LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne, 9 juillet 2007), que Mme X... a été engagée par M. Y..., viticulteur, pour effectuer des vendanges à la tâche, du 16 au 21 septembre 2006, en qualité de coupeur tâcheron, pour un salaire brut de 0, 16 centimes du kilo sur la base d'un rendement de 11 000 kg / ha, correspondant au barème établi en application de l'article 74 de convention collective des exploitations viticoles de la Champagne du 2 juillet 1969 ; que M. Y... ayant rompu ce contrat une journée avant sa date de fin, Mme X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de salaires, de congés payés et de prime de fin de contrat y afférents, ainsi que des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour " fausse signature " de son contrat de travail ; que M. Y... a formé une demande reconventionnelle en remboursement de la somme versée à un prestataire pour terminer la vendange ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief au jugement d'écarter les pièces non communiquées à la salariée et de le condamner, en conséquence, à payer à celle-ci diverses sommes à titre de salaire, d'indemnité de congés payés et de prime de fin de contrat, alors, selon le moyen :
1° / qu'en matière prud'homale, la procédure est orale ; que le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en se bornant à relever que « les documents n'ayant pas été communiqués à Mme X..., ils seront écartés » sans préciser les circonstances particulières qui avaient empêché le salarié d'en discuter le contenu, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2° / qu'en toute hypothèse, en application de l'article 74 de la convention collective des exploitations viticoles de la champagne du 2 juillet 1969, les viticulteurs pratiquant la cueillette à la tâche doivent appliquer le barème suivant : « le prix de base au kilo était fixé en fonction du rendement moyen de l'exploitation : 11 000 kg / ha et plus : 0, 145 euros, 7 000 à 11 000 kg / ha : 0, 166 euros,- moins de 7 000 kg / ha : 0, 196 euros ; qu'en faisant application du barème correspondant à une exploitation d'un rendement moyen de 7 000 à 11 000 kg / ha, cependant que l'exploitation viticole de M. Y... avait un rendement de 19 277 kg pour une surface d'1ha 34a 41ca, soit un rendement moyen de 14 340 kg / ha, le conseil de prud'hommes a violé l'article 74 de la convention collective des exploitations viticoles de la champagne du 2 juillet 1969 ;
3° / qu'en justifiant sa décision au regard de l'article L. 122-43 du code du travail, sans inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur ce point qui n'était pas dans le débat, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des constatations souveraines du jugement que les pièces écartées des débats n'avaient pas été communiquées en temps utile au sens des articles 15 et 135 du code de procédure civile ;
Attendu, ensuite, que, dans une procédure orale, les moyens retenus par les juges sont présumés, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, avoir été débattus contradictoirement à l'audience ;
Attendu enfin que les juges du fond qui ont estimé que le rendement moyen de l'exploitation était inférieur à 11 000 kilogrammes à l'hectare, ont exactement décidé que la salariée aurait dû être rémunérée, en application de l'article 74 de la convention collective des exploitations viticoles de la Champagne du 2 juillet 1969, sur la base de 0, 166 euros le kilogramme ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Y... fait grief au jugement de le débouter de sa demande de remboursement des frais de cueillette réglés à un prestataire, alors, selon le moyen, que le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en se bornant à écarter les pièces produites à l'audience par M. Y... sans préciser les circonstances particulières qui avaient empêché le salarié d'en discuter le contenu, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'il résulte des constatations souveraines du jugement que les pièces écartées des débats n'avaient pas été communiquées en temps utile au sens des articles 15 et 135 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. Y... fait grief au jugement de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour fausse signature, alors, selon le moyen, qu'en le condamnant à verser au salarié la somme de 150 euros à titre de dommages intérêts, sans caractériser le préjudice effectivement subi par celle-ci, le conseil de prud'hommes a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes après avoir constaté que l'employeur avait signé le contrat de travail aux lieu et place de la salariée, a souverainement apprécié l'existence et l'étendue du préjudice qui en est résulté pour celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. Y... à payer à la SCP Boulloche la somme de 2 500 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir écarté les pièces non communiquées à la salariée conformément à l'article 135 du Code de procédure civile, et d'avoir, en conséquence, condamné Monsieur Bernard Y... à verser au salarié la somme de 73, 82 au titre du salaire, des congés payés, et de la prime de fin de contrat y afférents pour la période du 16 septembre au 21 septembre 2006 ;
