LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., blessé lors d'un accident de la circulation, a assigné en indemnisation M. Y..., conducteur du véhicule automobile impliqué, la société Etablissements Souchon propriétaire du véhicule, et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), assureur du véhicule (l'assureur), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir (la caisse) ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Assurances générales de France et M. X... font grief à l'arrêt de condamner in solidum M. Y..., la société Etablissements Souchon et l'assureur à payer en deniers ou quittances à M. X..., déduction faite de la créance de la caisse, d'une part au titre des préjudices patrimoniaux, pour la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, la somme de 227 128,91 euros, d'autre part au titre des préjudices extra-patrimoniaux , la somme de 29 926,99 euros, alors, selon le moyen, que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités réparant des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf si le tiers payeur établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel ; qu'en déduisant du poste "déficit fonctionnel permanent", qui constitue un poste de préjudice personnel, la somme de 47 073,01 euros correspondant à la partie extra-patrimoniale de la créance de la caisse au titre de la rente d'invalidité servie à M. X..., tandis qu'une partie seulement de cette somme, correspondant aux arrérages échus de la rente, avait été effectivement et préalablement versée à la victime par la caisse, la cour d'appel a violé les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
Mais attendu, selon l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, que les recours des organismes tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des postes de préjudices à caractère personnel, et que, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; que lorsque la décision d'attribution de la rente d'invalidité prise en application de l'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale est définitive, la caisse est tenue sous peine d'astreinte en cas de retard injustifié du versement de cette prestation, de sorte que tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus, la condition tenant au versement préalable et effectif de la prestation est remplie ;
Et attendu que l'arrêt retient que le recours de la caisse sur un poste de préjudice personnel s'exerce au titre des arrérages échus et du capital représentatif de la rente d'invalidité servie à M. X..., ce dont il résulte que cet organisme social était tenu du paiement des échéances futures de cette rente en application de la décision définitive d'attribution de cette prestation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;
Vu l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ;
Attendu, selon ces textes, que la rente d'invalidité indemnise d'une part les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, d'autre part le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de pertes de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel temporaire ou permanent, s'il existe ;
Et attendu que pour fixer le montant du recours de la caisse, au titre des préjudices patrimoniaux, à la somme de 47 073,01 euros, imputée sur les postes "perte de gains professionnels futurs" et "incidence professionnelle" évalués ensemble à la somme de 274 201,92 euros, puis, au titre des préjudices extra-patrimoniaux, à la même somme de 47 073,01 euros imputée sur le poste "déficit fonctionnel permanent " évalué à 77 000 euros, l'arrêt énonce que le recours subrogatoire de la caisse au titre des arrérages échus et du capital de la rente d'invalidité, soit la somme de 94 146,03 euros, s'exercera par moitié et à égalité d'une part sur la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, d'autre part sur le déficit fonctionnel permanent, à défaut de ventilation entre la part de la créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice et celle visant à en indemniser la partie extra-patrimoniale ;
Qu'en imputant ainsi la moitié de la créance de la caisse au titre des arrérages échus et du capital représentatif de la rente d'invalidité sur l'indemnité allouée au titre du poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel permanent, alors que le total des indemnités allouées en réparation des postes de préjudice patrimoniaux des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle de l'incapacité était d'un montant supérieur à cette créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement déféré en ce qu'il a fixé "les chefs de préjudices suivants de M. X... de la façon suivante : préjudice fonctionnel temporaire 28 800 euros, pretium doloris 25 000 euros, préjudice d'agrément 15 000 euros, préjudice esthétique 7 000 euros, déficit fonctionnel permanent 77 000 euros, frais de véhicule adapté 14 967,19 euros, et en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... au titre des pertes de revenus pendant la période d'ITT", l'arrêt rendu le 17 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de la société Assurances Générales de France et de M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, après avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné Monsieur Y..., les Etablissements Souchon et la SMABTP à payer diverses sommes à Monsieur X... au titre de son préjudice soumis à recours et de son préjudice non soumis à recours, condamné ces derniers à payer à Monsieur X... les seules sommes de 227.128,91 euros au titre de son préjudice économique et 29.926,99 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, et d'avoir rejeté les demandes de Monsieur X... au titre des autres préjudices ;
