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05/11/2009 | FRANCE | N°08-44400

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 novembre 2009, 08-44400


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... engagé en qualité de monteur ajusteur par la société Albret reprise en dernier lieu par la société Carterpillar matériels routiers a exercé plusieurs mandats électifs ou de représentation au sein de l'entreprise jusqu'à sa mise à la retraite en février 2004 ; que s'estimant victime d'une discrimination syndicale il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que

pour rejeter la demande du salarié l'arrêt retient, d'une part, que les propo...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... engagé en qualité de monteur ajusteur par la société Albret reprise en dernier lieu par la société Carterpillar matériels routiers a exercé plusieurs mandats électifs ou de représentation au sein de l'entreprise jusqu'à sa mise à la retraite en février 2004 ; que s'estimant victime d'une discrimination syndicale il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié l'arrêt retient, d'une part, que les propositions de la société de licencier M. X... n'étaient pas discriminatoires puisque fondées sur des difficultés économiques avérées et que les licenciements répondaient à des critères de choix précisément définis et, d'autre part, que la comparaison avec trente autres salariés à laquelle M. X... s'est livré ne révélerait pas une discrimination faute d'être complètement renseignée et confortée par des pièces justificatives alors que les fonctions, la qualification et l'ancienneté de quatorze d'entre eux étaient différentes ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle constatait que les demandes de licenciement économique du salarié présentées à plusieurs reprises à l'administration du travail et refusées par celle-ci résultaient de la prise en considération d'absences liées à l'exercice des mandats représentatifs, et alors qu'il incombait à l'employeur de justifier par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination les différences de traitement pour l'ensemble des salariés auxquels l'intéressé se comparaît et non seulement pour une partie d'entre-eux, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société Carterpillar matériels routiers aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Carterpillar matériels routiers à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X... tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait de la discrimination subie ;
AUX MOTIFS QUE Daniel X... a été engagé le 14 avril 1972 par la SA ALBARET aux droits de laquelle est venue la société CATERPILLAR MATERIELS ROUTIERS en qualité d'ajusteur- monteur P2 affecté à l'atelier montage ; il avait le coefficient 190 ; en novembre 1985, il est devenu magasinier en restant au même coefficient ; en juillet 1990, il est passé au coefficient 215, Niveau III, Echelon 1 ; en 2001, il et devenu "coordinateur hygiène et sécurité du personnel", poste nouvellement créé et est passé au coefficient 240, Niveau III, Echelon 3 ; il a fait valoir ses droits à la retraite le 1er février 2004; depuis plusieurs années, il avait le statut de salarié protégé, ayant exercé de nombreux mandats syndicaux, ayant été membre du comité d'entreprise, délégué syndical CFDT, membre du comité d'hygiène et de sécurité, ayant été également désigné administrateur salarié à la sécurité sociale et à l'URCAM de PICARDIE, ainsi que représentant des salariés à la COTOREP ; faisant valoir que dans le déroulement de sa carrière professionnelle, il avait été victime d'une discrimination en raison de son activité syndicale, Daniel X... a saisi le 10 décembre 2003, le conseil de prud'hommes de COMPIEGNE d'une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette discrimination; le conseil de prud'hommes de COMPIEGNE, considérant qu'il y avait eu discrimination, a statué comme indiqué cidessus par jugement du 21 juin 2006 dont il a été régulièrement interjeté appel principal et incident ; selon l'article L 122-45 du code du travail, qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, en raison de ses activités syndicales ; l'alinéa 4 dudit article dispose : "En cas de litige relatif à l'application des alinéas précédents, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination" ; l'article L 140-2 du code du travail poste le principe de l'égalité des rémunérations "pour un même travail ou pour un travail de valeur égale" ; ce principe s'applique pour autant que les salariés en cause soient placés dans une situation identique ; s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; la discrimination peut être établie par comparaison avec l'évolution de carrière et la rémunération d'autres salariés ayant les mêmes fonctions, à diplôme et ancienneté équivalents, placés dans une situation identique ; la décision de l'employeur d'inclure Daniel X... dans les licenciements économiques envisagés en 1984 et entre 1992 et 1993, décision qui s'est heurtée au refus de l'autorité administrative, ne peut être considérée comme présentant un caractère discriminatoire dès lors que ces licenciements étaient d'ordre économique, les difficultés économiques de la société étant avérées et sérieuses, qu'ils répondaient à des critères de choix précisément définis, (qualification et efficience professionnelle et à qualification et efficience professionnelle identiques, ancienneté et charges de famille), qu'ils concernaient un nombre important de salariés, dont certains étaient, comme Daniel X..., des salariés protégés, que le licenciement de certains de ceux-ci a été autorisé et que la prise en compte par l'employeur des nombreuses absences du salarié à son poste de travail en raison de l'exercice de ses multiples mandats, analysée par l'autorité administrative comme une discrimination, relevait d'un des critères de choix retenu, à savoir l'efficience professionnelle, et n'entrait donc pas dans le cadre de la définition de la discrimination telle que donnée par l'article L 122-45 du code du travail ;
