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01/12/2009 | FRANCE | N°08-15015

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 décembre 2009, 08-15015


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Transal que sur les pourvois incidents relevés par la société DHL holding France (la société DHL), venant aux droits de la société Danzas, et la société Calberson ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 16 juillet 2003, la société Bruker Biospin a confié à la société Danzas l'acheminement de matériels scientifiques de Lyon à Wissembourg ; que la société Danzas a confié le transport à la société Calberson, qui s'est substitué la société Transal ; que le 18 juillet 2003, le chauffeur de la société T

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Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Transal que sur les pourvois incidents relevés par la société DHL holding France (la société DHL), venant aux droits de la société Danzas, et la société Calberson ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 16 juillet 2003, la société Bruker Biospin a confié à la société Danzas l'acheminement de matériels scientifiques de Lyon à Wissembourg ; que la société Danzas a confié le transport à la société Calberson, qui s'est substitué la société Transal ; que le 18 juillet 2003, le chauffeur de la société Transal s'est assoupi et a perdu le contrôle de son véhicule, renversant ainsi la marchandise ; que celle-ci a été livrée le 24 juillet 2003, des réserves sur la lettre de voiture étant émises par la société Bruker Biospin ; que la société Allianz Versicherungs AG (la société Allianz) a indemnisé son assurée, la société Bruker Biospin, après déduction d'une franchise ; que la société Allianz et la société Bruker Biospin ont assigné les sociétés Danzas et Transal aux fins de les voir solidairement condamnées à payer à la société Allianz le coût du matériel et à la société Bruker Biospin la franchise restée à sa charge ; que la société Danzas a appelé en garantie les sociétés Calberson et Transal tandis que la société Calberson a appelé en garantie la société Transal ;
Sur le premier moyen des pourvois incidents, dont l'examen est préalable, réunis :
Attendu que la société DHL et la société Calberson font grief à l'arrêt de les avoir déclarées irrevables à demander l'application de l'article L. 133-3 du code de commerce, alors, selon le moyen :
1° / que, lorsque sa responsabilité est recherchée en qualité de garant de son substitué, le commissionnaire de transport peut opposer toutes les exceptions que celui-ci est en droit d'invoquer ; qu'en décidant cependant que le commissionnaire de transport, dont la responsabilité était recherchée exclusivement du fait de son transporteur substitué, n'était pas recevable à invoquer la fin de non recevoir tirée de l'absence de protestation motivée du destinataire dans les trois jours suivant la réception des marchandises, la cour d'appel a violé les articles L. 132-6 et L. 133-3 du code de commerce ;
2° / que le juge peut relever d'office les moyens de droit ; qu'en excluant cependant la possibilité de soulever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'absence de protestation motivée du destinataire dans les trois jours suivant la réception des marchandises, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et L. 133-3 du code de commerce ;
3° / que le transporteur qui se substitue un autre transporteur pour la réalisation du transport conserve sa qualité de transporteur et est donc recevable à invoquer la fin de non-recevoir prévue à l'article L. 133-3 du code de commerce ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 et L. 133-3 du code de commerce ;
Mais attendu que la fin de non-recevoir tirée de l'article L. 133-3 du code de commerce ne profite par voie de conséquence au commissionnaire de transport ou au voiturier ayant sous traité le transport que dans la mesure où l'action contre le voiturier effectif ou le transporteur sous-traitant qui exécute les opérations de transport se trouve elle-même éteinte ; qu'ayant constaté que la société Transal n'avait pas opposé la fin de non-recevoir tirée de l'article susvisé dans ses écritures du 7 janvier 2008, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que la société Danzas et la société Calberson ne pouvaient l'opposer à la société Allianz et à la société Bruker Biospin ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal et le second moyen des pourvois incidents, réunis :
Vu l'article 1150 du code civil ;
Attendu que pour condamner solidairement la société Transal avec la société Danzas à régler à la société Allianz la somme de 263 844 euros et celle de 500 euros à la société Bruker Biospin, solidairement la société Calberson avec la société Transal à garantir la société Danzas du montant des condamnations prononcées contre elle, et la société Transal à garantir la société Calberson du montant des condamnations à son encontre, l'arrêt retient que le simple fait de s'endormir au volant, de s'engager involontairement sur une bretelle d'autoroute et de heurter la barrière de sécurité en provoquant la perte de sa cargaison, le camion ayant fini sa course en contrebas de la chaussée avant de se coucher sur le flan droit et de s'immobiliser contre des arbustes, suffit à caractériser la faute lourde, par le défaut total