LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 19 décembre 1997 par la société Ufifrance patrimoine en qualité de démarcheur, puis de superviseur ; que, le 21 avril 2004, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement de rappel de salaire et de frais professionnels et a ensuite contesté son licenciement pour faute grave notifié par courrier du 10 juin 2004 ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais, sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre de commission, l'arrêt retient que le droit contractuel prévoyait une rémunération fixe égale au SMIC "plus" une rémunération variable payable sous forme de commissions, que la partie fixe du salaire ne pouvait être payée par une avance sur commission, que l'imputation des commissions sur le salaire fixe avait eu pour conséquence de priver le salarié du bénéfice de la partie fixe de sa rémunération, celle-ci s'évaporant dans son commissionnement et que les stipulations contractuelles relatives à l'imputation sur les commissions du différentiel lorsque le salarié n'a pas droit à des commissions étaient non écrites comme étant contraires au principe de la double rémunération ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le système de rémunération appliqué, ressortait de la liberté contractuelle et avait eu pour effet d'assurer au salarié, chaque mois, une rémunération au minimum égale au SMIC, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Ufifrance patrimoine à payer à M. X..., la somme de 13 080,79 euros en rappel de commissions et celle de 1 308,07 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêt légal à compter du 14 mai 2004, l'arrêt rendu le 6 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Déboute M. X... de sa demande en paiement au titre des commissions et des congés payés afférents ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Ufifrance patrimoine
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UFIFRANCE PATRIMOINE à payer à Monsieur Pierre X... les sommes de 13 080,79 euros en rappel de commissions, ainsi que 1 308,07 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2004 ;
AUX MOTIFS QUE « sur sa rémunération au titre des commissions, le salarié soutient que, certains mois, l'employeur a versé au salarié un complément de salaire afin de lui assurer le SMIC sous forme d'avances sur commissions qui furent par la suite défalquées du montant de ses commissions. Il réclame le paiement de cet "écart négatif". Le droit contractuel prévoyait une rémunération fixe égale au SMIC "plus" une rémunération variable payable sous forme de commissions. La partie fixe du salaire ne pouvait être payée par une avance sur commissions. En effet, l'imputation des commissions sur le salaire fixe a eu pour conséquence de priver le salarié du bénéfice de la partie fixe de sa rémunération, celle-ci s'évaporant dans son commissionnement. La cour considère donc comme non écrites, comme étant contraires au principe de la double rémunération, les stipulations contractuelles relatives à l'imputation sur les commissions du différentiel lorsque le salarié n'a pas droit à des commissions (article 9.2.3.2 des conditions générales de l'avenant signé le 28 février 2003 et article 2.3 de l'avenant signé le 3 mars 2003). Le calcul présenté par le salarié n'est pas discuté pour la période non prescrite du 21 avril 1999 au 10 juin 2004, sauf à ne pas prendre en compte la somme de 3.862,19 euros relative à l'année 1998. Le salarié recevra la somme de 13.080,79 euros à ce titre, ainsi que les congés payés afférents s'agissant d'un rappel de rémunération. L'arrêt étant déclaratif de droit de ce chef, les sommes de 13.080,79 euros et 1.308,07 euros porteront intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2004, date à laquelle la débitrice a accusé réception du pli recommandé la convoquant à l'audience de conciliation, mentionnant la demande et valant première mise en demeure » ;
ALORS QUE la structure de la rémunération est librement fixée par les parties, dès lors qu'elle a pour effet d'assurer au salarié, chaque mois, une rémunération au moins égale au SMIC ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que tant le contrat de travail du 1er juillet 1998 que celui du 3 mars 2003 prévoyaient un traitement mensuel fixe égal au SMIC en vigueur majoré de 1/10ème au titre des congés payés, et une rémunération brute proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé par le salarié qui n'était due que si le seuil de déclenchement mensuel, fixé au montant du traitement fixe, était atteint ; que dans le cas où ce seuil n'était pas atteint, le différentiel en résultant était imputé sur la partie variable le ou les mois suivants ; que la Cour d'appel, après avoir constaté que les contrats de travail en cause prévoyaient une rémunération fixe égale au SMIC (cf. arrêt, p. 5, antépénultième alinéa), a néanmoins jugé illicites les clauses relatives à l'imputation sur les commissions du différentiel ayant pris naissance les mois où le salarié n'avait pas droit à des commissions ; qu'en statuant ainsi, quand cette imputation, qui résultait de la libre volonté des parties, était licite dès lors que le salarié était assuré de percevoir tous les mois une rémunération au moins égale au SMIC, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 141-10 devenu L. 3232-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UFIFRANCE PATRIMOINE à payer à Monsieur Pierre X..., avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, les sommes de 1 293,77 euros au titre d'une mise à pied injustifiée, de 8 304,02 euros au titre de l'indemnité de délai-congé, de 830,40 euros au titre des congés payés afférents, de 2 693,04 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 45 000 euros pour licenciement illégitime et vexatoire et de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles et d'AVOIR condamné la société UFIFRANCE PATRIMOINE à verser à l'Assédic les indemnités de chômage servies au salarié, dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE « sur