ALORS QUE l'employeur ne peut, pour arrêter ses décisions, prendre en considération, même en partie, l'exercice d'une activité syndicale ; que la Cour d'appel a relevé que dans le cadre des procédures pour licenciements économiques, l'employeur avait pris en compte de nombreuses absences du salarié à son poste de travail en raison de l'exercice de ses mandats ; qu'en considérant néanmoins qu'aucune discrimination fondée sur l'activité syndicale du salarié n'était caractérisée, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L 1132-1, L 1134-1, L 2141-5 du Code du Travail (anciennement L 122-45 et L 412-2), ainsi violés;
Et AUX MOTIFS QUE Daniel X... prétend avoir été victime de discrimination dans le déroulement de sa carrière ; que la comparaison à laquelle il s'est livré de sa situation avec celle de 30 autres salariés, matérialisée par un document établi par lui-même, intitulé "comparatif de déroulement de carrière (04)" reprenant l'âge des salariés, leur formation, leur date d'entrée, leur coefficient et leur salaire brut en 1993 et leur coefficient et leur salaire en 2003, ne peut être révélatrice d'une discrimination dès lors que ce document n'est pas entièrement renseigné, qu'il n'est pas conforté par des pièces justificatives et qu'il ressort des fiches de poste signées des intéressés et produites par la société que 14 des salariés mentionnés occupaient des fonctions différentes des siennes et avaient une qualification et une ancienneté différentes ; la comparaison avec la situation de François Y..., entré dans la société en 1973, magasinier en 1991, représentant du personnel, situation présentant des similitudes avec celle de Daniel X..., ne fait pas apparaître d'éléments révélateurs d'une discrimination par rapport à celle de celui-ci ; l'employeur fait observer à juste titre que Daniel X... s'est abstenu de comparer sa situation avec celle de magasiniers, ayant les mêmes fonctions et qualifications que lui et dont l'évolution de carrière était similaire, voire inférieure à la sienne (Jean-Claude Z..., Gérard A..., Francis B..., Jean-Jacques C..., François D...) ; parmi les personnes citées par Daniel X..., certaines, représentants du personnel, ont obtenu une promotion, ce qui contredit le grief tenant à une hostilité syndicale de l'employeur, ce dont d'ailleurs Daniel X... ne s'était jamais plaint au cours de sa carrière; si le salaire de Daniel X... a pu stagner à certaines périodes, l'employeur justifie d'un gel temporaire de salaires résultant de difficultés économiques, gel appliqué à l'ensemble des salariés ; Daniel X..., représentant du personnel, a participé aux négociations salariales et avait donc une parfaite connaissance des difficultés rencontrées par la société qui ont conduit à ce gel généralisé des salaires ; concernant les griefs de Daniel X... quant à l'absence ou à l'insuffisance de son augmentation individuelle de salaires, il apparaît des pièces produites qu'il est passé du coefficient 190 au coefficient 215 avant de se voir appliquer en 2001 le coefficient 240 au fur et à mesure de l'évolution de ses fonctions, et que la société a mis en place à partir de 1990 un système d'appréciation fondé sur des critères précis conditionnant les augmentations individuelles de salaires, ce système d'évaluation ayant été modifié en 1993, la fiche d'évaluation devenant beaucoup plus complète ; les augmentations individuelles dépendaient donc de critères précis, pré-établis, applicables à tous ; Daniel X... n'établit pas, et ne prétend d'ailleurs pas, avoir contesté ses évaluations, lesquelles faisaient ressortir les qualités mais aussi les insuffisances constatées ; la fiche d'appréciation individuelle de Daniel X... du 21 mars 1991 porte la note 19/28 et l'année suivante la note 22/28 alors que l'augmentation individuelle pour le personnel de production était soumise pour le personnel de production à une note au moins égale à 22 ; contrairement à ce que soutient Daniel X..., son successeur au poste de coordinateur a été embauché à un coefficient moindre, et si celui-ci a connu une augmentation rapide de rémunération, il apparaît des pièces produites qu'il a obtenu rapidement de bons résultats et qu'il donnait toute satisfaction alors que l'appréciation portée sur Daniel X... pour l'année 2002 soulignait ses manquements en ce qui concerne l'utilisation des outils informatiques; les analyses comparatives auxquelles s'est livré le salarié ne sont pas déterminantes ; en conséquence, après examen des pièces et éléments de fait produits par le salarié d'une part, et des pièces et éléments produits par la société CATERPILLAR d'autre part pour expliquer ses choix et décisions concernant Daniel X..., il n'apparaît pas que celui-ci a été victime de discrimination en raison notamment de ses activités syndicales, étant au surplus souligné qu'à aucun moment de sa longue carrière au sein de la société CATERPILLAR il n'a fait état d'une attitude anti-syndicale de celle-ci ou d'une discrimination à son égard, ses reproches à ce sujet étant tardifs ; en conséquence, Daniel X... doit être débouté de toutes ses demandes et le jugement infirmé ;