de toute maîtrise du camion, la maîtrise constante du camion étant la première obligation du conducteur ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la faute lourde du transporteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné solidairement la société Danzas et la société Transal à régler à la société Allianz Versicherungs AG la somme de 263 844 euros et celle de 500 euros à la société Bruker Biospin, condamné solidairement la société Calberson et la société Transal à garantir la société Danzas du montant des condamnations prononcées contre elle et condamné la société Transal à garantir la société Calberson du montant des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 5 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Allianz Versicherungs AG et Bruker Biospin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Allianz Versicherungs AG et Bruker Biospin à payer à la société Transal la somme globale de 2 500 euros, à la société DHL holding France la somme globale de 2 500 euros, à la société Calberson la somme globale de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société Transal, demanderesse au pourvoi principal
La société Transal fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée solidairement avec la société Danzas à régler à la société Allianz Versicherungs AG la somme de 263. 844 euros et celle de 500 euros à la société Bruker Biospin, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2004 et de l'AVOIR condamnée à garantir la société Calberson du montant des condamnations prononcées à son encontre ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'existence d'une faute lourde commise par la société Transal, (…) ; Considérant qu'il doit être rappelé que la société Transal, sous-traitante de la société Calberson, elle-même sous-traitante de la société Danzas devait transporter de Lyon à Wissembourg, six colis d'un poids total de 850kgs de l'Université Claude Bernard à Lyon aux établissements Bruker Biospin ; Considérant qu'après lecture du disque chrono tachygraphe du camion de transport, les gendarmes n'ont pas relevé d'infraction à la réglementation sur le temps de repos, le chauffeur ayant dormi à l'hôtel entre 22h et 2h40, n'ayant pas commis d'excès de vitesse et n'ayant pas conduit sous l'empire d'un état d'alcoolémie ; Considérant néanmoins, la société Transal admet que son chauffeur s'est endormi au volant à 5h30 du matin alors qu'il était sur l'autoroute A 35 à hauteur de Sélestat, de sorte que le véhicule s'est engagé sur une bretelle de sortie et qu'il est venu heurter la barrière de sécurité ; Considérant qu'au prétexte que les six colis litigieux n'ont pas fait l'objet de la part de l'Université Claude Bernard, d'une déclaration de valeur, la société Transal ne peut utilement en déduire automatiquement que le donneur d'ordre a exprimé la volonté de limiter au plafond du contrat type, le montant de l'indemnité due ; Considérant qu'en effet, tenir un tel raisonnement reviendrait à annuler les conséquences de la faute lourde ayant pu être commise par la société Transal ; Or considérant que le simple fait de s'endormir au volant de son camion, de s'engager involontairement sur une bretelle d'autoroute et de heurter la barrière de sécurité en provoquant la perte de sa cargaison, le camion ayant fini sa course en contrebas contre les arbustes, suffit à caractériser la faute lourde, par le défaut total de toute maîtrise du camion, ce qui constitue une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur ou de son préposé à l'accomplissement de sa mission, la maîtrise constante du camion étant la première obligation du conducteur ; (…) Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré, par motifs substitués, pour ce qui concerne l'existence d'une faute lourde ;
ALORS QUE la faute lourde du transporteur, qui implique une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude à l'accomplir la mission acceptée, ne peut se déduire du seul assoupissement du chauffeur intervenu dans des circonstances normales de conduite ; qu'en écartant en l'espèce tout autre négligence imputable au chauffeur que celle consistant à s'assoupir au volant et en disant que ce simple fait suffisait à caractériser une faute lourde de la société Transal lui interdisant notamment de se prévaloir des plafonds de responsabilité fixé par contrat type, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé l'article L. 133-1 du Code de commerce.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société DHL holding France, demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les commissionnaires de transport (la société Danzas, aux droits de laquelle vient la société DHL Holding France, et la société Calberson) irrecevables à demander l'application de l'article L. 133-3 du Code de commerce et d'avoir en conséquence déclaré le destinataire (la société Bruker Biospin) et son assureur (la société Allianz Versicherung AG) recevables, et non forclos, en leur action ;