les demandes liées au licenciement, les premiers juges ont estimé que le motif tiré de l'insuffisance professionnelle était réel et suffisamment grave pour justifier ce licenciement, non sur le fondement de la faute grave, mais sur le fondement de la cause réelle et sérieuse. Mais l'employeur a choisi de se placer sur le terrain disciplinaire et il ne peut élargir le motif du licenciement à des faits qui ne sont pas fautifs. A ce titre l'insuffisance professionnelle ne peut être fautive, sauf volonté délibérée du salarié de mal faire. Rien dans le dossier remis à la cour ne permet de retenir que M. X... a manifesté une telle volonté, la lettre de licenciement n'envisageant que son incapacité pour expliquer ses mauvais résultats. Ce motif non disciplinaire sera donc écarté sans plus d'analyse. Il n'est pas douteux, par ailleurs, que les réclamations du salarié quant au paiement de ses frais professionnels ne pouvaient lui être reprochées en l'état des motifs précédemment adoptés. De même, il n'est pas douteux que l'exercice par lui de la présente voie de droit – qui aboutit à reconnaître son bon droit – ne pouvait lui être davantage reproché. Sur le motif résultant de la violation de l'exclusivité, la lettre de licenciement reproche à M. X... d'avoir continué à gérer deux sociétés alors qu'il était dans les liens du contrat de travail. Ce fait – susceptible de caractériser une faute grave – n'est toutefois étayé par "aucune" pièce le concernant. Il en est à l'identique du grief numéroté 5. Il n'existe donc pas de faute susceptible d'avoir justifié le licenciement de ce superviseur. Le salarié recevra le paiement du salaire dont il a été privé durant sa mise à pied conservatoire et ses indemnités de rupture ; la cour rectifie partie des sommes allouées par les premiers juges : - 1 293,77 euros au titre de la mise à pied injustifiée, - 8 304,02 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de délai-congé, égale à deux mois sur la base d'un salaire brut mensuel de 4.152, 01 euros, somme supérieure à la demande mais implicitement comprise dans la réclamation générale, ainsi que les congés payés afférents, - 2 693,04 euros au titre de l'indemnité de licenciement. Âgé de 36 ans au moment de son licenciement, M. X... a perdu un salaire mensuel brut de 4.152,01 euros, en l'état d'une ancienneté supérieure à 6 ans au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés. Il justifie d'une période de chômage du 28 juin 2004 au 19 août 2005 (pièce n° 12) ; il ne dit rien de sa situation actuelle. La cour ajoute que sa mise à pied brutale, suivi d'un licenciement dénué de fondement, caractérise de la part de l'employeur une attitude vexatoire ouvrant droit à réparation comme le réclame son conseil. Ces éléments suffisent à la cour pour apprécier à la somme de 45 000 euros l'entière réparation de ses préjudices, toutes causes confondues » ;
1. ALORS QUE pour établir la violation par le salarié de la clause de son contrat de travail l'obligeant à l'exclusivité, la société UFIFRANCE PATRIMOINE produisait un extrait K BIS de deux sociétés au sein desquels monsieur X... apparaissait comme gérant de droit au 24 mai 2004, outre des relevés révélant la perception de commissions par monsieur X... en provenance de ces mêmes sociétés ; qu'en affirmant que le fait de gérer deux sociétés alors que le salarié était dans les liens du contrat de travail n'était étayé par « aucune » pièce, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code Civil.
2. ALORS QUE constitue une faute grave, ou à tout le moins une faute de nature à doter le licenciement d'une cause réelle et sérieuse, l'insuffisance de résultats d'un cadre salarié résultant de la circonstance que celui-ci donne la préférence à la gestion des sociétés qu'il dirige sur son activité salariée ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement faisait valoir que le salarié avait une activité insuffisante, sans doute liée à l'existence de ses autres activités en sa qualité de gérant de deux autres sociétés ; qu'en affirmant que seule la volonté délibérée de mal faire était susceptible de rendre l'insuffisance professionnelle fautive, ce qui n'était pas établi en l'espèce, pour affirmer que le licenciement du salarié n'était pas doté d'une cause réelle et sérieuse, quand la faute pouvait résulter de la préférence donnée au cadre salarié à ses autres activités professionnelles sur son activité salariée, sans qu'une volonté délibérée de mal faire soit nécessaire, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-14-4, alinéa 1er, devenu L. 1235-3 et L. 122-6 et L. 122-9, devenus L. 1234-1 et L. 1234-9 et L. 1234-13 du Code du travail ;
3. ALORS QUE constitue une faute grave, ou à tout le moins une faute de nature à doter le licenciement d'une cause réelle et sérieuse, le salarié qui suscite un contexte conflictuel avec sa hiérarchie en réclamant le paiement de frais professionnels relatifs à une période où ceux-ci font l'objet d'un paiement forfaitaire acquitté par l'employeur ; qu'en l'occurrence, il résultait des propres pièces produites par le salarié (pièce n° 540) que celui-ci soutenait qu'il avait exposé la somme de 27 869 euros à titre de frais professionnels au cours de l'année 2003 qui ne lui avait pas été remboursée ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que le contrat de travail signé par le salarié le 3 mars 2003 prévoyait le versement d'un forfait mensuel de 230 euros en remboursement des frais professionnels, et que celui-ci avait été acquitté à compter du 14 mars 2003 (cf. arrêt, p. 4, alinéas 12 à 14) ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucune pièce n'étayait l'affirmation de l'employeur selon laquelle le salarié aurait orchestré sciemment une situation de rupture en invoquant des griefs quant à la politique de gestion des frais professionnels par l'employeur, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation des articles L. 122-14-4, alinéa 1er, devenu L. 1235-3 et L. 122-6 et L. 122-9, devenus L. 1234-1 et L. 1234-9 et L. 1234-13 du Code du travail.