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02/12/2009 | FRANCE | N°08-44428

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 décembre 2009, 08-44428


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2008), que Mme X... a été engagée par la société Ed, qui appartient au groupe Carrefour, le 4 juillet 1988 en qualité de caissière et a été nommée en dernier lieu chef de magasin à compter du 1er juillet 1991 ; que la salariée, qui avait été victime d'un accident du travail le 20 avril 2002, a repris le travail le 2 juin 2003 avant d'être placée le même jour en arrêt maladie ; qu'après avoir passé deux visites de repris

e les 18 août et 1er septembre 2004 , elle a été déclarée inapte au poste de chef ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2008), que Mme X... a été engagée par la société Ed, qui appartient au groupe Carrefour, le 4 juillet 1988 en qualité de caissière et a été nommée en dernier lieu chef de magasin à compter du 1er juillet 1991 ; que la salariée, qui avait été victime d'un accident du travail le 20 avril 2002, a repris le travail le 2 juin 2003 avant d'être placée le même jour en arrêt maladie ; qu'après avoir passé deux visites de reprise les 18 août et 1er septembre 2004 , elle a été déclarée inapte au poste de chef de magasin mais apte à un emploi administratif sans station debout prolongée et sans manutention ; qu'ayant été licenciée le 24 novembre 2004 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme X... une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une somme à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que la visite de reprise effectuée par le médecin du travail en application de l'article R. 4624-21 du code du travail met fin à la période de suspension du contrat de travail que celle-ci résulte d'un accident du travail, d'un arrêt maladie, ou bien des deux cumulés, et qu'il n'y a ainsi pas lieu d'effectuer une visite de reprise distincte pour chaque cause de suspension du contrat de travail ; qu'en jugeant que le licenciement de Mme X... était intervenu pendant la période de suspension de son contrat de travail liée à un accident de travail, après avoir pourtant constaté que Mme X... avait bénéficié à l'issue de son dernier arrêt pour cause de maladie non professionnelle d'une visite de reprise auprès de la médecine du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles R. 4624-21 et L. 1226-15 du code du travail ;

2°/ que l'indemnité spéciale visée par l'article L.. 1226-5 du code du travail n'est accordée qu'au salarié licencié pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle lorsque son licenciement a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte ; qu'en allouant cette indemnité à Mme X..., sans avoir constaté, comme elle le devait, que l'inaptitude de Mme X... avait une origine professionnelle et que l'employeur connaissait cette origine au moment du licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles R. 4624-21 et L. 1226 15 du code du travail ;

3°/ que l'article L.. 1226-15 du code du travail n'est pas applicable lorsque, en méconnaissance des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 dudit code, l'employeur, au cours de la suspension du contrat provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle, prononce la résiliation du contrat de travail ; qu'en considérant que le licenciement de Mme X... était intervenu pendant une période de suspension du contrat du travail pour accident du travail et en accordant à la salariée l'indemnité spéciale prévue par l'article L.. 1226-15, équivalant au moins à un an de salaire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1226- 15 du code du travail ;

4°/ que les juges doivent motiver leur décision ; qu'en condamnant la société Ed à verser à Mme X... la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l'équivalent de deux ans de salaire, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société Ed versait régulièrement aux débats un courriel adressé à différents responsables du groupe Carrefour sollicitant leur concours afin pour examiner les possibilités de reclassement de Mme X..., chef de magasin déclarée inapte à la reprise de son poste ; qu'en affirmant que le preuve effective de la recherche de reclassement dans la société ou le groupe n'était pas établie, sans examiner les éléments de preuve qui lui étaient proposés par la société exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'abstraction faite d'un motif erroné critiqué par les première et troisième branches, la cour d'appel, a fait ressortir le lien entre l'inaptitude et l'accident de travail de sorte que la salariée pouvait bénéficier de la législation professionnelle ;

Attendu, ensuite, qu'appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, elle a constaté, par une réponse motivée, que même si l'employeur versait aux débats les fiches des postes afférentes à la bourse de l'emploi Carrefour, il ne justifiait pas de l'envoi de courriers reprenant les recommandations du médecin du travail et de la réception de réponses négatives de sorte que le licenciement qui avait été prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail ouvrait droit pour la salariée à une indemnité qui ne pouvait être inférieure à 12 mois de salaire conformément à l'article L. 1226-15 dudit code et dont elle a apprécié souverainement le montant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ed aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ed à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux conseils pour la société Ed

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société ED à payer à Mme X... les sommes de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.250 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que la lettre de licenciement, pour inaptitude, est ainsi rédigée :