ALORS QUE en premier lieu, il appartient au salarié qui se plaint de discrimination non pas d'apporter la preuve de ladite discrimination, mais de présenter des éléments de fait qui en font supposer l'existence ; que le salarié ne détient pas les éléments de carrière de ses collègues ; qu'en écartant les salariés du panel produit par lui au motif que ce document n'est pas entièrement renseigné et n'est pas assorti de pièces justificatives quand il appartenait au contraire à l'employeur de produire lesdites pièces, la Cour d'appel a violé les articles L 1132-1, L 1134-1, L 2141-5 du Code du Travail (anciennement L 122-45 et L 412-2) ;
ALORS surtout QUE Monsieur X... avait notamment produit des bulletins de paie justifiant des éléments de comparaison dont il faisait état ; que la Cour d'appel a relevé que le comparatif produit par Monsieur X... n'était pas conforté par des pièces justificatives ; que la Cour d'appel, qui s'est abstenue d'examiner et a fortiori d'analyser les pièces produites par l'exposant, a violé l'article 455 du CPC ;
ALORS QUE Monsieur X... avait fait valoir que les salariés avec lesquels ils avaient établi une comparaison étaient entrés dans l'entreprise avec un diplôme, une formation, une qualification et une rémunération identiques ou similaires aux siens mais que ces derniers, contrairement à lui, avaient bénéficié de promotions et d'augmentations de rémunération, voire de formation complémentaires proposées par l'employeur ; que la Cour d'appel a considéré que les éléments produits par le salarié n'étaient pas révélateurs d'une discrimination, certains des salariés cités en comparaison occupant des fonctions différentes des siennes, une qualification et une ancienneté différentes ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si les différences relatives aux fonctions et aux qualifications ne laissaient pas supposer l'existence d'une discrimination et si les différences concernant l'ancienneté justifiaient les disparités, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1132-1, L 1134-1, L 2141-5 du Code du Travail (anciennement L 122-45 et L 412-2) ;
ALORS QUE Monsieur X... avait objecté que la situation des salariés visés par l'employeur (Jean-Claude Z..., Gérard A..., Francis B..., Jean-Jacques C..., François D...) n'était pas comparable à la sienne puisqu'il s'agissait de salariés entrés dans l'entreprise en qualité d'OS ou de manoeuvres sans CAP tandis qu'il avait déjà, lors de son entrée dans l'entreprise, la qualification d'OP2 en étant titulaire d'un diplôme professionnel (CAP) ; que la Cour d'appel, qui n'a pas recherché si les salariés dont l'employeur faisait état disposaient, à leur entrée dans l'entreprise, d'un diplôme et d'une qualification identiques ou similaires à ceux de Monsieur X..., a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1132-1, L 1134-1, L 2141-5 du Code du Travail (anciennement L 122-45 et L 412-2) ;
ALORS QUE la discrimination est caractérisée individuellement et le fait que certains représentants du personnel, autres que le plaignant, aient bénéficié de promotions est inopérant ; que la Cour d'appel a relevé que « parmi les personnes citées par Daniel X..., certaines, représentants du personnel, ont obtenu une promotion, ce qui contredit le grief tenant à une hostilité syndicale de l'employeur » ; qu'en statuant par des motifs inopérants, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS en outre QUE Monsieur X... avait souligné que, dans le cadre des évaluations, l'employeur avait pris en considération le fait qu'il s'absentait pour exercer ses mandats de représentants du personnel ; que la Cour d'appel n'a pas recherché si l'employeur avait pris en considération lesdites absences pour arrêter ses décisions relatives aux augmentations et à l'évolution de carrière ; que la Cour d'appel, qui n'a pas procédé à cette recherche, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1132-1, L 1134-1, L 2141-5 du Code du Travail (anciennement L 122-45 et L 412-2) ;
Et ALORS enfin QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et l'absence de contestation antérieure d'un salarié victime de discrimination est inopérante dès lors que la prescription trentenaire n'est pas acquise ; que la Cour d'appel s'est fondée sur le fait sur le fait que Monsieur X... n'avait pas contesté les évaluations professionnelles dont il avait fait l'objet et « qu'à aucun moment de sa longue carrière au sein de la société CATERPILLAR il n'a fait état d'une attitude antisyndicale de celle-ci ou d'une discrimination à son égard, ses reproches à ce sujet étant tardifs » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 455 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44400
Date de la décision : 05/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 02 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 nov. 2009, pourvoi n°08-44400


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44400
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