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05/11/2009 | FRANCE | N°08-44259

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 novembre 2009, 08-44259


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Besançon, 13 juin 2008) que M. X..., engagé en qualité d'éducateur spécialisé le 1er février 2002 par l'association Servir, a été licencié pour faute grave le 15 février 2006 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes liées à la nullité du licenciement, alors, selon le moyen, que pour rejeter la demande de M. X... au titre du harcèlement moral, la cour d'appel retient que les éléments de preuve

produits par le salarié ne sont pas suffisants pour démontrer la réalité et la gravité de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Besançon, 13 juin 2008) que M. X..., engagé en qualité d'éducateur spécialisé le 1er février 2002 par l'association Servir, a été licencié pour faute grave le 15 février 2006 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes liées à la nullité du licenciement, alors, selon le moyen, que pour rejeter la demande de M. X... au titre du harcèlement moral, la cour d'appel retient que les éléments de preuve produits par le salarié ne sont pas suffisants pour démontrer la réalité et la gravité des faits de harcèlement moral reprochés à l'employeur ; qu'il résulte cependant de l'article L. 122-52 du code du travail devenu l'article L. 1154-1 de ce code, applicable en matière de discrimination et harcèlement, interprété à la lumière de la Directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail que, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ; qu'en statuant comme elle a fait, en imposant au salarié de prouver la réalité et la gravité du harcèlement moral invoqué, la cour d'appel a violé les articles L. 122-49, alinéa 1er, et L. 122-52 du code du travail, devenus les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 de ce code ;

Mais attendu que, sans méconnaître les règles d'administration de la preuve applicables en la matière, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, fait ressortir que les documents produits n'étaient pas de nature à laisser supposer que le salarié avait subi un harcèlement moral dans l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité du licenciement et d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes liées à la nullité du licenciement ;