« La médecine du travail nous a fait part de votre inaptitude à votre poste de travail actuel, de fait nous avons envisagé votre reclassement, car le poste de chef de magasin que vous occupiez n'était pas compatible avec les préconisations du médecin du travail. En effet le médecin du travail vous a déclarée inapte à votre emploi actuel. Malgré nos démarches afin d'envisager un éventuel reclassement (demande des postes disponibles au sein des autres régions, envoi de la bourse de l'emploi …), nous n'avons obtenu aucune réponse positive. Les propositions qui vous ont été faites n'étant pas en adéquation avec vos ambitions et aspirations professionnelles … de fait, nous nous voyons dans l'obligation de mettre fin à nos relations contractuelles … » ; que l'employeur affirme qu'à la suite du second avis d'inaptitude, d'une part, il a effectué des recherches de reclassement dans un poste administratif, mais qu'il ne disposait d'aucun poste vacant de ce type dans l'entreprise et, d'autre part, il a fait parvenir à la salariée la « bourse de l'emploi Carrefour » qui reprenait les postes disponibles au sein de cette société, afin d'élargir les possibilités de recherche dans le groupe, mais que la salariée n'a posé sa candidature sur aucun de ces postes ; qu'il ajoute que la salariée ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail car elle n'était en arrêt de travail ni pour maladie professionnelle ni pour accident du travail ; que la salariée conteste que son employeur ait réellement recherché à la reclasser au sein de la société et du groupe dont elle faisait partie ; que lors de la première visite de reprise, du 18 août 2004, le médecin du travail a émis l'avis suivant « une inaptitude au poste est à prévoir. L'avis définitif sera donné à l'issue d'une étude de poste et d'un second examen médical prévu le 02/09/04. En attendant Mme X... peut être affectée à des tâches administratives ; pas de station debout prolongée ni manutention » ; que lors de la seconde visite de reprise, du 1er septembre 2004, le médecin du travail a émis l'avis suivant : « A la suite du premier examen du 18.08.2004 et l'étude de poste réalisée le 31.08.2004, la salariée est inapte au poste de chef de magasin. Elle pourrait être affectée à un emploi administratif (pas de station debout prolongée) sans manutention » ; que Mme Y..., épouse X..., à la suite de son arrêt pour accident du travail, n'a jamais bénéficié de la visite médicale de reprise par le médecin du travail ; que même si elle a, en dernier lieu, été arrêtée pour cause de maladie, les deux uniques visites de reprise, après son accident du travail, sont celles qui ont abouti au licenciement du 24 novembre 2004, lequel est donc intervenu pendant une période de suspension de son contrat de travail pour accident du travail ; qu'ainsi, elle peut bénéficier des dispositions du code du travail relatives aux accidents du travail ; que même si l'employeur affirme avoir recherché à reclasser Mme Y..., épouse X..., rient ne permet de constater la réalité de cette recherche dans la société, compte tenu de la non production des registres d'entrée et de sortie du personnel ; que même s'il verse aux débats les fiches des postes afférentes à la «bourse de l'emploi Carrefour » qu'il a envoyées à la salariée le 13 septembre 2004, il ne justifie pas de l'envoi à la société Carrefour, de courriers reprenant les recommandations du médecin du travail et de la réception de réponses négatives ; qu'ainsi la preuve effective de la recherche de reclassement dans la société ou le groupe n'est pas établie ; qu'il résulte de ce qui précède, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à ses obligations de reclassement consécutives à l'inaptitude ; que le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail (anciennement L. 122-32-5, alinéa 1) ouvre droit pour la salariée à une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire, conformément à l'article 1226-15 du code du travail (anciennement L. 122-32-7) ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'allouer à Mme Y..., épouse X..., la somme de 40.000 à titre de dommagesintérêts toutes causes de préjudices confondus, et d'infirmer le jugement déféré (arrêt attaqué pages 3 et 4) ;

Alors, d'une part, que la visite de reprise effectuée par le médecin du travail en application de l'article R. 4624-21 du code du travail met fin à la période de suspension du contrat de travail que celle-ci résulte d'un accident du travail, d'un arrêt maladie, ou bien des deux cumulés, et qu'il n'y a ainsi pas lieu d'effectuer une visite de reprise distincte pour chaque cause de suspension du contrat de travail ; qu'en jugeant que le licenciement de Mme X... était intervenu pendant la période de suspension de son contrat de travail liée à un accident de travail, après avoir pourtant constaté que Mme X... avait bénéficié à l'issue de son dernier arrêt pour cause de maladie non professionnelle d'une visite de reprise auprès de la médecine du travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles R. 4624-21 et L. 1226-15 du code du travail ;

Alors, de deuxième part, que l'indemnité spéciale visée par l'article L. 1226-5 du code du travail n'est accordée qu'au salarié licencié pour inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle lorsque son licenciement a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte ; qu'en allouant cette indemnité à Mme X..., sans avoir constaté, comme elle le devait, que l'inaptitude de Mme X... avait une origine professionnelle et que l'employeur connaissait cette origine au moment du licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles R. 4624-21 et L. 1226-15 du code du travail ;

Alors, de troisième part et subsidiairement, que l'article L. 1226-15 du code du travail n'est pas applicable lorsque, en méconnaissance des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 dudit code, l'employeur, au cours de la suspension du contrat provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle, prononce la résiliation du contrat de travail ; qu'en considérant que le licenciement de Mme X... était intervenu pendant une période de suspension du contrat du travail pour accident du travail et en accordant à la salariée l'indemnité spéciale prévue par l'article L. 1226-15, équivalant au moins à un an de salaire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1226-15 du code du travail ;

Alors, de quatrième part, que les juges doivent motiver leur décision ; qu'en condamnant la société ED à verser à Mme X... la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l'équivalent de deux ans de salaire, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, de cinquième part, que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, la société ED versait régulièrement aux débats un courriel adressé à différents responsables du groupe Carrefour sollicitant leur concours afin pour examiner les possibilités de reclassement de Mme X..., chef de magasin déclarée inapte à la reprise de son poste ; qu'en affirmant que le preuve effective de la recherche de reclassement dans la société ou le groupe n'était pas établie, sans examiner les éléments de preuve qui lui étaient proposés par la société exposante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44428
Date de la décision : 02/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 déc. 2009, pourvoi n°08-44428


Composition du Tribunal
Président : M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44428
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