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01/12/2009 | FRANCE | N°09-82435

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 décembre 2009, 09-82435


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR , partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 17e chambre, en date du 11 mars 2009, qui, dans la procédure suivie contre Sita X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juill

et 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, l'ordonnance n° 59-244 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR , partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 17e chambre, en date du 11 mars 2009, qui, dans la procédure suivie contre Sita X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, l'ordonnance n° 59-244 du 7 janvier 1959 et le décret n°60-1089 du 6 octobre 1960 ;

"en ce que l'arrêt attaqué a limité la condamnation de Sita X..., opposable à la compagnie d'assurances Matmut, au profit de l'agent judiciaire du Trésor à la somme de 49 389,85 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2007 ;

"aux motifs que, sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents, subis après consolidation : déficit fonctionnel permanent ; que les séquelles décrites par les experts justifient, pour une victime âgée de 37 ans lors de la consolidation de son état, la somme de 28 000 euros ; que l'agent judiciaire du Trésor soutient que l'ATI que l'Etat verse à la victime indemnise ce seul poste de préjudice dont il ne conteste pas le caractère personnel, et demande que son recours au titre des arrérages échus et du capital représentatif, s'exerce sur l'indemnité fixée de ce chef, tandis que Philippe Y... affirme, pour s'opposer à cette demande, que les conditions d'attribution de l'ATI ainsi que la rédaction de l'article 1er du décret du 6 octobre 1960 selon lequel l'ATI est accordée pour un taux «rémunérable» établissent que l'Etat entend indemniser de manière forfaitaire et statutaire un préjudice personnel, à savoir la perte de capacité de travail du fonctionnaire ; qu'il indique également que lorsque l'invalidité ayant donné lieu à l'attribution de l'ATI entraîne une radiation des cadres, l'ATI est remplacée par une rente viagère d'invalidité, laquelle doit, selon l'avis rendu le 29 octobre 2007 par la Cour de cassation, s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle ; qu'il en déduit que l'ATI indemnise l'incidence professionnelle et ajoute que le capital représentatif des arrérages à échoir de l'ATI ne pourra qu'être déduit de l'incidence professionnelle puisque l'agent judiciaire du Trésor ne rapporte pas la preuve que ces arrérages ont effectivement et préalablement indemnisé la victime ; qu'à l'audience, Philippe Y... a en outre fait plaider que le droit à obtention ou à la jouissance de l'ATI et de la rente viagère d'invalidité est suspendu en application des articles L. 58 et L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite auxquels renvoie l'article 4 du décret du 6 octobre 1960, lorsque l'agent a commis des fautes entraînant notamment une condamnation afflictive ou infamante, ce qui démontrerait que cette prestation n'indemnise pas le déficit fonctionnel ; que, cependant, les articles L. 58 et L. 59 du code des pensions civiles et militaires de retraite dont se prévaut Philippe Y... ont été abrogés par la loi du 21 août 2003 en vigueur le 1er janvier 2004, et au vu de l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ainsi que de l'article 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'ATI que perçoit Philippe Y... est attribuée au fonctionnaire maintenu en activité et atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10% ou d'une maladie professionnelle ; qu'elle est cumulable avec le traitement et la retraite, son montant est fixé à la fraction du traitement brut afférent à un indice prévu par décret correspondant au pourcentage d'invalidité, elle est accordée pour une période de cinq ans et peut, comme en l'espèce, être attribuée sans limitation de durée après un nouvel examen du fonctionnaire, et elle peut être remplacée par la rente d'invalidité prévue à l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, si le fonctionnaire se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison de l'aggravation de l'invalidité ayant ouvert droit à l'ATI, et est radiée des cadres, le taux d'invalidité à prendre en considération pour le calcul de cette rente étant alors apprécié au jour de la radiation des cadres ; qu'il résulte de ces textes que l'ATI ne répare pas une perte de gains professionnels ou de retraite du fonctionnaire puisqu'elle se cumule avec le traitement ou la retraite et que son montant est indépendant du traitement réel de l'agent ; qu'elle ne compense pas davantage une incidence professionnelle puisqu'elle peut être versée après la retraite ; que l'ATI peut, comme le fait valoir la partie civile, être remplacée en cas d'aggravation de l'invalidité empêchant le fonctionnaire de poursuivre son activité professionnelle, par une pension d'invalidité laquelle répare notamment des préjudices professionnels, cependant cette substitution ne démontre pas que les sommes versées au titre de l'ATI, antérieurement à l'aggravation ayant entraîné la radiation des cadres, ont indemnisé un préjudice professionnel alors que ce dernier ne résulte que de cette aggravation ; qu'enfin il ne peut être déduit de l'emploi du terme « rémunérable » figurant aux articles 1er et 2e du décret du 6 octobre 1960 que l'Etat entend indemniser un préjudice professionnel alors que dans son article 6, ce même décret précise que l'ATI « indemnise » une invalidité, et le caractère partiellement forfaitaire de cette prestation est indifférent quant au droit à recours accordé à l'Etat par l'ordonnance de 1959 et la loi du 5 juillet 1985 ; que, par conséquent, en démontrant qu'il verse à Philippe Y... une ATI indépendante de toute perte financière mais calculée en fonction du taux d'invalidité de son agent, et dont celui-ci conservera le bénéfice après sa retraite lorsqu'il n'aura plus à subir aucune incidence professionnelle, l'agent judiciaire du Trésor établit, en l'espèce, qu'il
indemnise, par cette prestation, de manière incontestable, le déficit fonctionnel permanent du blessé ; qu'en revanche, Philippe Y... soutient à juste titre que l'article 25 interdit le recours de l'Etat sur la somme indemnisant son déficit fonctionnel, s'agissant des arrérages à échoir de l'ATI même attribuée à titre définitif, ceux-ci n'ayant pas préalablement et effectivement réparé un poste de préjudice personnel ; que l'agent judiciaire du Trésor est donc bien fondé à exercer son recours pour les seuls arrérages échus, soit selon son décompte, la somme de 4 285,45 euros ;

