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08/12/2009 | FRANCE | N°08-44002

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 décembre 2009, 08-44002


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 juin 2008), que M. X..., engagé le 1er octobre 1980 en qualité de mécanicien par la société Renault France véhicules industriels aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks Strasbourg, élu délégué du personnel en 1984, a saisi la juridiction prud'homale invoquant une discrimination syndicale ;
Attendu que la société Renault Trucks Strasbourg fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... des dommages-intérêts en

réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale et d'ordonner le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 juin 2008), que M. X..., engagé le 1er octobre 1980 en qualité de mécanicien par la société Renault France véhicules industriels aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks Strasbourg, élu délégué du personnel en 1984, a saisi la juridiction prud'homale invoquant une discrimination syndicale ;
Attendu que la société Renault Trucks Strasbourg fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale et d'ordonner le reclassement du salarié alors, selon le moyen :
1°/ que l'entreprise est le périmètre de comparaison pour déterminer si un salarié a fait l'objet d'une rupture d'égalité à son détriment ou d'une discrimination ; que pour refuser d'examiner les tableaux et courbes de salaires produits par l'employeur, la cour d'appel a retenu que ces différents éléments de comparaison concernaient le groupe et non "l'entreprise de Strasbourg" ; qu'en statuant ainsi quand il résultait des conclusions non critiquées de l'employeur qu'avant la saisine du conseil de prud'hommes en 2002, et jusqu'en 2004, le site de Strasbourg ne représentait pas l'entreprise, mais l'un des vingt-quatre établissements de la société Renault France VI, la cour d'appel, qui a procédé par voie d'affirmation péremptoire sans à aucun moment préciser d'où ressortait que le site de Strasbourg aurait seul représenté "l'entreprise" depuis l'embauche du salarié en 1980, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la discrimination syndicale d'un salarié n'est susceptible d'être constituée qu'en présence d'une disparité de traitement avec des salariés placés dans une situation identique ; qu'en se bornant à relever, pour dire M. X... victime d'une discrimination syndicale, que "son niveau de compétence technique est reconnu par sa hiérarchie, qu'il a effectué de très nombreuses formations de haute technicité dans son domaine d'intervention, et a même assumé le rôle de formateur pour ses collègues", ce dont il ne résultait aucune identité de situation avec les sept autres salariés de l'atelier bénéficiant d'un tel niveau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-5, L. 1132-1, 1132-3, 1134-1 du code du travail ;
3°/ que si le salarié qui subit une discrimination est en droit de demander le rétablissement dans ses droits, y compris par l'attribution du niveau de classification conventionnel auquel il peut prétendre, encore faut-il qu'il remplisse les conditions lui permettant d'accéder au niveau revendiqué ; qu'en refusant d'examiner si, comme le soutenait l'employeur, M. X... disposait de la polyvalence nécessaire pour occuper le niveau conventionnel de « technicien d'atelier » aux motifs inopérants que « sa demande ne tend qu'à rétablir une égalité de traitement avec les salariés auxquels il se compare, et non à obtenir la classification correspondant aux fonctions exercées », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-5, L. 1132-1, 1132-3, 1134-1 du code du travail ;
4°/ qu'en affirmant que la différence entre le salaire perçu et celui que M. X... aurait dû percevoir, se déterminait ainsi : "152,44 X 12 X 18 : 2", sans préciser à quoi correspondaient de tels calculs, ni la date à laquelle le salarié aurait pu bénéficier du niveau revendiqué, la cour d'appel a, de ce chef également, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-5, L. 1132-1, 1132-3, 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté que M. X... avait connu une évolution de carrière moins favorable que celle d'autres salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable et retenu que l'employeur ne justifiait pas cette différence de traitement par des raisons objectives étrangères à toute discrimination, a ainsi caractérisé une discrimination liée au mandat représentatif de l'intéressé ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui n'a pas ordonné l'attribution à M. X... de tâches techniques sans rapport avec ses compétences en lui reconnaissant le bénéfice d'un niveau de rémunération conventionnel plus élevé, a par ailleurs souverainement évalué le préjudice causé par la discrimination, en prenant en compte dans cette évaluation les dix-huit ans d'exercice de mandats représentatifs ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Renault Trucks Strasbourg aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Renault Trucks Strasbourg à payer à M. X... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Renault trucks Strasbourg.