Aux motifs qu'en l'espèce, M. Alain X..., embauché en qualité d'éducateur spécialisé par l'association Servir pour le compte de son établissement la Villa des Sapins à Valdoie (90), a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 15 février 2006 après mise à pied conservatoire notifiée dans la lettre du 23 janvier 2006 de convocation de l'intéressé à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement ; que non seulement il conteste les motifs énoncés dons la lettre de licenciement, mais qu'il soutient à titre principal qu'un tel licenciement est nul car il vient sanctionner l'usage de son droit de retrait et d'expression, cet usage étant justifié « par les agissements fautifs et répétés dont le caractère attentatoire à la dignité perturbe l'exécution de son travail » ; qu'il sera rappelé, avant d'examiner les griefs énoncés, que M. X..., né en 1950, bénéficiait d'une longue expérience professionnelle d'éducateur spécialisé, son contrat faisant référence à une reprise d'ancienneté de 24 ans ce qui est au demeurant discuté par l'intéressé, et qu'il a été amené ponctuellement à donner son avis motivé sur le fonctionnement de l'établissement ainsi que cela résulte de ses lettres en date du 10 mars 2003 adressée au directeur de la Villa des Sapins et en date du 25 octobre 2004 adressée au Président de l'association Servir, ces lettres ne faisant toutefois état d'aucune critique ou réclamation ; que s'il est constant que l'appelant a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie du 3 janvier 2005 au 13 mars 2005, ce n'est toutefois que le 2 décembre 2005 que l'intéressé a adressé une lettre au Président de l'association pour se plaindre de harcèlement moral en énumérant les divers manquements, infractions et non-respect aux règles du droit du travail dont il était victime, ces manquements touchant selon lui l'ensemble du personnel éducatif d'encadrement, l'intéressé précisant qu'il entendait faire usage du droit de retrait prévu à l'article L.231.8 du Code du travail à chaque fois que ses conditions de travail ne seront pas en adéquation avec les prescriptions légales ; que par nouvelle lettre recommandée du 20 décembre 2005 adressée au Président de l'association, M. X..., contestant son planning pour la période du 19 au 31 décembre 2005, qui n'était pas selon lui en adéquation avec les dispositions de la convention collective de 1966 relatives à la durée des repos hebdomadaires a prévenu de son retrait du travail pour cette période ; que dans le même temps, la directrice de la Villa des Sapins était alertée par son chef de service éducatif, Mme Y..., des difficultés relationnelles rencontrées par une éducatrice, Mlle Elise Z..., avec M. X..., cette dernière s'étant ouverte de ses difficultés avec une éducatrice, Mme A..., laquelle avait informé le 5 décembre le chef de service qui, après s'être entretenu le 9 décembre avec Mlle Z..., a alerté par lettre du 15 décembre 2005 la directrice de l'établissement, étant relevé que les difficultés relationnelles rencontrées par cette jeune éducatrice ont été déterminantes dans le déclenchement de la procédure disciplinaire le 23 janvier 2006, ce point constituant le principal grief énoncé dans la lettre de licenciement ; qu'il sera encore relevé que le Président de l'association avait répondu le 19 décembre 2005 à M. X... qu'il avait donné les consignes nécessaires aux directeurs et cadres afin qu'ils prennent les mesures utiles pour le bon fonctionnement de la Villa des Sapins avec les moyens disponibles, et que l'intéressé lui avait répondu le 16 janvier 2006 qu'il n'existait jusqu'à ce jour aucune défiance vis à vis de sa hiérarchie, qu'il ne mettait pas en doute la bonne foi du Président ni celle du Conseil d'administration mais que les problèmes persistaient sur les groupes avec des conditions d'intervention éducative de plus en plus difficiles, l'intéressé situant les problèmes à l'articulation entre l'équipe éducative et celle de direction, secteur confié à Mme Y..., ce cadre de « proximité » devant soutenir le travail de ses équipes en participant le cas échéant à l'encadrement des enfants ou au travail administratif ; que si ces différents éléments permettent de mettre en exergue des difficultés de fonctionnement au sein de la Villa des Sapins, comprenant une trentaine de salariés et accueillant des enfants et des adolescents confiés principalement par les divers services de l'aide sociale à l'enfance dépendant des Conseils généraux, ils ne permettent en revanche pas de retenir un quelconque harcèlement moral dont serait victime l'appelant au sens de l'ancien article L.122.49 du code du travail, les premières revendications clairement exprimées relatives au respect des règles du droit du travail précédant de peu la procédure de licenciement, laquelle vise des faits révélés précisément au chef de service au moment des réclamations de M. X... qui remettait particulièrement en cause les décisions de ce chef de service dans l'organisation des emplois du temps des éducateurs ; que si certaines de ces revendications n'étaient pas dénuées de toute pertinence, elles ne traduisent pas des faits répétés de harcèlement moral et ne justifiaient pas le retrait opposé par le salarié à propos de la prise de ses congés trimestriels en décembre 2005, étant rappelé que le retrait d'une situation de travail n'est justifié que si le salarié a un motif raisonnable de penser que cette situation présente un danger grave et imminent pour sa vie et pour sa santé, ce qui n'est pas établi, étant relevé d'autre part que lorsque le salarié a rempli le 12 janvier 2006 sa fiche de suivi mensuel du temps de travail pour le mois de décembre 2005, il n'a à aucun moment fait état d'un retrait à l'occasion de ses journées d'absence des 29, 30 et 31 décembre, son absence ayant alors dû nécessairement être assumée par les autres éducateurs ; que le licenciement ne sera donc pas annulé et que les demandes de M. X... découlant d'une annulation seront rejetées, y compris celle relative â la demande de remboursement de la déduction pour exercice du droit de retrait ;