AUX MOTIFS « que du fait que le camion a fini sa course couché en contrebas d'une bretelle de sortie de l'autoroute A 35 et que le chauffeur du camion a été conduit à l'hôpital après l'accident, la livraison litigieuse n'a pas eu lieu comme prévu le 18 juillet 2003 ; … que le 24 juillet 2003, un autre chauffeur a porté à la destinataire cinq colis (3 armoires et 2 colis sous palettes) que la société Bruker Biospin a signalé endommagés sur la lettre de voiture en notant en outre qu'il manquait le sixième colis ; … que le sixième colis n'a pas été retrouvé ; … que la perte a été partielle au sens de l'article 133-3 du Code de commerce qui prévoit que « la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de la réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée » ; … que ce texte pourrait donc s'appliquer à l'espèce dès lors qu'il s'est agi d'une perte partielle, ce même si l'expertise diligentée en octobre 2003, qui portait sur une électronique à gradients et sur son système d'alimentation, a conclu à la « perte totale » des trois armoires et des deux cartons récupérés le 24 juillet 2003, six jours après l'accident, l'expression « perte totale » excluant nécessairement qu'une partie de la marchandise même détériorée, ait pu être, comme en l'espèce, finalement livrée ; mais … que comme le soutiennent à bon droit la société Allianz Versicherungs AG et la société Bruker Biospin, la fin de non recevoir tirée de l'application du texte susvisé, ne peut être soulevée que par le voiturier, la société Transal ; … que cette dernière ne l'a pas opposée dans ses écritures du 7 janvier 2008, ce qui exclut que, comme la société Calberson le suggère à tort, la Cour ait la possibilité, par une réouverture des débats, de se substituer au voiturier pour soulever d'office cette fin de non recevoir ; … en conséquence que la société Danzas et la société Calberson ne peuvent l'opposer à la société Allianz Versicherungs AG et à la société Bruker Biospin »
ALORS, d'une part, que, lorsque sa responsabilité est recherchée en qualité de garant de son substitué, le commissionnaire de transport peut opposer toutes les exceptions que celui-ci est en droit d'invoquer ; qu'en décidant cependant que le commissionnaire de transport, dont la responsabilité était recherchée exclusivement du fait de son transporteur substitué, n'était pas recevable à invoquer la fin de non recevoir tirée de l'absence de protestation motivée du destinataire dans les trois jours suivant la réception des marchandises, la Cour d'appel a violé les articles L. 132-6 et L. 133-3 du Code de commerce ;
ALORS, d'autre part, que le juge peut relever d'office les moyens de droit ; qu'en excluant cependant la possibilité de soulever d'office la fin de nonrecevoir tirée de l'absence de protestation motivée du destinataire dans les trois jours suivant la réception des marchandises, la Cour d'appel a violé les articles 16 du Code de procédure civile et L. 133-3 du Code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le commissionnaire de transport (la société Danzas, aux droits de laquelle vient la société DHL Holding France), solidairement avec le transporteur (la société Transal), à indemniser le destinataire (la société Allianz Versicherung AG) et son assureur (la société Bruker Biospin) de leur entier préjudice ;
AUX MOTIFS « qu'il doit être rappelé que la société Transal, sous-traitante de la société Calberson, elle-même sous-traitante de la société Danzas, devait transporter de Lyon à Wissembourg, six colis d'un poids total de 850 kgs de l'Université Claude Bernard à Lyon aux établissements de la société Bruker Biospin ; … qu'après lecture du disque chrono tachygraphe du camion de transport, les gendarmes n'ont pas relevé d'infraction à la règlementation sur les temps de repos, le chauffeur ayant dormi à l'hôtel le 17 juillet 2003 entre 22 h. et 2h40, n'ayant pas commis d'excès de vitesse et n'ayant pas conduit sous l'empire d'un état d'alcoolémie ; … néanmoins que la société Transal admet que son chauffeur s'est endormi au volant à 5h30 du matin alors qu'il était sur l'autoroute A 35 à hauteur de Sélestat, de sorte que le véhicule s'est engagé sur une bretelle de sortie et qu'il est venu heurter la barrière de sécurité ; … qu'au prétexte que les six colis litigieux n'ont pas fait l'objet de la part de l'Université Claude Bernard, d'une déclaration de valeur, la société Transal ne peut utilement en déduire automatiquement que le donneur d'ordres a exprimé la volonté de limiter au plafond du contrat type, le montant de l'indemnité due ; … qu'en effet, tenir un tel raisonnement reviendrait à annuler les conséquences de la faute lourde ayant pu être commise par la société Transal ; or … que le simple fait de s'endormir au volant de son camion, de s'engager involontairement sur une bretelle d'autoroute et de heurter la barrière de sécurité en provoquant la perte de sa cargaison, le camion ayant fini sa course en contrebas de la chaussée avant de se coucher sur le flan droit et de s'immobiliser contre les arbustes, suffit à caractériser la faute lourde, par le défaut total de toute maîtrise du camion, ce qui constitue une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur ou de son préposé à l'accomplissement de sa mission, la maîtrise constante du camion étant la première obligation du conducteur ; … qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré, par motifs substitués, pour ce qui concerne l'existence d'une faute lourde »
ALORS que la faute lourde suppose une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; qu'en déduisant l'existence d'une faute lourde du seul assoupissement du conducteur au volant de son camion, la Cour d'appel a violé l'article 1150 du Code civil.