AUX MOTIFS QUE « Mademoiselle Mélanie X... précise que le salaire de 73, 82 qu'il demande résulte de la différence entre le prix de la cueillette des raisins pour un rendement à 11 000 kilos de l'hectare et un rendement inférieur à 11 000 kilos qui n'est pas le même, soit : pour 2902 kilos x 1, 166 centimes 481, 73, prime de tri : 2902 kilos x 1, 015 centimes 43, 53, soit un total de 525, 26 ; que le salaire versé a été de 464, 25 ; qu'il manque 61, 01, congés payés : 10 % soit 6, 10, total 67, 11, fin de contrat : 10 % soit 6, 71, soit 73, 82 ; que Monsieur Bernard Y... n'a pas remis à Mademoiselle X... le contrat vendanges pour la cueillette des raisins à la tache ; que les documents versés aux débats ne permettent pas au Conseil de définir la surface, le rendement, le prix du kilo, le doute subsiste et profite à la salariée (article L. 122. 43 du Code du Travail) ; que le Conseil accorde à Mademoiselle X... la somme de 73, 82 » ;
ALORS D'UNE PART QU'en matière prud'homale, la procédure est orale ; que le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en se bornant à relever que « les documents n'ayant pas été communiqués à Mademoiselle X..., ils seront écartés » sans préciser les circonstances particulières qui avaient empêché le salarié d'en discuter le contenu, le Conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE QU'en application de l'article 74 de la convention collective des exploitations viticoles de la champagne du 2 juillet 1969 les viticulteurs pratiquant la cueillette à la tâche doivent appliquer le barème suivant : « le prix de base au kilo était fixé en fonction du rendement moyen de l'exploitation : 11 000 kg / ha et plus : 0, 145, 7 000 à 11 000 kg / ha : 0, 166,- moins de 7 000 kg / ha : 0, 196 ; qu'en faisant application du barème correspondant à une exploitation d'un rendement moyen de 7 000 à 11 000 kg / ha, cependant que l'exploitation viticole de Monsieur Y... avait un rendement de 19 277 kg pour une surface d'1ha 34a 41ca, soit un rendement moyen de 14 340 kg / ha, le Conseil de prud'hommes a violé l'article 74 de la convention collective des exploitations viticoles de la champagne du 2 juillet 1969 ;
ALORS ENFIN QU'en justifiant sa décision au regard de l'article L. 122-43 du Code du travail, sans inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur ce point qui n'était pas dans le débat, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué d'avoir écarté les pièces non communiquées à la salariée conformément à l'article 135 du Code de procédure civile, et d'avoir, en conséquence, débouté Monsieur Bernard Y... de sa demande tendant à obtenir le remboursement de la somme de 1 312, 52 pour la cueillette effectuée par un prestataire ;
AUX MOTIFS QUE : « Monsieur Bernard Y... demande le remboursement de la facture du prestataire de vendange sans toutefois apporter les preuves tangibles ; que rien ne prouve que le travail exécuté par le prestataire devait être fait par Mademoiselle X... et ses collègues ; que dans le respect du contradictoire, toutes pièces versées aux débats doivent être communiquées aux parties, le Conseil écarte celles qui n'ont pas été échangées conformément aux dispositions de l'article 135 du Nouveau Code de Procédure Civile, et déboute Monsieur Bernard Y... de sa demande » ;
ALORS QUE le juge ne peut écarter des débats des pièces communiquées à l'audience qu'à la condition de préciser les circonstances particulières ayant empêché la partie adverse d'en discuter le contenu ; qu'en se bornant à écarter les pièces produites à l'audience par Monsieur Y... sans préciser les circonstances particulières qui avaient empêché le salarié d'en discuter le contenu, le Conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné Monsieur Y... au paiement d'une somme de 150 à titre de dommages et intérêts pour fausse signature ;
AUX MOTIFS QUE : « Monsieur Y... a signé en date du 16 septembre 2006 le TESA aux lieu et place de Mademoiselle X... ; que le contrat de travail étant soumis aux règles de droit commun, le Conseil accorde à Mademoiselle X... la somme de 150 à titre de dommages et intérêts » ;
ALORS QU'en condamnant Monsieur Y... à verser au salarié la somme de 150 à titre de dommages et intérêts, sans caractériser le préjudice effectivement subi par la salariée, le Conseil de prud'hommes a violé l'article 1382 du Code civil.