LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y..., cette dernière à concurrence de 100 000 francs, se sont rendus cautions solidaires envers la Société lyonnaise devenue la Société lyonnaise de banque (la banque) des engagements de la société Fontechmo (la société) ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque les a assignés en exécution de leurs engagements ; qu'à la suite de la condamnation prononcée à leur encontre, M. X... a réglé une certaine somme et, après avoir reçu quittance subrogative de ce paiement, a exercé un recours contre Mme Y... ; que cette dernière a soutenu que M. X... avait renoncé à tout recours contre elle ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... à l'encontre de Mme Y..., l'arrêt retient que ce dernier en demandant expressément à la banque la décharge de celle qui était alors sa compagne, a manifesté sans équivoque son souhait de faire seul son affaire du règlement de la banque et renoncé, par conséquent, à tout recours contre son cofidéjusseur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le courrier du 19 décembre 1997 ne manifestait pas sans équivoque la volonté de M. X... de renoncer à son recours à l'égard de son cofidéjusseur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE
« La banque a répondu qu'elle entendait maintenir la caution de Madame Y... tant que la dette n'était pas apurée en totalité ;
« Par quittance subrogative du 9 juin 2004, la banque a déclaré avoir reçu de Monsieur X... une somme totale de 105.281,55 euros et l'a subrogé dans ses droits à l'encontre du débiteur principal ;
« Il faut signaler enfin que Monsieur X... et Madame Y... se sont séparés et se sont opposés judiciairement sur un problème de contribution à l'entretient de leur enfant ;
« En l'état des éléments précédents, il apparaît bien que Monsieur X... en demandant la décharge expresse de celle qui était alors sa compagne a manifesté sans équivoque son souhait de faire seul son affaire du règlement de la banque, et a renoncé par conséquent à tout recours contre Madame Y... ;
« La Banque n'a maintenu l'engagement de Madame Y... que de manière subsidiaire et pour le cas où Monsieur X... ne satisferait pas à son engagement d'apurement échelonné ;
« Il importe peu que Madame Y... ait pu ne pas être tenue informée de cette requête de Monsieur X... dans la mesure où la renonciation au recours contre elle pouvait être faite hors sa présence et où pratiquement la demande de décharge s'inscrivait dans le cadre des rapports entre concubins, c'est-à-dire avait bien au surplus une certaine valeur conventionnelle entre eux ;
« La Cour souligne d'ailleurs que le recours de Monsieur X..., assez injuste et contraire à ses engagements, a été de toute façon calculé de manière erronée en première instance ;
« A le supposer possible en effet, il aurait fallu considérer en ce cas que les deux cautions n'avaient pris ensemble qu'un engagement solidaire de 100.000 francs, et que Monsieur X... s'était engagé seul et donc sans recours au-delà de ce montant ;
« Le recours entre les cautions n'aurait donc pu concerner que ce montant de 100.000 francs cautionné à deux, c'est-à-dire qu'il aurait dû être en l'espèce d'un montant de 50.000 francs ;
« Admettre un recours en fonction des engagements pris au-delà par lui seul était contraire à la logique ;
« Cependant Monsieur X... avait bien renoncé à tout recours contre Madame Y... » ;
ALORS QUE le juge tranche le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, en dehors de toute considération d'équité ; que chacune des cautions doit s'acquitter de la dette pour sa part et portion ; que l'arrêt retient que le recours de Monsieur X... est injuste et qu'en tout état de cause, admettre un recours en fonction de ses engagements serait contraire à la logique ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile, ensemble l'article 2033 du Code civil ;
ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur examen ; que dans la lettre qu'il a adressée à la Lyonnaise de Banque, Monsieur X... la demandé à celle-ci de « libérer Madame Y... de tout engagement au titre de cette caution » (Production n° 4), qu'il n'est aucunement fait mention d'un abandon par Monsieur X... de tout recours à l'égard de Madame Y... ; qu'en estimant pourtant le contraire, la Cour d'appel a dénaturé ladite lettre et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, à tout le moins, QUE la renonciation ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que tel n'est pas le cas d'une caution demandant à la banque que l'autre caution soit libérée de son engagement à l'égard de celle-ci ; qu'en l'espèce, Monsieur X..., lors de sa proposition d'apurement, a demandé à la Banque Lyonnaise de libérer Madame Y... de son engagement, ce dont il résultait seulement que Monsieur X... entendait éviter que Madame Y..., alors sa concubine, se voit réclamer de l'argent par la Banque ; qu'en relevant que Monsieur X... avait renoncé à son recours dès lors que sa demande s'inscrivait dans le cadre de rapports entre concubins, la Cour d'appel a violé l'article 2033 du Code civil, ensemble le principe selon lequel la renonciation ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ;
ALORS, enfin, QUE lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette dispose d'un recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ; qu'après avoir relevé que Monsieur X... s'était engagé sans limitation de montant et que Madame Y... s'était engagée pour un montant de 100.000 francs, l'arrêt retient que le recours entre les cautions n'aurait donc pu concerner que ce montant de 100.000 francs cautionné à deux, c'est-à-dire d'un montant de 50.000 francs ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 2033 du Code civil.