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04/11/2009 | FRANCE | N°08-17469

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 novembre 2009, 08-17469


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2344-7, R. 2344-3 du code du travail et l'article 5 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 interprété à la lumière de la Directive communautaire n° 94-45 du 22 septembre 1994 ;

Attendu, selon les deux premiers textes, que les contestations relatives à la désignation des membres du groupe spécial de négociation et des représentants au comité d'entreprise européen des salariés des établissements ou des entreprises implantés en France sont portées d

evant le tribunal d'instance du siège de l'entreprise ou de la filiale française do...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2344-7, R. 2344-3 du code du travail et l'article 5 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 interprété à la lumière de la Directive communautaire n° 94-45 du 22 septembre 1994 ;

Attendu, selon les deux premiers textes, que les contestations relatives à la désignation des membres du groupe spécial de négociation et des représentants au comité d'entreprise européen des salariés des établissements ou des entreprises implantés en France sont portées devant le tribunal d'instance du siège de l'entreprise ou de la filiale française dominante du groupe, et que, selon le troisième, ces textes ne sont pas applicables dans les entreprises et groupes d'entreprises dans lesquels existait, à la date du 22 septembre 1996, un accord prévoyant pour l'ensemble des salariés des instances d'information, d'échange de vues et de dialogue à l'échelon communautaire ou dans lesquels les parties ont décidé de reconduire ces mêmes accords venus à expiration ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par accord du 13 juin 1996 entré en application le 1er septembre, un comité d'entreprise européen a été institué au sein de filiales de la société Hamilton Sundstrand corporation ; que le 5 mai 2004 cet accord a été modifié par un nouvel accord prévoyant notamment les modalités de désignation ou d'élection des membres du comité ; qu'au mois d'avril 2007, les huit sociétés françaises du groupe Hamilton Sundstrand ont élaboré un protocole relatif à "l'élection" des représentants des salariés employés pour la France au sein de ce comité, laquelle a eu lieu le 23 mai 2007 ; que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT a saisi le tribunal d'instance de Figeac d'une demande d'annulation de cette "élection" aux motifs, d'une part, de la violation par le protocole des termes de l'accord du 5 mai 2004 et, d'autre part, de la nullité de certaines dispositions de ce même accord ;

Attendu que pour dire le tribunal d'instance de Figeac incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt statuant sur contredit retient que la désignation du juge compétent dépend de l'interprétation de l'accord du 5 mai 2004 qui comporte une clause selon laquelle les litiges pouvant survenir entre les parties quant à l'interprétation, la validité ou l'exécution de l'accord feront l'objet d'une décision entre le comité des représentants des salariés et les représentants de la direction et qu'à défaut ce seront les tribunaux compétents d'Allemagne qui décideront ;

Qu'en statuant ainsi alors que la désignation des représentants des filiales françaises du groupe Hamilton Sustrand corporation ayant été opérée en application d'un accord conclu le 5 mai 2004, modifiant l'accord initial du 13 juin 1996, et d'un protocole d'avril 2007, les dispositions des articles L. 2344-7 et R. 2344-3 du code du travail étaient applicables et fondaient directement la compétence du juge français auquel il appartenait de surseoir à statuer dans le cas où l'issue du litige aurait été subordonnée, au fond, à une question préjudicielle relative à l'interprétation, à l'exécution ou à la validité de cet accord, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ;

Dit le tribunal d'instance de Figeac compétent pour statuer sur la demande en annulation de la désignation des représentants au comité d'entreprise européen des salariés employés par les filiales françaises de la société Hamilton Sundstrand corporation ;