AUX MOTIFS QUE le préjudice de Monsieur X... doit être évalué à la somme de 14.967,19 euros au titre des frais de véhicule adapté, à celle de 24.240 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs et à celle de 249.961,92 euros au titre de l'incidence professionnelle ; qu'après le recours subrogatoire de la caisse poste par poste, il revient à la victime la somme de 227.128, 91 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ; que le préjudice de Monsieur X... doit être évalué aux sommes de 28.800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 25.000 euros au titre du pretium doloris, 77.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 7.000 euros au titre du préjudice esthétique et 15.000 euros au titre du préjudice d'agrément ; qu'après le recours subrogatoire de la caisse poste par poste, il revient à la victime la somme de 28.800 euros au titre du préjudice fonctionnel temporaire, la somme de 25.000 euros au titre du pretium doloris, la somme de 29.926,99 euros au titre du préjudice fonctionnel permanent, la somme de 15.000 euros au titre du préjudice d'agrément et la somme de 7.000 euros au titre du préjudice esthétique, sous réserve de déduire la provision versée à hauteur de 1.500 euros ;
ALORS QUE la cour d'appel a condamné les responsables de l'accident à payer à Monsieur X..., après déduction de la créance de la CPAM, les seules sommes de 227.128,91 euros au titre des préjudices de perte de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle, et 29.926,99 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'elle avait pourtant constaté que Monsieur X... devait par ailleurs être indemnisé à hauteur de 14.967,19 euros au titre des frais de véhicule adapté, 28.800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 25.000 euros au titre du pretium doloris, 7.000 euros au titre du préjudice esthétique et 15.000 euros au titre du préjudice d'agrément ; qu'ainsi la cour d'appel a omis de réparer des préjudices dont elle a constaté l'existence, en violation de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et du principe de réparation intégrale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le recours de l'organisme social (rente invalidité) sur le poste « déficit fonctionnel permanent », tel qu'alloué par les premiers juges à hauteur de 77.000 euros, s'exercerait à hauteur de 47.073,01 euros et d'avoir condamné Monsieur Y..., les établissements Souchon et la SMABTP à payer à Monsieur X..., après recours subrogatoire de la caisse, la somme de 29.926,99 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
AUX MOTIFS QUE le recours de la CPAM d'Eure-et-Loir au titre des arrérages échus de la rente et du capital de la rente invalidité, soit la somme de 94.146,03 euros s'exercera par moitié et à égalité d'une part, sur la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, d'autre part, sur le déficit fonctionnel permanent, à défaut de ventilation entre la part de la créance destinée à indemniser la partie patrimoniale du préjudice corporel et celle visant à en indemniser la partie extra-patrimoniale ; que le déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 77.000 euros ; que ce chef de préjudice indemnise la réduction du potentiel physique, psychologique, sensoriel ou intellectuel dont reste atteinte la victime ; que le recours de l'organisme social (rente invalidité) sur ce poste s'exercera à hauteur de 47.073,01 euros ; qu'il revient à la victime la somme de 29.926,99 euros après recours subrogatoire de la caisse ;
ALORS QUE le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités réparant les préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel, sauf si le tiers payeur établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel ; qu'en déduisant du poste « déficit fonctionnel permanent », qui constitue un poste de préjudice personnel, la somme de 47.073,01 euros correspondant à la partie extra-patrimoniale de la créance de la CPAM au titre de la rente invalidité servie à Monsieur X..., tandis qu'une partie seulement de cette somme, correspondant aux arrégages échus de la rente, avait été effectivement et préalablement versée à la victime par la CPAM, la cour d'appel a violé les articles L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006.