LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Par acte déposé au greffe le 17 juillet 2009, Mme Ernestina X..., veuve Y... et MM. Serge et Lionel Y... ont déclaré reprendre l'instance en qualité d'héritiers de Marcel Y..., décédé en cours d'instance ;
Donne acte à Mme Ernestina X..., veuve Y... et à MM. Serge et Lionel Y... de leur reprise d'instance ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de M. A..., la cour d'appel s'est prononcée au visa de conclusions déposées par celui-ci le 5 juillet 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'intéressé avait déposé ses dernières conclusions d'appel le 5 novembre 2007, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Henri A... de ses demandes tendant à voir Monsieur Marcel Y... tenu à lui restituer, en sa qualité de seul héritier de Monsieur Fernand A..., la contre-valeur du portefeuille de titres et les pièces d'or déposés par celui-ci entre les mains de l'agent de change Z... et détournés par Y... et, en tout état de cause, à le voir condamner à lui payer à ce titre la somme de 107. 692, 30 (700. 000 F), outre intérêts,
AUX MOTIFS QUE « Vu les conclusions déposées par Monsieur A... le 5 juillet 2007, Vu les conclusions déposées par Monsieur Y... le 13 septembre 2007 »,
ALORS QUE s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ;
Que pour rejeter les demandes de Monsieur Henri A..., la cour d'appel s'est prononcée au visa de conclusions déposées le 5 juillet 2007 ;
Qu'en statuant ainsi bien que l'intéressé ait déposé et notifié ses conclusions récapitulatives le 5 novembre 2007, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Henri A... de ses demandes tendant à voir Monsieur Marcel Y... tenu à lui restituer, en sa qualité de seul héritier de Monsieur Fernand A..., la contre-valeur du portefeuille de titres et les pièces d'or déposés par celui-ci entre les mains de l'agent de change Z... et détournés par Y... et, en tout état de cause, à le voir condamner à lui payer à ce titre la somme de 107. 692, 30 (700. 000 F), outre intérêts,
AUX MOTIFS QU'« après avoir donné d'autres versions des faits, Monsieur Y... a admis devant le magistrat instructeur, avoir, conformément aux souhaits de Monsieur Fernand A..., acquis des bons anonymes avec le produit des deux chèques, et les avoir partagés avec un autre ami de Monsieur A..., Monsieur C... ; que selon l'arrêt de la chambre d'accusation du 8 juin 1995, qui a confirmé l'ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction, il a été attesté par Monsieur D..., employé du Crédit Lyonnais et gestionnaire du compte de Monsieur Y... depuis 1978, qu'il avait été sollicité par ce dernier pour établir la procuration présentée à la charge Z..., et avait rendu deux visites à Monsieur A..., avec qui il avait eu le 1er mai 1998 un entretien, au cours duquel, après s'être assuré que celui-ci jouissait de tout son discernement, il lui avait remis le modèle de procuration, alors que Monsieur A... lui faisait part de son intention non équivoque d'écarter son épouse et son fils des opérations envisagées et lui demandait de lui procurer une formule de placement discrète afin d'en faire profiter d'autres personnes, sans que ces opérations soient effectuées sur les comptes dont il était déjà titulaire, et qu'il avait alors signé un bordereau d'ouverture de compte au Crédit Lyonnais, et décidé que les liquidités obtenues seraient réalisées en bons anonymes, Monsieur Y... devant être le bénéficiaire de ces opérations ; que Monsieur D... a également indiqué que lors de sa deuxième visite, Monsieur A... lui avait signé un formulaire de retrait, alors que lui-même lui remettait 35 bons anonymes ainsi qu'un décompte comportant le nombre de bons, le numéro des formules et la valeur nominale de chaque bon ; qu'un autre employé du Crédit Lyonnais, Monsieur E... a, selon l'arrêt de la chambre d'accusation du 8 juin 1995, précisé avoir, pendant les congés de Monsieur D..., reçu de Monsieur Y... le second chèque endossé par Monsieur A... et avoir remis à Monsieur Y... un chèque guichet d'un montant similaire que celui-ci avait fait signer par Monsieur A... et que, sur présentation de ce chèque endossé, il avait confié en main propre à Monsieur Y... 22 bons anonymes de caisse, après avoir reçu un appel téléphonique de Monsieur A... l'autorisant expressément à agir de la sorte ; que Monsieur C..., ami de longue date de Monsieur A..., a reconnu avoir reçu de l'argent de ce dernier, et des bons anonymes pour un montant de 270. 