Renvoie devant le tribunal d'instance de Figeac pour qu'il soit statué sur le fond du litige ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés défenderesses à payer solidairement à la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le tribunal d'instance de Figeac incompétent pour statuer sur la demande d'annulation de la désignation des représentants au comité d'entreprise européen du groupe Hamilton Sundstrand intervenue le 23 mai 2007 au sein de la Société Ratier Figeac et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS QUE l'entreprise Hamilton Sundstrand est une division du groupe américain UTC qui comprend diverses entreprises en Europe et notamment en France la société Ratier Figeac ; qu'aux termes d'un accord du 22 septembre 1996 il a été convenu d'instituer au sein de la structure Hamilton Sundstrand un comité d'entreprise européen ; que cet accord a été modifié par un avenant du 5 mai 2004 qui notamment précise le mode de désignation ou d'élection des représentants des salariés ; que les sociétés françaises du groupe Hamilton ont élaboré au mois d'avril 2007 un protocole électoral « Election du représentant des employés pour la France au sein du comité d'entreprise européen d'Hamilton Sundstrand » ; que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT estime que ce protocole électoral a modifié les termes de l'accord du 5 mai 2004 car selon ce protocole seuls les secrétaires des comités d'entreprise pouvaient être candidats alors que selon elle aux termes de l'accord du 5 mai 2004 tous les membres des comités d'entreprise pouvaient être candidats, que par ailleurs le vote était un vote téléphonique en présence des responsables des ressources humaines de chaque société ; que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT conteste dit-elle les élections et la validité de ce protocole électoral et soutient que l'accord du 5 mai 2004 a expressément renvoyé aux législations nationales la question de l'organisation de la désignation ou de l'élection des représentants des salariés ce qui selon elle induit à la fois l'application de la législation nationale pour les conditions matérielles du déroulement du scrutin et Ia compétence exclusive des juridictions françaises pour connaître des contentieux relatifs à l'organisation du scrutin conformément à l'article L 439-19-1 du code du travail ; que les contestations doivent être portées devant le tribunal d'instance du siège de l'entreprise ou de la filiale française dominante du groupe d'entreprises de dimension communautaire ; qu'en l'espèce l'entreprise dominante est la société Ratier Figeac ; que c'est donc au tribunal d'instance de Figeac de connaître des questions relatives à la contestation des élections qui se sont déroulées le 23 mai 2007 à Figeac pour désigner les représentants français au comité d'entreprise européen ; que les sociétés françaises du groupe Hamilton Sundstrand soutiennent que les questions d'interprétation de l'accord du 5 mai 2004 sont de la seule compétence des juridictions allemandes ; que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT relève qu'il n'est pas demandé au juge français d'interpréter l'accord du 5 mai 2004, mais de statuer uniquement sur le contentieux électoral ; que l'article 11 de l'accord du 5 mai 2004 stipule : « 11-1. ce contrat sera régi et interprété conformément à la législation allemande ; 11-2. Tous les litiges pouvant survenir entre les parties quant à l'interprétation, la validité ou l'exécution de ce contrat feront l'objet d'une décision entre le comité des représentants des salariés et les représentants de la direction. Sans cet accord, ce seront les tribunaux compétents d'Allemagne qui décideront » ; que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT conteste l'interprétation de l'article 2.2.2 de l'accord du 5 mai 2004 et le protocole électoral élaboré en vue de l'organisation des élections ; que certes, il s'agit d'une contestation concernant le mode d'organisation du scrutin, mais il a été expressément prévu dans l'accord du 5 mai 2004 et précisément dans son article 2 les principes devant présider au mode de désignation ou d'élection des représentants des salariés ; que la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT conteste l'interprétation qui en est faite par les défenderesses ; que la contestation soulevée par cette dernière a pour objet l'exécution et l'interprétation de l'accord du 5 mai 2004 ; que ce sont donc les tribunaux compétents d'Allemagne qui devront en juger après la saisine du comité des représentants des salariés et des représentants de la direction ; qu'une juridiction étrangère apparaissant compétente, c'est à tort que le premier juge l'a désignée comme juridiction de renvoi, les dispositions de l'article 96 du code de procédure civile imposant au juge dans ce cas de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

1) ALORS QUE le tribunal d'instance compétent pour statuer sur les désignations des représentants du personnel contestées est également compétent pour apprécier la validité et interpréter l'accord collectif sur la base duquel ces désignations ont été effectuées ; qu'en déduisant que le tribunal d'instance de Figeac était incompétent pour statuer sur la demande d'annulation de la désignation des représentants au comité d'entreprise européen intervenue le 23 mai 2007 au sein de la Société Ratier Figeac de la circonstance que la contestation soulevée par la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT avait pour objet l'exécution et l'interprétation de l'accord de groupe du 5 mai 2004, la cour d'appel a violé l'article 49 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 2324-23, R. 2324-23 et L. 2344-7 du code du travail (anciens articles L. 433-11 et L. 439-19-1) ;