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer à M. X... la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ; d'AVOIR ordonné à l'exposante de faire bénéficier M. X... de la classification niveau 3 échelon 3 coefficient 240, ainsi que de la rémunération et du poste correspondants, sous astreinte de 100 euros par jours de retard dans le mois suivant la signification de l'arrêt, et d'AVOIR condamné l'exposante à verser à M. X... et à l'Union départementale CGT du BAS-RHIN pris in solidum la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « M. X... soutient avoir subi un retard dans l'évolution de sa carrière à raison de ses activités syndicale et il fonde sa demande sur les dispositions de l'article L.2141-5 du Code du travail (anciennement L.412-2) interdisant à l'employeur de "prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux..." ; attendu qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, et à l'employeur d'établir que cette disparité est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance syndicale ; qu'il résulte des pièces produites que M. X... embauché le 1er octobre 1980 dans un emploi de mécanicien APR 1, a bénéficié d'une augmentation d'échelon le 1er octobre 1984 au grade d'APR 2 puis le 1er juillet 1996 au grade d'APR 3 et percevait en 2004 un salaire 1.911,83 € incluant la prime d'ancienneté ; que les tâches qu'il effectue sont d'une grande technicité (réglage et modification de circuits pneumatiques, défaut d'embrayage automatisé, défaut ABS ou EBS etc...), qu'il a suivi de très nombreuses formations dans le domaine du freinage, et que plusieurs témoins (M Y..., exploitant forestier et M. Z..., chauffeur routier) on attesté de ce qu'il était présenté à la clientèle par sa hiérarchie comme le spécialiste du freinage au sein de l'entreprise et a assumé le rôle de formateur lors de formations internes sur le freinage ; qu'il compare l'évolution de sa carrière avec celle des autres ouvriers qualifiés au sein de la société ayant une ancienneté comparable à la sienne et embauchés au même coefficient APR 1 pour en conclure que tous ses collègues ont une qualification et un salaire supérieur au sien, et qu'il se prévaut en particulier d'une situation similaire à celle de ses collègues MM. A..., B..., ou C... tous promus techniciens d'atelier ; qu'il résulte du document émanant de la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG (classement source avril 2004 par classification actuelle) que sur les 34 salariés travaillant au sein de l'atelier, treize sont dans une situation comparable à celle de M. X... (embauché à l'emploi d'APR 1, avec 24 ans d'ancienneté en 2003) dont sept ont connu une meilleure évolution de carrière; M. D..., 14 ans d'ancienneté, agent de maîtrise au salaire de 2.419,3 euros; M. E..., 31 ans d'ancienneté, agent de maîtrise au salaire de 3.610 euros; M. F..., 24 ans d'ancienneté, agent de maîtrise, au salaire de 2.593,74; M. A..., 25 ans d'ancienneté, technicien d'atelier au salaire de 2.110 euros; M. B..., 24 ans d'ancienneté, technicien d'atelier au salaire de 2.224,52 euros ; M. C... 19 ans d'ancienneté, technicien d'atelier au 4 4 salaire de 1.842,33 euros; M. G... 14 ans d'ancienneté technicien d'atelier au salaire de 1992,43 euros; que seul M. H... ayant 29 ans d'ancienneté, technicien d'atelier présente une situation différente de celle de M. X... puisqu'il a été embauché à la classification APR2; que la circonstance que M. B... ait exercé son activité successivement sur les sites de BRUMATH et de FEGERSHEIM ou que M. D... soit considéré selon l'employeur comme le meilleur technicien de l'atelier ne permettent pas de justifier un tel retard d'évolution de carrière ; que la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG considère que le panel de comparaison retenu par le salarié n'est pas pertinent alors que la politique salariale est décidée au niveau du groupe de sociétés (cf attestation M. I..., responsable administratif) et que les courbes de salaire produites démontrent que le salaire de M. X... est supérieur à la moyenne des salaires du groupe 2 (APR 2) et largement supérieur au salaire moyen des ouvriers , que cependant si les augmentations de salaire sont décidées au niveau du groupe, l'initiative des augmentations individuelles de salaire et des augmentations d'échelon ne peut être prise qu'au niveau de l'entreprise elle-même sur avis des supérieurs hiérarchiques directs du salarié, à charge pour le groupe de valider cette initiative ; que par ailleurs, le mandat électif qui selon le salarié constitue le motif réel du frein apporté à son évolution de carrière est exercé au sein de l'entreprise ; qu'ainsi l'entreprise constitue le niveau pertinent de comparaison, ce d'autant que le salarié n'a pas connaissance des situations individuelles autres que celles de ses collègues directs ; qu'ainsi, la circonstance que, selon l'employeur seuls 5 salariés embauchés en 1980 ou 1981 au coefficient APR 1 sur un listing de 47 au sein du groupe aient connu une évolution de carrière plus favorable que celle de M. X... ne suffit pas à justifier la différence de traitement relevée ci-dessus, ce d'autant que l'on ignore tout des situations individuelles des salariés cités ; qu'en outre, il est sans incidence que le salaire de M. X... se situe dans la moyenne des salaires des ouvriers du groupe, alors que la discrimination alléguée porte sur l'évolution de carrière