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Calberson, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré la société DANZAS et la société CALBERSON irrecevables à demander l'application de l'article 133-3 du Code de commerce ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'application de l'article L. 133-3 du Code de commerce réclamée par la société DANZAS et par la société CALBERSON ; que du fait que le camion a fini sa course couché en contrebas d'une bretelle de sortie de l'autoroute A et que le chauffeur du camion a été conduit à l'hôpital après l'accident, la livraison litigieuse n'a pas eu lieu comme prévu le 18 juillet 2003 ; que le 24 juillet 2003, un autre chauffeur a porté à la destinataire cinq colis (3 armoires et 2 colis sous palettes) que la société BRUKER BIOSPIN a signalé endommagés sur la lettre de voiture en notant en outre qu'il manquait le sixième colis ; que le sixième colis n'a pas été retrouvé ; que la perte a été partielle au sens de l'article 133-3 du Code de commerce qui prévoit que " la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de la réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée " ; que ce texte pourrait donc s'appliquer à l'espèce dès lors qu'il s'est agi d'une perte partielle, ce même si l'expertise diligentée en octobre 2003, qui portait sur une électronique à gradients et sur son système d'alimentation, a conclu à la " perte totale " des trois armoires et des deux cartons récupérés le 24 juillet 2003, six jours après l'accident, l'expression " perte totale " excluant nécessairement qu'une partie de la marchandise même détériorée, ait pu être, comme en l'espèce, finalement livrée ; mais que comme le soutiennent à bon droit la société ALLIANZ VERSICHERUNGS AG et la société BRUKER BIOSPIN, la fin de non recevoir tirée de l'application du texte susvisé, ne peut être soulevée que par le voiturier, la société TRANSAL ; que cette dernière ne l'a pas opposée dans ses écritures du 7 janvier 2008, ce qui exclut que, comme la société CALBERSON le suggère à tort, la Cour ait la possibilité, par une réouverture des débats, de se substituer au voiturier pour soulever d'office cette fin de non recevoir ; qu'en conséquence, la société DANZAS et la société CALBERSON ne peuvent l'opposer à la société ALLIANZ VERSICHERUNGS AG et à la société BRUKER BIOSPIN » ;
ALORS QUE, le transporteur qui se substitue un autre transporteur pour la réalisation du transport conserve sa qualité de transporteur et est donc recevable à invoquer la fin de non-recevoir prévue à l'article L. 133-3 du Code de commerce ; qu'en décidant du contraire, la Cour d'appel a donc violé les articles L. 133-1 et L. 133-3 du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR pour condamner solidairement la société CALBERSON et la société TRANSAL à garantir la société DANZAS du montant des condamnations prononcées à son encontre, soit les somme de 263. 844 et de 500, imputé à la société TRANSAL la commission d'une faute lourde ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'existence d'une faute lourde commise par la société TRANSAL ; … ; qu'il doit être rappelé que la société TRANSAL, sous-traitante de la société CALBERSON, elle-même sous-traitante de la société DANZAS devait transporter de Lyon à Wissembourg, six colis d'un poids total de 850kgs de l'Université Claude Bernard à Lyon aux établissements BRUKER BIOSPIN ; qu'après lecture du disque chrono tachygraphe du camion de transport, les gendarmes n'ont pas relevé d'infraction à la réglementation sur le temps de repos, le chauffeur ayant dormi à l'hôtel entre 22h et 2h40, n'ayant pas commis d'excès de vitesse et n'ayant pas conduit sous l'empire d'un état d'alcoolémie ; que, néanmoins, la société TRANSAL admet que son chauffeur s'est endormi au volant à 5h30 du matin alors qu'il était sur l'autoroute A35 à hauteur de Sélestat, de sorte que le véhicule s'est engagé sur une bretelle de sortie et qu'il est venu heurter la barrière de sécurité ; qu'au prétexte que les six colis litigieux n'ont pas fait l'objet de la part de l'Université Claude Bernard, d'une déclaration de valeur, la société TRANSAL ne peut utilement en déduire automatiquement que le donneur d'ordre a exprimé la volonté de limiter au plafond du contrat type, le montant de l'indemnité due ; qu'en effet, tenir un tel raisonnement reviendrait à annuler les conséquences de la faute lourde ayant pu être commise par la société TRANSAL ; que le simple fait de s'endormir au volant de son camion, de s'engager involontairement sur une bretelle d'autoroute et de heurter la barrière de sécurité en provoquant la perte de sa cargaison, le camion ayant fini sa course en contrebas contre les arbustes, suffit à caractériser la faute