LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que, par contrat du 26 novembre 1970, la commune de Ledenon a donné à bail emphytéotique, pour une durée de quatre vingt dix-neuf ans diverses parcelles de terre à M. X..., destinées à l'aménagement d'un complexe sportif dont la construction d'un circuit automobile ; que, le 24 janvier 2001, la commune a adopté un plan d'occupation des sols modifiant notamment le classement d'une des parcelles, la plaçant en zone boisée ; que M. X... a assigné devant le tribunal de grande instance de Nîmes la commune de Ledenon pour rechercher sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil ; que la commune de Ledenon a soulevé l'incompétence du juge judiciaire au profit des juridictions de l'ordre administratif ;
Attendu que la commune de Ledenon fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 1er juillet 2008) d'avoir rejeté son exception d'incompétence, alors, selon le moyen :
1°/ que les litiges portant sur les conséquences préjudiciables d'une décision administrative relèvent de la compétence des tribunaux de l'ordre administratif ; que dès lors, la cour d'appel qui, après avoir relevé que M. X... demandait au juge civil d'apprécier si la commune de Ledenon n'avait pas engagé sa responsabilité à son égard en disposant des prérogatives attachées à sa qualité de personne publique investie du soin de définir les règles d'urbanisme, a néanmoins décidé que le juge judiciaire était compétent pour statuer sur cette demande en se fondant sur la circonstance inopérante que la commune était le cocontractant de M. X..., a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme instituent un régime légal d'indemnisation exclusif de tout autre mode de réparation et en confient l'application au juge administratif ; que dès lors, la cour d'appel qui, ayant relevé que le préjudice invoqué par M. X... trouvait son origine dans l'édiction d'une servitude d'urbanisme, a néanmoins décidé qu'en utilisant ses prérogatives de puissance publique pour modifier le plan d'occupation des sols la commune avait modifié unilatéralement les conditions d'exécution du contrat de bail, ce qui justifierait la compétence du juge judiciaire statuant sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, a violé les articles 1147 du code civil et L. 160-5 du code de l'urbanisme, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la commune de Ledenon ne remettait pas en cause le caractère de droit privé du contrat de bail emphytéotique ni ne prétendait que la parcelle litigieuse dépendait du domaine public de la commune, la cour d'appel a décidé à bon droit que la demande de M. X... tendant à voir apprécier l'existence d'un manquement contractuel, en raison de l'édiction de règles d'urbanisme modifiant les conditions du contrat, ressortissait de la compétence du juge judiciaire, dès lors que les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ne font pas obstacle à la réparation du préjudice subi par le cocontractant de la collectivité publique sur le fondement de la responsabilité contractuelle de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Ledenon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Ledenon à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux Conseils pour la commune de Ledenon
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune de Ledenon ;
AUX MOTIFS QUE monsieur X... explique que l'indemnisation qu'il réclame est dirigée contre son co-contractant parce qu'il ne respecte pas la loi du contrat en modifiant unilatéralement les conditions de la jouissance conférée dans le cadre du bail et les droits en résultant ; qu'il donne donc au juge civil la mission d'apprécier si, en disposant des prérogatives dont elle dispose en sa qualité de personne publique investie du soin de définir les règles d'urbanisme qu'il n'entend pas critiquer, la commune en bénéficiant de cette autre qualité ne rompt pas son engagement unilatéralement pris en tant que contractant non particulièrement protégé et tenu d'exécuter ses obligations telles qu'elle les a souscrites et se plaçant ainsi volontairement dans l'impossibilité de respecter ses engagements ; qu'il n'est, par conséquent, pas demandé à la juridiction judiciaire de vérifier la régularité ou l'opportunité d'un acte administratif, d'en tirer les conséquences de droit sur le terrain de la responsabilité d'une personne publique quant aux règles d'urbanisme qu'elle édicte, ni d'apprécier le droit à réparation ouvert à l'administré spécifiquement en contravention ou par exception aux dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, comme si aucun lien contractuel n'existait entre les parties ; qu'il s'ensuit que le juge civil devra apprécier l'existence d'un manquement contractuel imputable à la commune au motif qu'elle a par ailleurs édicté des règles d'urbanisme modifiant les conditions d'exécution du contrat qu'elle s'est engagée à exécuter ; que toutefois cette connaissance relève du fond du droit sans rendre dès à présent le juge saisi incompétent pour en connaître dans le cadre de la discussion ainsi circonscrite et née de la convention des parties restant soumise aux dispositions des articles 1147 et 1134 du code civil ; que l'ordonnance du juge de la mise en état est en voie de confirmation en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence élevée ;
ALORS QUE les litiges portant sur les conséquences préjudiciables d'une décision administrative relèvent de la compétence des tribunaux de l'ordre administratif ; que dès lors, la Cour d'appel qui, après avoir relevé que monsieur X... demandait au juge civil d'apprécier si la commune de Ledenon n'avait pas engagé sa responsabilité à son égard en disposant des prérogatives attachées à sa qualité de personne publique investie du soin de définir les règles d'urbanisme, a néanmoins décidé que le juge judiciaire était compétent pour statuer sur cette demande en se fondant sur la circonstance inopérante que la commune était le cocontractant de monsieur X..., a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III ;
ALORS QUE les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme instituent un régime légal d'indemnisation exclusif de tout autre mode de réparation et en confient l'application au juge administratif ; que dès lors, la Cour d'appel qui, ayant relevé que le préjudice invoqué par monsieur X... trouvait son origine dans l'édiction d'une servitude d'urbanisme, a néanmoins décidé qu'en utilisant ses prérogatives de puissance publique pour modifier le plan d'occupation des sols la commune avait modifié unilatéralement les conditions d'exécution du contrat de bail, ce qui justifierait la compétence du juge judiciaire statuant sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, a violé les articles 1147 du code civil et L. 160-5 du code de l'urbanisme, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 Fructidor an III.