000 F, directement de ce dernier, et non pas de Monsieur Y... ; que celui qui invoque l'existence d'un don manuel n'est pas soumis à l'article 1341 du code civil, et que celui qui est entré en possession de fonds à l'aide d'une procuration peut notamment prouver par tous moyens l'intention du mandant de lui consentir un don manuel ; que la démonstration de l'intention libérale dont était animé Monsieur Fernand A... à l'égard de Monsieur Y... comme d'ailleurs à l'égard de Monsieur C... est suffisamment faite par les témoignages précités, notamment celui de Monsieur D..., particulièrement clair à cet égard, et qu'il convient d'admettre que la preuve du don manuel allégué par Monsieur Y... est rapportée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen pris de la clandestinité de la possession et que cette preuve rend inopérant ; que dans ces conditions l'appelant ne peut qu'être débouté de l'intégralité de ses demandes » ;
ALORS QUE le don manuel n'a d'existence que par la tradition réelle que fait le donateur de la chose donnée, effectuée dans des conditions telles qu'elle entraîne la dépossession de celui-ci et assure l'irrévocabilité de la donation ; que tel n'est pas le cas de la personne âgée, grabataire et hospitalisée qui consent une procuration sur ses comptes à un tiers à seule fin de réaliser son portefeuille de valeurs, et de lui voir confier le produit de la vente en un chèque libellé au nom du mandant pour qu'il soit déposé sur un compte et réalisé en bons anonymes remis au mandant ;
Que la cour d'appel qui a retenu que la preuve du don manuel était rapportée par le témoignage de Monsieur D..., employé du Crédit Lyonnais, qui a dit que Monsieur Fernand A... – après avoir remis une procuration à Monsieur Y... pour qu'il réalise la totalité de son portefeuille de valeurs, se voit remettre le produit de la vente en deux chèques libellés au nom de A... et dépose les chèques sur un compte ouvert au nom de ce dernier – ayant signé un formulaire de retrait, s'était vu remettre les bons anonymes personnellement et non à Monsieur Marcel Y..., preuve n'étant pas rapportée ainsi de la remise effective et irrévocable constitutive du don manuel, a violé les articles 931, 1315 et 2231 du Code civil ;
ALORS, en tout état de cause, QUE les dispositions à titre gratuit sont annulées lorsqu'elles ont été obtenues à l'aide de suggestion et de captation dolosives ; que tel est le cas lorsqu'une personne âgée, grabataire et hospitalisée pour une maladie qui va l'emporter, procède à des opérations financières par l'intermédiaire d'un tiers dont le but est d'obtenir un don manuel d'une somme d'argent ;
Qu'en l'état de la concomitance du décès de Monsieur Fernand A... et de la remise à Monsieur Marcel Y... de sommes d'argent en espèces et de pièces d'or, et du comportement équivoque adopté par ce dernier, qui a nié d'abord avoir retiré un profit personnel des opérations mises en place par lui pour ne l'admettre finalement qu'à la suite d'une perquisition à son domicile, la cour d'appel qui a retenu seulement que la preuve du don manuel allégué par Monsieur Y... était rapportée, sans rechercher si le consentement à ce prétendu don manuel effectué par Monsieur Fernand A... ne lui avait pas été arraché par Monsieur Y... à l'aide de suggestion et de captation dolosives, a privé sa décision de base légale au regard des articles 931 et 1116 du Code civil.