu'il était constaté une nette progression de la tumeur locale ainsi que l'apparition d'une douzaine de nodules parenchymateux et de lésions hépatiques suspectes ; qu'un traitement morphinique était administré à titre palliatif et que le décès survenait le 15 novembre 2006 des suites de l'évolution tumorale ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que postérieurement au 12 mai 2006, date à laquelle le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante a procédé à l'évaluation de l'état de santé de Monsieur X... en vue d'établir l'offre d'indemnisation initiale, une aggravation de cet état de santé est survenue, justifiant une offre complémentaire d'indemnisation ; que, compte tenu de l'âge de Monsieur X... (68 ans lors de l'apparition de la maladie) des éléments produits aux débats, et des sommes déjà versées par le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante pour indemniser Monsieur X... de son préjudice extrapatrimonial, soit 91. 500 €, il y a lieu de fixer ainsi qu'il suit l'indemnisation complémentaire de ce même préjudice : 5. 000 € pour le préjudice moral, compte tenu de l'impact psychologique et de l'état évolutif de la pathologie, 6. 000 € pour le préjudice physique, compte tenu de l'aggravation des douleurs et de la gène respiratoire ainsi que des traitements lourds mis en oeuvre à titre palliatif, 3. 000 € pour le préjudice d'agrément, compte tenu de la disparition quasi complète des agréments et plaisirs de la vie, 500 € pour l'aggravation du préjudice esthétique, soit au total 14. 500 € » ;

1° / ALORS, d'une part, QUE, aux termes de l'article 53- IV, al. 3, de la loi du 23 décembre 2000, l'acceptation de l'offre présentée par le Fonds rend irrecevable tout autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que Monsieur Joseph X..., de son vivant, avait accepté l'offre que lui avait présenté le FIVA en réparation des chefs de préjudice extra patrimonial par lui subis ; qu'en décidant cependant que la demande en réparation de ces mêmes préjudices formulée par ses ayants droit était recevable, quand l'acceptation par leur auteur de l'offre d'indemnisation du préjudice extra patrimonial qu'il avait subi rendait toute action juridictionnelle de ce chef irrecevable, la Cour d'appel a violé l'article 53- IV, al. 3, de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 2048 du Code civil ;

2° / ALORS, d'autre, QUE (subsidiairement), les chefs de préjudice extra patrimonial indemnisés par le FIVA sur la base d'un taux d'incapacité de 100 %, correspondant à une pathologie cancéreuse, ne sont pas susceptibles d'aggravation et donc ne peuvent donner lieu à une indemnisation complémentaire au titre de l'aggravation du préjudice ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 53- I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

3° / ALORS, enfin, QUE (très subsidiairement), l'indemnisation par le FIVA des chefs de préjudice extra patrimonial sur la base d'un taux d'incapacité de 100 %, correspondant à une pathologie cancéreuse, couvre la vie entière de la victime, et donc nécessairement la période s'écoulant entre la présentation de l'offre et son décès ; qu'en décidant cependant d'indemniser l'aggravation des chefs de préjudice extra patrimonial subie par Monsieur Joseph X..., avant son décès, la Cour d'appel a violé l'article 53- I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

4° / ALORS, enfin QUE (encore plus subsidiairement), la Cour d'appel ne saurait allouer une indemnisation complémentaire au titre de l'aggravation du préjudice moral subi par la victime, lequel constitue un préjudice spécifique qui, reposant sur la conscience qu'a la victime de la gravité de sa maladie et ses conséquences sur sa survie et donnant lieu, de la part, du FIVA à une réparation intégrale, lorsque la victime est atteinte d'un taux d'incapacité de 100 %, correspondant à une pathologie cancéreuse, n'est pas susceptible d'aggravation ; qu'en réévaluant le préjudice moral subi par Monsieur Joseph X..., dont elle constatait qu'il avait été indemnisé par le FIVA au titre d'une incapacité de 100 %, la Cour d'appel a violé l'article 53- I de la loi du 23 décembre 2000, ensemble l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 08-15914
Date de la décision : 10/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

FONDS DE GARANTIE - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - Victime de l'amiante - Demande d'indemnisation - Offre d'indemnisation - Acceptation - Indemnisation complémentaire - Préjudice - Evolution prévisible du même préjudice - Appréciation

FONDS DE GARANTIE - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - Victime de l'amiante - Demande d'indemnisation - Etendue - Détermination - Portée

La victime d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante ayant accepté, le 30 mai 2006, l'offre d'indemnisation présentée par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante puis étant décédée, le 15 novembre 2006, des suites de la même maladie, ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui alloue une indemnité complémentaire aux ayants-droit au titre de l'action successorale, en énonçant que la victime avait subi une aggravation de son état de santé ayant nécessité trois hospitalisations, la mise en place d'une chimiothérapie puis un traitement à titre palliatif, sans rechercher si les affections et traitements décrits entraient dans le champ d'une évolution prévisible du même préjudice


Références :

articles 53 I, 53 IV et 53 V de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 déc. 2009, pourvoi n°08-15914, Bull. civ. 2009, II, n° 283
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, II, n° 283

Composition du Tribunal
Président : M. Gillet
Avocat général : Mme de Beaupuis
Rapporteur ?: M. Bizot
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.15914
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