LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que M. X... a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée du 11 mars 2005 en qualité d'expert construction par le cabinet Y..., statut cadre, coefficient 460, avec une rémunération brute mensuelle de 3 826,66 euros pour un forfait annuel de 215 jours par année civile, conformément à la convention collective nationale des métreurs-vérificateurs ; que le 30 août 2005 les parties ont signé un avenant au contrat de travail stipulant : "à compter du 1er avril 2005, la rémunération mensuelle de M. X... sera déterminée en fonction de sa production mensuelle de la façon suivante :- partie fixe (équivalent à une production de 12 400 euros) : 1 860 euros net - partie complémentaire variable déterminée en fonction de la production réellement réalisée : 1 200 euros pour une production mensuelle de 20 000 euros. Pour une production entre 12 400 et 20 000 euros, cette somme sera réduite au prorata de la production réalisée" ; qu'en avril 2007, M. X... a saisi la juridiction prud'homale en référé d'une demande de rappels de salaire et de frais professionnels et de déplacement ;
Sur les moyens du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que les moyens invoqués à l'appui de ce pourvoi ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en payement d'une certaine somme à titre de rappel de salaires pour les années 2005, 2006 et 2007, alors, selon le moyen :
1°/ que nonobstant la délivrance du bulletin de paie, il appartient à l'employeur de prouver, notamment par la production de pièces comptables, qu'il a payé le salaire au salarié ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. Didier X... de sa demande tendant à la condamnation de M. Jean-Pierre Y... à lui payer la somme de 19 208,86 euros à titre de rappel de salaires relativement aux années 2005, 2006 et 2007, que les bulletins de paie produits par M. Didier X... mentionnaient que le salaire avait été payé par chèque et que M. Didier X... ne justifiait pas, même par la production d'un relevé de compte, n'avoir perçu qu'une partie de son salaire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil et de l'article L. 143-4 de l'ancien code du travail, qui ont été recodifiées à l'article L. 3243-3 du code du travail ;
2°/ qu'en énonçant que M. Didier X... avait reconnu avoir été payé de son salaire, quand M. Didier X... n'avait, dans ses conclusions d'appel écrites, qui, selon les mentions de l'arrêt attaqué, ont été développées oralement à l'audience, nullement reconnu avoir été payé de son salaire correspondant aux périodes concernées par sa demande de rappel de salaires et, tout au contraire, soutenait n'avoir pas reçu paiement du salaire correspondant à ces périodes, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de M. Didier X... et méconnu, en conséquence, les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part que, saisie d'une demande de complément de salaire pour la période du 1er avril au 1er septembre 2005 sur la base d'un salaire mensuel de 4 719,40 euros brut soit 3 700 euros net, la cour d'appel a constaté que le contrat de travail prévoyait une rémunération mensuelle de 3 826,66 euros brut soit 3 000 euros net ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel a alloué à M. X... pour la période postérieure un complément de salaire correspondant à la différence entre les minima conventionnels et les sommes que celui-ci reconnaissait avoir perçues ;
D'où il suit que, sans inverser la charge de la preuve ni dénaturer les conclusions, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1315 du code civil ensemble l'article 27 de la convention collective nationale des cabinets d'économistes de la construction et de métreurs-vérificateurs ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de réajustement des indemnités kilométriques l'arrêt retient que M. X... ne justifie pas que l'employeur l'ait remboursé sur la base d'une indemnité kilométrique inférieure à celle retenue par la convention collective ;
Qu'en statuant ainsi alors que la preuve du payement des indemnités kilométriques et du réajustement annuel conformément aux dispositions de la convention collective incombe à l'employeur, la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre du réajustement des indemnités kilométriques, l'arrêt rendu le 22 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour M. Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Jean-Pierre Y... à verser à Monsieur Didier X... la somme de 9.363,25 euros à titre de provision sur rappel de salaires ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Y... sollicite de la Cour qu'elle réforme l'ordonnance de référé et, - qu'à titre principal, elle juge que Monsieur X... ne peut prétendre à aucun rappel de salaire ni remboursement de frais professionnels ; - qu'à titre subsidiaire, elle juge qu'il ne peut prétendre qu'aux sommes de 4.594,89 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel et de 1.615,66 euros à titre de remboursement de ses frais professionnels ; - et qu'en tout état de cause, elle le condamne à lui verser la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice occasionné par son déficit d'activité, celle de 5.634,79 euros en remboursement de ses jours d'absence injustifiés, qu'elle ordonne la compensation entre les sommes en cause et qu'elle le condamne à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; … que Monsieur Y..., qui critique les modalités de travail de Monsieur X..., reconnaît cependant, en admettant devoir un montant de 4.594,89 euros, que la rémunération effectivement versée est inférieure à la rémunération minimale conventionnelle, mais qu'il retient pour fixer la date de prise d'effet de ces accords, leur date d'extension ;
ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les prétentions des parties exprimées devant eux ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt que Monsieur Y... a expressément soutenu que Monsieur X... ne peut prétendre à aucun rappel de salaire ni aucun remboursement de frais professionnels et que ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'il a demandé à la Cour de juger que le salarié ne pouvait prétendre qu'à la somme de 4.594,89 euros bruts à titre de rappel de salaire conventionnel ; qu'en retenant cependant, pour considérer que Monsieur Y... reconnaissait que la rémunération effectivement versée était inférieure à la rémunération minimale conventionnelle, qu'il « admettait devoir un montant de 4.594,89 euros », la Cour d'appel qui a ainsi méconnu les conclusions formulées à titre principal par Monsieur Y..., a violé les articles 4 du Code de procédure civile et 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Jean-Pierre Y... à verser à Monsieur Didier X... la somme de 28.818,92 euros à titre de provision sur les frais de déplacement ;