et non pas sur le niveau de salaire au sein de sa catégorie ;qu'il est sans incidence également que les tâches exercées par M. X... ne présentent pas la polyvalence requise lui permettant de revendiquer la classification de technicien selon les exigences de la convention collective, alors que sa demande ne tend qu'à rétablir une égalité de traitement avec les salariés auxquels il se compare et non à obtenir la classification correspondant aux fonctions exercées ;que s'il est admis que sur les treize salariés dans une situation comparable à celle de M. X..., quatre ont un niveau de classification et de rémunération inférieur à celui de M. X... (dont trois salariés mandataires syndicaux qui se plaignent comme lui de discrimination), et deux autres salariés occupent le même poste APR 3, pour autant M. X... est fondé à se prévaloir de la comparaison avec les sept salariés ayant connu un développement de carrière plus favorable, alors que son niveau de compétence technique est reconnu par sa hiérarchie, qu'il a effectué de très nombreuses formations de haute technicité dans son domaine d'intervention, et a même assumé le rôle de formateur pour ses collègues ; que la SAS RENAULT TRUCKS STRASBOURG ne fournit aucun élément de preuve objectif et étranger à toute discrimination fondée sur l'appartenance ou l'activité syndicale, permettant d'expliquer que M. X... n'ait pas bénéficié du niveau de classification auquel sa compétence reconnue lui ouvrait droit ; qu'il y a lieu d'en conclure que M. X... est fondé à se prévaloir de discrimination syndicale, et infirmant le jugement déféré, de dire et juger que le salarié est fondé à se voir appliquer la classification niveau 3 échelon 3 coefficient 240 à compter de ce jour, ainsi que la rémunération et le poste correspondants, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, et de condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts correspondant à la différence de salaire (152,44 euros X 12 X 18 :2 = 16.463,52 € ) augmentée de dommages-intérêts correspondant au préjudice moral subi, soit un montant total de 25.000 euros »;
1. ALORS QUE l'entreprise est le périmètre de comparaison pour déterminer si un salarié a fait l'objet d'une rupture d'égalité à son détriment ou d'une discrimination; que pour refuser d'examiner les tableaux et courbes de salaires produits par l'employeur, la Cour d'appel a retenu que ces différents éléments de comparaison concernaient le groupe et non "l'entreprise de STRASBOURG"; qu'en statuant ainsi quand il résultait des conclusions non critiquées de l'employeur qu'avant la saisine du Conseil des Prud'hommes en 2002, et jusqu'en 2004, le site de STRASBOURG ne représentait pas l'entreprise, mais l'un des établissements de la société RENAULT FRANCE V.I., la Cour d'appel, qui a procédé par voie d'affirmation péremptoire sans à aucun moment préciser d'où ressortait que le site de Strasbourg aurait seul représenté "l'entreprise" depuis l'embauche du salarié en 1980, a violé l'article 455 du Code de procédure civile;
2. ET ALORS QUE la discrimination syndicale d'un salarié n'est susceptible d'être constituée qu'en présence d'une disparité de traitement avec des salariés placés dans une situation identique; qu'en se bornant à relever, pour dire M. X... victime d'une discrimination syndicale, que "son niveau de compétence technique est reconnu par sa hiérarchie, qu'il a effectué de très nombreuses formations de haute technicité dans son domaine d'intervention, et a même assumé le rôle de formateur pour ses collègues", ce dont il ne résultait aucune identité de situation avec les 7 autres salariés de l'atelier bénéficiant d'un tel niveau, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-5, L. 1132-1, 1132-3, 1134-1 du Code du Travail;
3. ET ALORS QUE si le salarié qui subit une discrimination est en droit de demander le rétablissement dans ses droits, y compris par l'attribution du niveau de classification conventionnel auquel il peut prétendre, encore faut-il qu'il remplisse les conditions lui permettant d'accéder au niveau revendiqué ; qu'en refusant d'examiner si, comme le soutenait l'employeur, M. X... disposait de la polyvalence nécessaire pour occuper le niveau conventionnel de « technicien d'atelier » aux motifs inopérants que « sa demande ne tend qu'à rétablir une égalité de traitement avec les salariés auxquels il se compare, et non à obtenir la classification correspondant aux fonctions exercées », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-5, L. 1132-1, 1132-3, 1134-1 du Code du Travail;
4. ET ALORS QU'en affirmant que la différence entre le salaire perçu et celui que M. X... aurait dû percevoir, se déterminait ainsi : "152,44 X 12 X 18 : 2", sans préciser à quoi correspondaient de tels calculs, ni la date à laquelle le salarié aurait pu bénéficier du niveau renvendiqué, la Cour d'appel a, de ce chef également, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2141-5, L. 1132-1, 1132-3, 1134-1 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44002
Date de la décision : 08/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 05 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 déc. 2009, pourvoi n°08-44002


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44002
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