2) ALORS QUE les conventions ou les accords collectifs ne peuvent déroger aux dispositions d'ordre public en vigueur ; que selon l'article L. 2344-7 du code du travail (ancien article L. 439-19-1), les contestations relatives à la désignation des membres des représentants au comité d'entreprise européen des salariés des entreprises implantées en France sont portées devant le tribunal d'instance du siège de l'entreprise ou de la filiale française dominante du groupe d'entreprises de dimension communautaire ; qu'en se fondant sur la clause attributive de compétence prévue par l'article 11-1 de l'accord du 5 mai 2004 pour écarter les dispositions légales d'ordre public et retenir la compétence des tribunaux allemands, en lieu et place du tribunal d'instance de Figeac, pour statuer sur la demande d'annulation de la désignation des représentants au comité d'entreprise européen intervenue au sein de la Société Ratier Figeac, la cour d'appel a violé les articles L. 2251-1, R. 2324-23 et L. 2344-7 du code du travail (anciens articles L. 132-4 alinéa 2 et L. 433-11) ;

3) ALORS QUE (subsidiairement) l'article 11-1 de l'accord du 5 mai 2004 ne donne compétence aux tribunaux allemands que pour statuer sur les litiges portant sur « l'interprétation, la validité ou l'exécution » de l'accord ; qu'à le supposer incompétent pour interpréter cet accord, le tribunal d'instance de Figeac aurait dû surseoir à statuer, jusqu'à ce que les juridictions allemandes l'aient interprété, avant de connaître du contentieux principal de la désignation des représentants au comité d'entreprise européen ; qu'en décidant au contraire qu'il était incompétent pour statuer sur ce contentieux, la cour d'appel a violé l'article 49 du code de procédure civile, ensemble les articles L.2324-23, L.2344-7 et R.2324-23 du code du travail (anciens articles L.433-11 et L.439-19-1).


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-17469
Date de la décision : 04/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'entreprise européen - Membres - Désignation - Contestation - Compétence du tribunal d'instance - Compétence exclusive - Conditions - Désignation opérée sur la base d'accords conclus après le 22 septembre 1996 - Portée

TRIBUNAL D'INSTANCE - Compétence - Compétence matérielle - Elections professionnelles - Comité d'entreprise européen - Contestation - Recevabilité - Conditions - Détermination - Portée

Il résulte des articles L. 2344-7, R. 2344-3 du code du travail et de l'article 5 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 interprété à la lumière de la Directive n° 94/45/CE du 22 septembre 1994 que les contestations relatives à la désignation des représentants au comité d'entreprise européen des salariés des établissements ou des entreprises implantés en France sont portées devant le tribunal d'instance du siège de l'entreprise ou de la filiale française dominante du groupe dès lors que cette désignation a été opérée sur la base d'accords conclus après le 22 septembre 1996 ; lorsque ces accords désignent un juge étranger pour connaître de leur validité ou de leur interprétation et que ces dernières subordonnent l'issue du litige dont le juge français est saisi, il appartient à ce dernier de surseoir à statuer. Doit dès lors être cassé un arrêt qui, après avoir constaté que la désignation des représentants des salariés de filiales françaises au comité d'entreprise européen institué par un accord du 13 juin 1996 a été opéré sur la base d'un nouvel accord conclu en 2004 et modifiant le précédant, déclare le juge français incompétent pour connaître de la régularité de cette désignation au motif que l'accord de 2004, qui se déclare soumis à la loi allemande, comporte une clause selon laquelle les litiges pouvant survenir quant à son interprétation, sa validité ou son exécution feront l'objet d'une décision entre le comité des représentants des salariés et les représentants de la direction et qu'à défaut ce seront les tribunaux compétents d'Allemagne qui décideront


Références :

Directive n° 94/45/CE du 22 septembre 1994
article 5 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises
articles L. 2344-7 et R. 2344-3 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 21 mai 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 nov. 2009, pourvoi n°08-17469, Bull. civ. 2009, V, n° 241
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 241

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Duplat (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Béraud
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.17469
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