AUX MOTIFS QUE l'article 23 alinéa 1er de la convention collective applicable dispose que les salariés que l'exercice de leur fonctions oblige à de courts déplacements hors de leur lieu de travail sont remboursés de leurs frais sur justification de ceux-ci ; que Monsieur X... présente un tableau duquel il résulte qu'il a engagé une somme totale de 47.323,26 euros, que Monsieur Y... ne conteste pas utilement en rapprochant les montants des frais professionnels de Monsieur X... de ceux des autre salariés et en évaluant ces montants par rapport au chiffre d'affaires réalisé par Monsieur X... ; qu'en revanche, Monsieur Y... fait justement valoir, puisque Monsieur X... le reconnaît, qu'il a versé, à titre de remboursement des frais de déplacement, une somme de 18.504,34 euros ; que dès lors, Monsieur Y... reste devoir à ce titre à Monsieur X... la somme de 28.818,92 euros ;
ALORS QUE le salarié qui demande la condamnation de son employeur à lui verser une certaine somme à titre de remboursement des frais de déplacement est tenu de justifier de la réalité de ces frais en en apportant la preuve ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Monsieur X... s'est borné à « présenter un tableau duquel il résulte qu'il a engagé une somme totale de 47.323,26 euros » ; qu'un tel tableau présenté par le salarié pour récapituler sa demande est insusceptible de constituer la preuve de l'engagement des frais professionnels dont il demande le remboursement ; qu'en admettant cependant qu'un tel tableau était de nature à justifier la créance invoquée par Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Didier X... de sa demande tendant à la condamnation de M. Jean-Pierre Y... à lui payer la somme de 19 208, 86 euros à titre de rappel de salaires relativement aux années 2005, 2006 et 2007 ;
AUX MOTIFS QU'« au vu du contrat de travail initialement signé, M. X... devait percevoir un salaire mensuel brut de 3 826, 66 euros, soit un salaire mensuel net de 3 000 euros, non contesté par lui. / Or, pour la période allant du 1er avril 2005 au 31 août 2005, alors que les bulletins de paie qu'il produit mentionnent un salaire net de 3 000 euros payé par chèque, M. X..., qui reconnaît avoir été payé de son salaire, ne justifie pas, même par la production d'un relevé de compte, n'en avoir perçu qu'une partie. Il en est de même pour les mois suivants » (cf., attaqué, p. 5) ;
ALORS QUE, de première part, nonobstant la délivrance du bulletin de paie, il appartient à l'employeur de prouver, notamment par la production de pièces comptables, qu'il a payé le salaire au salarié ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. Didier X... de sa demande tendant à la condamnation de M. Jean-Pierre Y... à lui payer la somme de 19 208,86 euros à titre de rappel de salaires relativement aux années 2005, 2006 et 2007, que les bulletins de paie produits par M. Didier X... mentionnaient que le salaire avait été payé par chèque et que M. Didier X... ne justifiait pas, même par la production d'un relevé de compte, n'avoir perçu qu'une partie de son salaire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil et de l'article L. 143-4 de l'ancien code du travail, qui ont été recodifiées à l'article L. 3243-3 du code du travail ;
ALORS QUE, de seconde part, en énonçant que M. Didier X... avait reconnu avoir été payé de son salaire, quand M. Didier X... n'avait, dans ses conclusions d'appel écrites, qui, selon les mentions de l'arrêt attaqué, ont été développées oralement à l'audience, nullement reconnu avoir été payé de son salaire correspondant aux périodes concernées par sa demande de rappel de salaires et, tout au contraire, soutenait n'avoir pas reçu paiement du salaire correspondant à ces périodes, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de M. Didier X... et méconnu, en conséquence, les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Didier X... de sa demande tendant à la condamnation de M. Jean-Pierre Y... à lui payer la somme de 787, 43 euros au titre du réajustement des indemnités kilométriques pour la période du 1er avril 2005 au décembre 2006 ;
AUX MOTIFS QU'« alors que l'article 27 de la convention collective dispose que, pour les véhicules de la puissance de M. X..., les indemnités kilométriques seront calculées par référence au dernier barème annuel publié par la direction générale des impôts, M. X... ne justifie pas que M. Y... l'ait remboursé sur la base d'une indemnité kilométrique inférieure à cette indemnité, telle que retenue par la convention collective. / Ce chef de demande de M. X... doit être rejeté » (cf., attaqué, p. 6) ;
ALORS QUE celui qui se prétend libéré de son obligation doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'il en résulte qu'il appartient à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à l'obligation qui lui incombe, en vertu de la convention collective applicable, de rembourser au salarié les frais occasionnés par l'utilisation de son véhicule automobile du salarié à titre professionnel sous la forme d'indemnités kilométriques calculées par référence au dernier barème annuel publié par la direction générale des impôts ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter M. Didier X... de sa demande tendant à la condamnation de M. Jean-Pierre Y... à lui payer la somme de 787, 43 euros au titre du réajustement des indemnités kilométriques pour la période du 1er avril 2005 au 31 décembre 2006, que M. Didier X... ne justifiait pas que M. Jean-Pierre Y... lui avait remboursé les frais occasionnés par l'utilisation du véhicule automobile sur la base d'une indemnité kilométrique inférieure à cette indemnité, quand il incombait à M. Jean-Pierre Y... de prouver qu'il avait, conformément aux stipulations de la convention collective nationale des collaborateurs salariés des cabinets d'économistes de la construction et de métreurs vérificateurs qui était applicable, remboursé à M. Didier X... les frais occasionnés par l'utilisation de son véhicule automobile du salarié à titre professionnel sous la forme d'indemnités kilométriques calculées par référence au dernier barème annuel publié par la direction générale des impôts, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les dispositions de l'article 1315, alinéa 2, du code civil.