LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue en référé (conseil de prud'hommes du Mans, 22 mai 2008) que le permis de conduire de M. X..., employé comme chauffeur routier par la société Mory Team, délégué syndical, délégué du personnel et membre titulaire du comité d'entreprise, a été suspendu le 26 janvier 2008 pour une durée de six mois ; qu'il en a informé son employeur qui a engagé une procédure de licenciement à son encontre ; que l'autorisation de licenciement ayant été refusée par l'inspecteur du travail le 7 avril 2008, il a alors été affecté à la manutention ; qu'il a saisi la formation de référé d'une demande de provision sur les salaires non payés du 28 janvier au 9 avril 2008 ;
Attendu que la société fait grief à l'ordonnance de faire droit à cette demande, alors selon le moyen :
1°/ que le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite d'un véhicule automobile de se voir retirer ou suspendre son permis de conduire pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle ; qu'en considérant que la société n'avait aucune raison d'exercer son pouvoir disciplinaire visé au point 6 de l'article 2 de l'accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives au permis à points, et qu'elle devait donc engager la procédure de concertation prévue au même article de l'accord de branche afin de rechercher un emploi de reclassement, cependant qu'il avait constaté que dans le cours de "sa vie privée", son permis avait été suspendu pour une durée de six mois à la suite d'un contrôle alcootest, ce dont il résultait que M. X... avait commis un fait fautif, passible d'une sanction disciplinaire, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble l'article 2 de l'accord du 13 novembre 1992 susvisé ;
2°/ qu'en vertu de l'article R. 1455-7 du code du travail, la formation de référé ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que le caractère fautif du comportement de M. X..., rattaché à sa vie professionnelle, justifiait que l'exposante puisse engager une procédure disciplinaire, de telle sorte que l'obligation de suivre la procédure de concertation prévue par l'accord du 13 novembre 1992 était au moins sérieusement contestable, peu important le refus d'autoriser le licenciement opposé par l'inspecteur du travail ; qu'en se prononçant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé l'article susvisé ;
3°/ qu'il est permis à l'employeur, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires et dans l'intérêt de l'entreprise, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute ; que pour lui ordonner de verser à M. Daniel X... la somme de 2 448,75 euros au titre des salaires dus du 28 janvier 2008 au 9 avril 2004, le conseil de prud'hommes a considéré qu'elle aurait dû engager la procédure de concertation conventionnelle comme elle y avait procédé pour d'autres salariés en pareille situation ; qu'en se contentant de faire référence à une "pareille situation", sans préciser en quoi ces autres salariés visés avaient été dans une situation identique à celle de M. X..., et sans caractériser la moindre discrimination illicite ni le moindre détournement de pouvoir résultant de l'absence de concertation avec M. X..., le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1331-1 du code du travail, ensemble l'article 2 de l'accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives au permis à points ;
Mais attendu que les dispositions relatives au licenciement des salariés investis de fonctions représentatives instituent au profit de ces salariés, et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit à l'employeur de rompre le contrat de travail sans respecter le dispositif destiné à garantir cette protection ; qu'il en résulte qu'en cas de suspension du permis de conduire nécessaire à l'exercice de ses fonctions, l'employeur est tenu, non seulement de conserver le salarié dans l'entreprise, mais aussi de le rémunérer jusqu'à l'obtention de l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail ;
Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'ordonnance qui a décidé que la créance au titre des salaires dus pour la période du 28 janvier au 9 avril 2008 n'était pas sérieusement contestable, a statué à bon droit ;Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mory Team aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Mory Team.
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR ordonné à l'exposante de verser à Monsieur X... la somme de 2448,75 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 28 janvier au 9 avril 2008 ;
AUX MOTIFS QUE « les dispositions de l'accord du 13 novembre 1992 doivent s'appliquer loyalement ; que la situation découle d'un comportement répréhensible de Monsieur X... dans sa vie privée et dont les conséquences sont précisément évoquées par l'accord du 13 novembre 1992 ; que la Société évoque un caractère de récidive de ce comportement ainsi que la dangerosité évidente attachée à la consommation d'alcool pour un chauffeur routier qui l'ont conduite à engager une procédure de licenciement ; que cependant, aucun comportement semblable n'a été rapporté dans le cadre de ses fonctions de chauffeur tandis que la récidive ne semble être évoquée que pour la forme, sans autre précision ; que la société n'avait donc aucune raison d'exercer son pouvoir disciplinaire visé au point 6 de l'article 2 ; qu'elle devait donc engager la procédure de concertation prévue au même article de l'accord de branche afin de rechercher un emploi de reclassement, tout comme elle y avait procédé pour d'autres salariés en pareille situation » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite d'un véhicule automobile de se voir retirer ou suspendre son permis de conduire pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle ; qu'en considérant que la société n'avait aucune raison d'exercer son pouvoir disciplinaire visé au point 6 de l'article 2 de l'accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives au permis à points, et qu'elle devait donc engager la procédure de concertation prévue au même article de l'accord de branche afin de rechercher un emploi de reclassement, cependant qu'il avait constaté que dans le cours de "sa vie privée", son permis avait été suspendu pour une durée de six mois à la suite d'un contrôle alcootest (ordonnance, p. 2, al. al. 3), ce dont il résultait que Monsieur X... avait commis un fait fautif, passible d'une sanction disciplinaire, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 1331-1 du Code du travail ensemble l'article 2 de l'accord du 13 novembre 1992 susvisé ;
QU'EN TOUTE HYPOTHESE, en vertu de l'article R. 1455-7 du Code du travail, la formation de référé ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; que le caractère fautif du comportement de Monsieur X..., rattaché à sa vie professionnelle, justifiait que l'exposante puisse engager une procédure disciplinaire, de telle sorte que l'obligation de suivre la procédure de concertation prévue par l'accord du 13 novembre 1992 était au moins sérieusement contestable, peu important le refus d'autoriser le licenciement opposé par l'inspecteur du travail ; qu'en se prononçant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé l'article susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il est permis à l'employeur, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires et dans l'intérêt de l'entreprise, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute; que pour ordonner à la Société MORY TEAM de verser à Monsieur Daniel X... la somme de 2.448,75 au titre des salaires dus du 28 janvier 2008 au 9 avril 2004, le conseil de prud'hommes a considéré que l'exposante aurait dû engager la procédure de concertation conventionnelle comme elle y avait procédé pour d'autres salariés en pareille situation ; qu'en se contentant de faire référence à une « pareille situation », sans préciser en quoi ces autres salariés visés avaient été dans une situation identique à celle de Monsieur X..., et sans caractériser la moindre discrimination illicite ni le moindre détournement de pouvoir résultant de l'absence de concertation avec Monsieur X..., le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1331-1 du Code du travail ensemble l'article 2 de l'accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d'accompagnement des dispositions relatives au permis à points.