Alors que, pour rejeter la demande de Monsieur X... au titre du harcèlement moral, la Cour d'appel retient que les éléments de preuve produits par le salarié ne sont pas suffisants pour démontrer la réalité et la gravité des faits de harcèlement moral reprochés à l'employeur ; qu'il résulte cependant de l'article L.122-52 du Code du travail devenu l'article L.1154-1 de ce code, applicable en matière de discrimination et harcèlement, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail que, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ; qu'en statuant comme elle a fait, en imposant au salarié de prouver la réalité et la gravité du harcèlement moral invoqué, la Cour d'appel a violé les articles L.122-49, alinéa 1er et L.122-52 du Code du travail, devenus les articles L.1152-1 et L.1154-1 de ce code ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Aux motifs que dans le même temps, la directrice de la Villa des Sapins était alertée par son chef de service éducatif, Mme Y..., des difficultés relationnelles rencontrées par une éducatrice, Mlle Elise Z..., avec M. X..., cette dernière s'étant ouverte de ses difficultés avec une éducatrice, Mme A..., laquelle avait informé le 5 décembre le chef de service qui, après s'être entretenu le 9 décembre avec Mlle Z..., a alerté par lettre du 15 décembre 2005 la directrice de l'établissement, étant relevé que les difficultés relationnelles rencontrées par cette jeune éducatrice ont été déterminantes dans le déclenchement de la procédure disciplinaire le 23 janvier 2006, ce point constituant le principal grief énoncé dans la lettre de licenciement ; le principal grief qui a motivé la procédure de licenciement est caractérisé par les pressions morales dont s'est plainte Mlle Z..., dans les condition rappelées ci-dessus, cette dernière ayant rapporté à son chef de service les propos critiques de M. X... à propos de l'organisation du travail, cet état d'esprit régulier devenant pesant au point que l'intéressée se sentait décontenancée, tendue quand elle exerçait son service en même temps que son collègue, Mlle Z... ayant également fait part à son chef de service de son tourment qui la préoccupait au point de l'empêcher de vivre sereinement ; que dans son attestation du 2 janvier 2006, Mlle Z... a confirmé que l'attitude de M. X... la gênait dans l'exercice de ses fonctions et que celui-ci lui avait notamment dit que dans son intérêt, il serait bien qu'elle adhère à ses idées ; qu'une autre éducatrice, Madame A..., a attesté le 5 janvier 2006 que Mlle Z... l'avait interpellée sur sa difficulté de travailler avec M. X..., et lui avait dit qu'elle se sentait très mal, désirant même donner sa démission ; que ces faits réels ne pouvaient pas laisser sans réaction l'association Servir au regard de ses propres obligations vis-à-vis de la santé de ses salariés et sont incontestablement sérieux ; qu'il est enfin reproché à M. X... d'avoir bénéficié de six jours de congés trimestriels pris de façon séparée, soit les 19, 20 et 21 décembre 2005 d'une part, et les 26, 27 et 28 décembre 2005 d'autre part, alors que la convention collective applicable de l'association Servir requiert une prise de congés trimestriels consécutive et non fractionnée, et alors que les jours pris ne correspondaient pas à ceux que le salarié avait posés et pour lesquels il avait obtenu validation de son chef de service éducatif ; qu'il est constant que Monsieur X... a adressé, le 17 décembre 2005, une demande de congés dûment signée par lui pour la période du 19 décembre 2005 au 26 décembre 2005 et que cette demande a été validée par la direction ; que le non-respect par l'éducateur de son emploi du temps a obligé l'employeur à rechercher « des palliatifs pour assurer la bonne organisation et l'encadrement nécessaire des enfants pendant cette période » à effectif réduit dû aux congés de Noël, ainsi que rappelé dans la lettre de licenciement ; que les explications données par l'appelant ne sont pas de nature à retirer le caractère réel et sérieux du non-respect des dates qu'il avait lui-même sollicitées pour ses congés trimestriels, ce qui a nécessairement modifié l'organisation du travail décidée initialement, et ce au détriment des autres éducateurs qui out dû pallier son absence, que la Cour considère que les faits fautifs retenus sont réels et sérieux mais ne sont pas constitutifs d'une faute grave ;

Alors, d'une part, qu'en énonçant que les explications données par Monsieur X... sur le grief invoqué par l'employeur n'étaient pas de nature à retirer le caractère réel et sérieux du non-respect des dates qu'il avait lui-même sollicitées pour ses congés trimestriels, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Monsieur X... qui fournissait des explications très claires de nature à ôter tout caractère fautif aux faits invoqués par l'employeur, en exposant, d'une part qu'en imposant la prise de jours de congés trimestriels consécutifs, l'employeur avait violé les dispositions de la convention collective applicable laquelle autorisait que ce type de congés soient fractionnés par des congés hebdomadaires, dont la durée était de trois jours, ou fériés, et d'autre part que sa prétendue demande de congés consistait en un document pré rempli, en ce qui concerne les dates de congés, par le chef de service, qu'il lui avait été imposé de signer en l'état, en sorte qu'il ne s'agissait pas d'une demande de congés émanant librement de lui, cette injonction l'ayant amené à réagir très rapidement en adressant à l'employeur un courrier en date du 20 décembre 2005 par lequel il avait fait usage de son droit de retrait, et a par là-même violé les dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, subsidiairement qu'en l'état des conclusions de Monsieur X..., la Cour d'appel ne pouvait retenir que ses explications sur le grief invoqué par l'employeur n'étaient pas de nature à retirer le caractère réel et sérieux de celui-ci, sans s'expliquer plus avant sur cette argumentation, qu'en cet état elle a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, enfin, qu'en se bornant à examiner séparément les éléments de preuve qui lui étaient soumis à l'appui du grief tiré par l'employeur des difficultés relationnelles rencontrées par Mademoiselle Z..., sans rechercher si, dans leur ensemble, ces éléments n'étaient pas en parfaite contradiction les uns par rapport aux autres, en sorte que le grief en cause ne pouvait être retenu, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L.122-14-3 (désormais article L.1235-1) du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44259
Date de la décision : 05/11/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 13 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 nov. 2009, pourvoi n°08-44259


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.44259
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