lourde, par le défaut total de toute maîtrise du camion, ce qui constitue une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur ou de son préposé à l'accomplissement de sa mission, la maîtrise constante du camion étant la première obligation du conducteur ; … qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré, par motifs substitués, pour ce qui concerne l'existence d'une faute lourde » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la nature de la faute du transporteur ; qu'il ressort du rapport de la gendarmerie que « le poids lourd s'est engagé à une vitesse excessive sur la bretelle de sortie 16 A avant de percuter la glissière de sécurité... », qu'il a été relevé à l'encontre du conducteur une infraction commise pour « défaut de maîtrise de la vitesse d'un véhicule à moteur sur autoroute », que ce constat est corroboré par le disque chrono tachygraphe qui établit que le voiturier roulait à une vitesse de 110 km heure au moment de l'accident, que le Parquet de Colmar qui retient la faute pénale, confirme qu'une contravention de quatrième classe pour défaut de maîtrise a bien été constituée à l'encontre de M. X... ; que pour s'engager sur une bretelle de sortie le voiturier doit nécessairement disposer à ce moment-là de sa pleine conscience puisque la man.. uvre implique un changement de direction du volant, que par conséquent le chauffeur ne pouvaient être victime à ce moment-là d'un assoupissement, qui se traduit par une perte de conscience momentanée ; qu'en outre il résulte du planning de la société TRANSAL, établi pour organiser les tournées entre Strasbourg et Dijon du chauffeur, M. X..., que ce avait repris le volant à 2H40 du matin avec un retard de 30 minutes, qu'au moment de l'accident il avait rattrapé 22 minutes sur son départ tardif, qu'il avait de même différé le départ de sa précédente tournée, qu'ayant ainsi systématiquement différé ses départs par rapport au planning il a roulé constamment dans un état de tension consécutif à ses efforts de rattrapage pour arriver à temps ; que l'accident a bien été une conséquence directement due à une faute de conduite du chauffeur, dont le faisceau d'éléments relatés ci-dessus caractérisent la faute lourde … » ;
ALORS QUE, la faute lourde est caractérisée par une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle ; qu'en se bornant à énoncer, pour retenir la faute lourde du voiturier, que le simple fait de s'endormir au volant de son camion, de s'engager involontairement sur une bretelle d'autoroute et de heurter la barrière de sécurité en provoquant la perte de sa cargaison, le camion ayant fini sa course en contrebas contre les arbustes, suffit à caractériser la faute lourde, par le défaut total de toute maîtrise du camion, ce qui constitue une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur ou de son préposé à l'accomplissement de sa mission, la maîtrise constante du camion étant la première obligation du conducteur, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur une simple faute de conduite, en l'absence de tout élément aggravant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1150 du Code civil et de l'article 21 du contrat type général des transports routiers.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-15015
Date de la décision : 01/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Responsabilité - Perte ou avarie - Article L. 133-3 du code de commerce - Bénéficiaires - Commissionnaire de transport ou voiturier ayant sous-traité le transport - Condition

La fin de non-recevoir tirée de l'article L. 133-3 du code de commerce ne profite au commissionnaire de transport ou au voiturier ayant sous-traité le transport que dans la mesure où l'action contre le voiturier effectif ou le transporteur sous-traitant qui exécute les opérations de transport se trouve elle-même éteinte. Ayant constaté que le voiturier effectif ou le transporteur sous-traitant qui avait exécuté les opérations de transport n'avait pas opposé la fin de non-recevoir tirée de l'article L. 133-3 du code de commerce, la cour d'appel en a exactement déduit que le commissionnaire de transport ou le transporteur ayant sous-traité le transport ne pouvait l'opposer au destinataire et à l'assureur de ce dernier


Références :

article L. 133-3 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 mars 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 déc. 2009, pourvoi n°08-15015, Bull. civ. 2009, IV, n° 158
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 158

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Petit (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Lecaroz
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.15015
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