"alors que, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; d'où il résulte que la cour d'appel qui constatait que l'Etat versait à la victime une allocation temporaire d'invalidité indemnisant le déficit fonctionnel permanent ne pouvait limiter le recours de l'Etat, tiers payeur, aux seuls arrérages échus et payés de l'allocation lorsque les modalités particulières de constitution du capital représentatif de cette prestation, conformément aux règles de la comptabilité publique, rendent certain son versement à la victime, ce qui équivaut à un paiement effectif et préalable et justifie le recours de l'Etat sur la totalité de la pension qu'il continuera de payer à la victime et non pas seulement sur les arrérages versés, la cour d'appel a exposé son arrêt à une censure certaine" ;

Vu les articles 1382 du code civil, ensemble l'article 1, III, de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, selon le second, le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une rente définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente ;

Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont Sita X..., reconnue coupable de blessures involontaires, a été déclarée tenue à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de l'agent judiciaire du Trésor demandant que la prévenue soit condamnée à rembourser à l'Etat 4 285,45 euros représentant les arrérages échus de l'allocation temporaire d'invalidité versés à la victime, Philippe Y..., ainsi que 51 513,41 euros, capital représentatif des arrérages à échoir ;

Attendu que, pour limiter la condamnation au profit de l'Etat au montant des arrérages échus et le déduire du seul préjudice fonctionnel de la victime, l'arrêt retient que l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 interdit aux tiers-payeur d'exercer un recours sur un poste de préjudice fonctionnel pour des prestations qui n'ont pas été préalablement versées ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le versement des arrérages de l'allocation temporaire d'invalidité étant certain, le préjudice fonctionnel de la victime se trouve, pour partie, réparé deux fois, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 11 mars 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Le Corroller conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-82435
Date de la décision : 01/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 déc. 2009, pourvoi n°09-82435


Composition du Tribunal
Président : M. Blondet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.82435
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